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faites en notre langue d’un très-grand nombre d’auteurs, & en général, graces au grand nombre d’ouvrages publiés en françois sur toute sorte de matiere ; il est vrai, dis-je, qu’une personne uniquement bornée à la connoissance de la langue françoise, pourroit devenir très-savante par la lecture de ces seuls ouvrages. Mais outre que tout n’est pas traduit, la lecture des traductions, même en fait d’érudition pure & simple (car il n’est pas ici question des lectures de goût), ne supplée jamais parfaitement à celle des originaux dans leur propre langue. Mille exemples nous convainquent tous les jours de l’infidélité des traducteurs ordinaires, & de l’inadvertance des traducteurs les plus exacts.

Enfin, car ce n’est pas un avantage à passer sous silence, l’étude des Sciences doit tirer beaucoup de lumieres de la lecture des anciens. On peut sans doute savoir l’histoire des pensées des hommes sans penser soi-même ; mais un philosophe peut lire avec beaucoup d’utilité le détail des opinions de ses semblables ; il y trouvera souvent des germes d’idées précieuses à développer, des conjectures à vérifier, des faits à éclaircir, des hypothèses à confirmer. Il n’y a presque dans notre physique moderne aucuns principes généraux, dont l’énoncé ou du moins le fond ne se trouve chez les anciens ; on n’en sera pas surpris, si on considere qu’en cette matiere les hypothèses les plus vraissemblables se présentent assez naturellement à l’esprit, que les combinaisons d’idées générales doivent être bien-tôt épuisées, & par une espece de révolution forcée être successivement remplacées les unes par les autres. Voy. Eclectique. C’est peut-être par cette raison, pour le dire en passant, que la philosophie moderne s’est rapprochée sur plusieurs points de ce qu’on a pensé dans le premier âge de la Philosophie, parce qu’il semble que la premiere impression de la nature est de nous donner des idées justes, que l’on abandonne bientôt par incertitude ou par amour de la nouveauté, & auxquelles enfin on est forcé de revenir.

Mais en recommandant aux philosophes même la lecture de leurs prédécesseurs, ne cherchons point, comme l’ont fait quelques savans, à déprimer les modernes sous ce faux prétexte, que la philosophie moderne n’a rien découvert de plus que l’ancienne. Qu’importe à la gloire de Newton, qu’Empedocle ait eu quelques idées vagues & informes du système de la gravitation, quand ces idées ont été dénuées des preuves nécessaires pour les appuyer ? Qu’importe à l’honneur de Copernic, que quelques anciens philosophes ayent crû le mouvement de la terre, si les preuves qu’ils en donnoient n’ont pas été suffisantes pour empêcher le plus grand nombre de croire le mouvement du Soleil ? Tout l’avantage à cet égard, quoi qu’on en dise, est du côté des modernes, non parce qu’ils sont supérieurs en lumieres à leurs prédécesseurs, mais parce qu’ils sont venus depuis. La plûpart des opinions des anciens sur le système du monde, & sur presque tous les objets de la Physique, sont si vagues & si mal prouvées, qu’on n’en peut tirer aucune lumiere réelle. On n’y trouve point ces détails précis, exacts, & profonds qui sont la pierre de touche de la vérité d’un système, & que quelques auteurs affectent d’en appeller l’appareil, mais qu’on en doit regarder comme le corps & la substance, & qui en font par conséquent la difficulté & le mérite. En vain un savant illustre, en revendiquant nos hypotheses & nos opinions à l’ancienne philosophie, a crû la venger d’un mépris injuste, que les vrais savans & les bons esprits n’ont jamais eu pour elle ; sa dissertation sur ce sujet (imprimée dans le tome XVIII. des Mém. de l’Acad. des Belles-Lettres, pag. 97.) ne fait, ce me semble, ni beaucoup de tort aux modernes, ni beaucoup d’honneur aux

anciens, mais seulement beaucoup à l’érudition & aux lumieres de son auteur.

Avoüons donc d’un côté, en faveur de l’érudition, que la lecture des anciens peut fournir aux modernes des germes de découvertes, de l’autre, en faveur des savans modernes, que ceux-ci ont poussé beaucoup plus loin que les anciens les preuves & les conséquences des opinions heureuses, que les anciens s’étoient, pour ainsi dire, contentés de hasarder.

Un savant de nos jours, connu par de médiocres traductions & de savans commentaires, ne faisoit aucun cas des Philosophes, & sur-tout de ceux qui s’adonnent à la physique expérimentale. Il les appelle des curieux fainéans, des manœuvres qui osent usurper le titre de sages. Ce reproche est bien singulier de la part d’un auteur, dont le principal mérite consistoit à avoir la tête remplie de passages grecs & latins, & qui peut-être méritoit une partie du reproche fait à la foule des commentateurs par un auteur célebre dans un ouvrage où il les fait parler ainsi :

Le goût n’est rien ; nous avons l’habitude
De rédiger au long de point en point
Ce qu’on pensa ; mais nous ne pensons point.

Volt. Temple du Goût.

Que doit-on conclure de ces réflexions ? Ne méprisons ni aucune espece de savoir utile, ni aucune espece d’hommes ; croyons que les connoissances de tout genre se tiennent & s’éclairent réciproquement ; que les hommes de tous les siecles sont à-peu-près semblables, & qu’avec les mêmes données, ils produiroient les mêmes choses : en quelque genre que ce soit, s’il y a du mérite à faire les premiers efforts, il y a aussi de l’avantage à les faire, parce que la glace une fois rompue, on n’a plus qu’à se laisser aller au courant, on parcourt un vaste espace sans rencontrer presqu’aucun obstacle ; mais cet obstacle une fois rencontré, la difficulté d’aller au-delà en est plus grande pour ceux qui viennent après. (O)

ERUPTION, s. f. (Medecine.) Ce terme est ordinairement employé dans le même sens qu’exanthème, pour signifier la sortie de la matiere morbifique sur la surface de la peau dans les affections cutanées, qui forme des taches ou de petites tumeurs, comme dans la fievre pourprée, dans la petite vérole.

L’action qui produit l’apparition des taches rouges dans la premiere de ces maladies, & celle des boutons dans la seconde, est ce qu’on appelle éruption. Voy. Exanthème, & toutes les maladies exanthémateuses, comme la petite-vérole, la rougeole, la gale, &c.

Eruption se prend encore dans un autre sens, mais plus rarement : lorsqu’il se fait une excrétion abondante & subite de sang, de pus, par l’ouverture d’un vaisseau, d’un abcès, on lui donne le nom d’éruption. (d)

* ERYCINE, s. f. ou adj. (Mythol.) surnom de Venus. Il lui venoit du mont Erix en Sicile, où Ericé lui éleva un temple lorsqu’il aborda dans l’isle ; la piété des Egestans l’avoient enrichi de vases, de phioles, & d’encensoirs précieux. Dédale y avoit consacré une vache d’or d’un travail exquis. Il y avoit beaucoup d’autres ouvrages de sa main. Voyez dans Elien toutes les merveilles qu’il raconte de ce temple. Venus Erycine avoit aussi dans Rome un temple qui passoit pour fort ancien dès le tems même de Thucydide.

* ERYMANTHE, s. m. (Géographie ancienne & Mythol.) montagne de l’Arcadie, le séjour de ce terrible sanglier qui ravageoit toutes ces contrées, qu’Hercule prit tout vivant & qu’il conduisit chez Euristhée. Ce fut un de ses douze travaux.