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pour pouvoir couper le verre. Voyez les Transactions philosophiques, n°. 138.

Il y a en Saxe dans le district d’Altemberg une mine d’étain en masse que les Allemands nomment stockwerck, qui peut être regardée comme un prodige dans la Minéralogie ; cette mine a environ 20 toises de circonférence, & fournit de la mine d’étain depuis la surface de la terre jusqu’à 150 toises de profondeur perpendiculaire.

La mine d’étain se trouve aussi par morceaux détachés, & même en poussiere, & pour lors elle est répandue dans les premieres couches de la terre : c’est ce que les mineurs allemands nomment seyffenwerck, & les anglois shoads. A Eybenstock en Saxe il y a une mine de cette espece ; on fouille le terrain l’espace de plusieurs lieues jusqu’à six & même dix toiles de profondeur, pour le laver & en séparer la partie métallique : on y trouve des fragmens de mine de fer & de mine d’étain, & de ces mines en poudre ; on y rencontre aussi quelquefois des paillettes d’or. Dans d’autres endroits du même district on ne fouille le terrain, pour le laver, qu’à quatre toises de profondeur, parce que le roc se trouve au-dessous, & l’on ne va pas plus avant ; peut-être l’expérience a-t-elle appris qu’il ne s’y trouvoit rien ; cependant, suivant les principes des Anglois, les fragmens de mine d’étain (shoads) annoncent le voisinage d’un filon, dont ils supposent toûjours que ces fragmens ont été détachés. Quoi qu’il en soit, on fait un canal le long de ce terrain dans lequel on fait venir de l’eau d’une hauteur voisine, afin qu’elle puisse entrainer la partie terrestre inutile ; on place des fagots & broussailles dans le fond du canal pour arrêter la partie minérale qui peut être utile ; des laveurs en bottes à l’épreuve de l’eau descendent dans le canal, & remuent avec des rateaux garnis de dents de fer ; ils jettent hors du canal tout ce qui se trouve de pierreux ; des jeunes garçons choisissent & mettent à part ce qui est bon. On enleve tous les jours avec une pelle la matiere pesante qui s’est déposée au fond du canal, & que l’eau n’a pû emporter ; on la passe par un crible de fil-de-fer ; on regarde ce qui a passé comme de la mine prête à fondre ; on porte le reste au boccard pour y être mis en poudre & lavé. Ces détails sont tirés de deux mémoires de MM. Saur & Blumenstein, insérés dans le traité de la fonte des mines de Schlutter, publié en françois par M. Hellot, de l’académie des Sciences, tome II. pag. 591 & 587. & 588.

Voici, suivant la minéralogie de M. Wallerius, les différentes especes de mines d’étain connues.

1°. L’étain vierge ; c’est de l’étain qu’on suppose n’être point minéralisé ni avec le soufre, ni avec l’arsenic, mais qui est tout pur & sous sa forme métallique. On le dit très-rare ; cependant plusieurs naturalistes nient l’existence de l’étain vierge, & prétendent que les morceaux de mines sur lesquels on voit des grains d’étain tout formés, ne présentent ce métal que parce qu’on a employé le feu pour détacher la mine ; opération dans laquelle l’étain qui étoit minéralisé auparavant, a été réduit, c’est-à-dire mis dans l’état métallique.

2°. Les crystaux d’étain, que les minéralogistes allemands nomment zinn-graupen : c’est de l’étain combiné avec du fer & de l’arsenic, qui a pris un arrangement régulier sous la forme de crystaux à plusieurs côtés, dont les facettes sont très-luisantes ; les sommets des angles sont tronqués. Ces crystaux sont, à l’exception des vrais métaux, la substance la plus pesante qu’il y ait dans la nature. M. Nicholls dit que leur pesanteur spécifique est à celle de l’eau, comme 90 est à 10 ; ce qui a lieu de surprendre, d’autant plus que l’étain est le plus leger des métaux. Voyez les Transactions philosophiques, n° 403.

