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triarches, de primats & de métropolitains, sont de droit ecclésiastique.

S. Paul, dans son épitre j. à Timothée, dit que si quis episcopatum desiderat, bonum opus desiderat. Les évêchés n’étoient alors considérés que comme une charge très-pesante ; il n’y avoit ni honneurs ni richesses attachés à cette place, ainsi l’ambition ni l’intérêt ne les faisoient point rechercher : plusieurs, par un esprit d’humilité, se cachoient lorsqu’on les venoit chercher pour être évêques.

A l’egard des qualités que S. Paul desire dans un évêque : oportet, dit-il, episcopum irreprehensibilem esse, unius uxoris virum, sobrium, castum, ornatum, prudentem, pudicum, hospitalem, doctorem, non vinolentum, non percussorem, sed modestum ; non litigiosum, non cupidum, sed suæ domui benè præpositum, filios habentem subditos cum omni castitate.

Ces termes, unius uxoris virum, signifient qu’il falloit n’avoir été marié qu’une fois, parce que l’on n’ordonnoit point de bigames : d’autres entendent par-là que l’évêque ne doit avoir qu’une seule église, qui est considérée comme son épouse.

C’est une tradition de l’Église, que depuis l’Ascension de Notre Seigneur les apôtres vécurent dans le célibat : on élevoit cependant souvent à l’épiscopat & à la prêtrise des hommes mariés ; ils étoient obligés dès-lors, ainsi que les diacres, de vivre en continence, & de ne plus regarder leurs femmes que comme leurs sœurs. La discipline de l’église latine n’a jamais varié sur cet article. Les femmes d’évêques se trouvent nommées dans quelques anciens écrits, episcopæ, à cause de la dignité de leurs maris.

Mais peu-à-peu dans l’église latine on ne choisit plus d’évêques qui fussent actuellement mariés, & telle est encore la discipline présente de l’église latine : on n’admet pas à l’épiscopat, non plus qu’à la prêtrise, celui qui auroit été marié deux fois.

Dans les églises schismatiques, telles que l’église greque, les évêques & prêtres sont mariés.

On trouve dans l’histoire ecclésiastique plusieurs exemples de prélats qui furent élus entre les laïcs, tels que S. Nicolas & S. Ambroise ; mais ces élections n’étoient approuvées que quand l’humilité de ceux que l’on choisissoit pour pasteurs, étoit si universellement reconnue, qu’on n’avoit pas lieu de craindre qu’ils s’enorgueillissent de leur dignité ; & bientôt on n’en choisit plus qu’entre les clercs.

Les évêques doivent, suivant le concile de Trente, être nés en légitime mariage, & recommandables en mœurs & en science : ce concile veut aussi qu’ils soient âgés de trente ans ; mais en France il suffit, suivant le concordat, d’avoir vingt-sept ans commencés. On trouve quelques exemples d’évêques qui furent nommés étant encore fort jeunes. Le comte Héribert, oncle de Hugues Capet, fit nommer à l’archevêché de Reims son fils qui n’étoit âgé que de cinq ans ; ce qui fut confirmé par le pape Jean X. Ces exemples singuliers ne doivent point être tirés à conséquence.

Le concordat veut aussi que celui qui est promû à l’évêché, soit docteur ou licentié en Théologie, ou en Droit civil ou canonique : il excepte ceux qui sont parens du roi, ou qui sont dans une grande élévation. Les religieux mendians qui, par la regle de leur ordre, ne peuvent acquérir de degrés, sont aussi exceptés. L’ordonnance de Blois & celle de 1606, ont confirmé la disposition du concordat par rapport aux degrés que doivent avoir les évêques : le concordat n’explique pas si ces degrés doivent être pris dans une université du royaume ; mais on l’a ainsi interprété, en conformité de l’usage du royaume.

Il n’est pas absolument nécessaire que l’évêque ait obtenu ses degrés avec toutes les formes ; il suffit qu’il ait obtenu des degrés de grace, c’est-à-dire de

ceux qui s’accordent avec dispense de tems d’étude & de quelques exercices ordinaires ; mais les grades de privilége accordés par lettres du pape & de ses légats, ne suffiroient pas en France.

L’ordonnance de Blois, article 1. porte que le roi ne nommera aux prélatures qu’un mois après la vacance d’icelles ; qu’avant la délivrance des lettres de nomination, les noms des personnes seront envoyés à l’évêque diocésain du lieu où ils auront étudié les cinq dernieres années ; ensemble aux chapitres des églises & monasteres vacans, lesquels informeront respectivement de la vie, mœurs & doctrine, & de tout feront procès-verbaux qu’ils enverront à Sa Majesté.

L’article 2. porte qu’avant l’expédition des lettres de nomination, les archevêques & les évêques nommés seront examinés sur leur doctrine aux saintes lettres, par un archevêque ou évêque que Sa Majesté commettra ; appellés deux docteurs en Théologie, lesquels enverront leurs certificats de la capacité ou insuffisance desdits nommés. L’article 1. de l’édit de 1606 y est conforme.

Mais ces dispositions n’ont point eu d’execution, ou ne sont point assez exactement observées. On a toléré pendant quelques années que les nonces du pape, qui n’ont aucune jurisdiction en France, reçussent la profession de foi du nommé à l’évêché, & fissent l’information de ses vie, mœurs & capacité, & de l’état des bénéfices ; ce qui est contraire au droit des ordinaires. & a été défendu par un arrêt de réglement du parlement de Paris, du 12 Décembre 1639.

L’usage des autres églises n’est pas par-tout semblable à celui de France : quelques-unes suivent la session xxij. du concile de Trente, suivant laquelle, au défaut de degrés, il suffit que l’évêque ait un certificat donné par une université, qui atteste qu’il est capable d’enseigner les autres ; & si c’est un régulier, qu’il ait l’attestation de ses supérieurs.

Les canons veulent que celui qu’on élit pour évêque soit au moins soûdiacre. Le concile de Trente veut que l’évêque soit prêtre six mois avant sa promotion ; mais le concordat, qui fait l’énumération des qualités que doivent avoir ceux qui sont nommés par le roi, n’exige point qu’ils soient prêtres ni soûdiacres ; & l’ordonnance de Blois suppose qu’un simple clerc peut être nommé évêque sans être dans les ordres sacrés. En effet, l’art. 8. de cette ordonnance veut que dans trois mois, à compter de leurs provisions, les évêques soient tenus de se faire promouvoir aux saints ordres ; & que si dans trois autres mois ils ne se sont mis en devoir de le faire, ils soient privés de leur église, sans autre déclaration, suivant les saints decrets.

Pour ce qui est de la nomination des évêques dans les premiers siecles de l’Église, ils étoient élus par le clergé & le peuple. On ne devoit sacrer que ceux que le clergé élisoit & que le peuple desiroit ; mais le métropolitain & l’évêque de la province devoient instruire le peuple, afin qu’il ne se portât point à demander des personnes indignes ou incapables de remplir une place si éminente.

Les laïcs conserverent long-tems le droit d’assister aux élections, & même d’y donner leur suffrage ; mais la confusion que causoit ordinairement la multitude des électeurs, & la crainte que le peuple n’eût pas le discernement nécessaire pour les qualités que doit avoir un évêque, firent que l’on n’admit plus aux élections que le clergé : on en fit un decret formel dans le huitieme concile général, tenu à Constantinople en 869 ; ce qui fut suivi dans l’église d’Occident comme dans celle d’Orient. On défendit en même tems de recevoir pour évêques ceux qui ne seroient nommés que par les empereurs ou par les