Ils ne sont point durs ; la couleur en est ou blanche, ou jaune, ou rougeâtre, ou brune, ou noire ; ils sont ordinairement transparens & de différentes grandeurs.

3°. La mine d’étain appellée Zwitter par les Allemands ; c’est de l’étain minéralisé avec le fer & l’arsenic. On ne peut point y remarquer de figure réguliere ; c’est un amas de petits crystaux difficiles à distinguer, qui sont renfermés dans des matrices ou minieres de différente nature. Il paroît qu’elle ne differe de la précédente, que par la petitesse de ses crystaux, & qu’elle ne doit en être regardée que comme une variété. C’est la mine d’étain la plus commune.

4°. La pierre d’étain ; c’est de la mine d’étain qui a pour matrice de la pierre de différente espece, qui en masque les petits crystaux ; ce qui fait qu’elle ressemble à des pierres ordinaires, dont on ne peut la distinguer que par sa pesanteur, & par l’odeur arsénicale que le feu en fait partir.

5°. La mine d’étain dans du sable : ce sont des particules de mine d’étain qui se trouvent mêlées avec de la terre ou du sable, qu’elles rendent noir.

Il est aisé de voir que ces deux dernieres especes ne devroient être regardées que comme des variétés des deux précédentes ; ainsi il n’y a réellement que deux especes de mines d’étain : ce sont celles des 2 & 3. La premiere paroît purement chimérique.

M. Cramer, dans sa docimasie, parle d’une mine d’étain blanche, demi transparente, très-pesante, qui ressemble assez à du spath à l’extérieur : c’est, selon lui, de toutes les mines d’étain la plus rare. Cette mine est, selon toute apparence, de la seconde espece. On peut encore mettre les grenats au nombre des mines d’étain, attendu que ces pierres en contiennent souvent une portion, quoique très-petite. En général on peut dire que les mines d’étain sont composées d’étain, de beaucoup de parties ferrugineuses, d’une grande quantité d’arsenic, & d’une terre subtile, facile à vitrifier ou à réduire en scories.

La mine d’étain se trouve dans des pierres de toute espece comme les mines des autres métaux ; M. Henckel remarque cependant que c’est le talc blanc ou argent de chat & la stéatite, qui lui servent de matrice, au lieu qu’il est rare que ce soit du spath.

La mine d’étain est quelquefois engagée dans des roches si dures, que les outils des ouvriers ne peuvent la détacher ; & il y auroit de l’inconvénient à la faire sauter avec de la poudre ; pour lors on fait brûler du bois contre le roc, afin que le feu venant à la pénétrer la rende plus tendre & plus facile à détacher ; la mine qui a été tirée de cette maniere ne peut être écrasée sous les pilons du boccard, qu’après avoir été préalablement calcinée, parce que sans cela elle seroit trop dure.

Voici une maniere de faire l’essai d’une mine d’étain ; elle est de M. Henckel. Prenez une partie d’étain noir, c’est-à-dire de mine d’étain grillée pulvérisée & lavée, ou bien de mine d’étain réduite en poudre, de potasse ou de flux noir deux parties, de poix un quart, & d’huile de lin un huitieme : faites fondre brusquement le tout dans un creuset à grand feu. Voyez les élémens de Minéralogie de M. Henckel, part. II.

Les mines d’étain se trouvent presque toûjours unies avec un grand nombre de substances, qui les rendent difficiles à traiter ; telles sont sur-tout les mines de fer arsénicales & réfractaires, que les Allemands nomment wolffram, eisenmahl, schirl, &c. les ochres, les pyrites : cela vient de la facilité avec laquelle le fer s’unit avec l’étain dans la fusion. Un autre obstacle vient encore des pierres réfractaires, c’est-à-dire non-calcinables & non-vitrifiables, qui accompagnent très-fréquemment la mine d’étain : telles que