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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/16

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est en gros morceaux ne doit pas être confondue avec celle qui a été réduite en une poudre fine ; il faut donc l’assortir & se régler là-dessus pour faire aller le vent des soufflets : on donne, par exemple, un vent très-fort pour la mine la plus grossiere & pour les scories qu’on remet au fourneau ; mais on le modere à proportion que la mine est plus ou moins fine. Lorsque la mine est d’une bonne espece, & qu’elle a été dûment préparée & séparée des substances étrangeres, on a de l’étain très-coulant, c’est-à-dire qui entre bien en fusion, & qui est très ductile & très-doux ; mais si l’on n’a pas eu toutes les précautions nécessaires dans le travail préliminaire, & qu’on n’ait pas suffisamment divisé la mine avant de la porter au fourneau, on aura un étain aigre & cassant comme du verre. Le moyen d’y remédier, sera de le remettre au fourneau avec des scories qui lui en leveront son aigreur, & le rendront tel qu’il doit être. Les scories qu’on a enlevées de dessus l’étain fondu se jettent dans l’eau, & on les écrase pour les remettre au fourneau avec les crasses qui peuvent contenir encore des parties métalliques. Les scories peuvent être employées jusqu’à deux ou trois fois dans la fonte, pour achever d’en tirer l’étain qui peut y être resté.

Voilà la maniere dont le travail de l’étain se fait en Allemagne ; on ignore si elle est la même en Angleterre, d’autant plus que les Anglois n’en ont donné nulle part un détail satisfaisant, quoique personne ne fut plus à portée de jetter du jour sur cette matiere ; s’ils ont eu peur de divulguer leur secret aux autres nations, leur crainte est très-mal fondée, puisqu’en donnant la maniere d’opérer, ils ne donneroient pas pour cela les riches mines d’étain dont leur pays est seul en possession. Quoi qu’il en soit, voici le peu qu’on a pû découvrir de leurs procédés ; il a été communiqué à M. Roüelle, de l’académie royale des Sciences, à qui l’on en est redevable.

Le fourneau de fusion paroît être à-peu-près le même que celui de Rœsler ; l’étain au sortir du fourneau est reçu dans une casse où il se purifie ; quand cette casse est remplie, on laisse au métal fondu le tems de se figer, sans cependant se refroidir entierement, pour lots on frappe à grand, coups de marteau à sa surface ; cela fait que l’étain se fend & se divise en morceaux qui ressemblent assez aux glaçons qui s’attachent en hyver le long des toîts des maisons : c’est-là ce qu’on appelle étain vierge ; l’exportation en est, dit on, défendue sous peine de la vie par les lois d’Angleterre.

On fait ensuite fondre de nouveau cet étain ; on le coule dans des lingotieres de fer fondu fort épaisses, elles ont deux piés & demi de long sur un pié de large, & un demi-pié de profondeur. Ces lingotieres sont enterrées dans du sable, qu’on a soin de bien échauffer. Après y avoir coulé l’étain, on les couvre de leurs couvercles qui sont aussi de fer. On laisse refroidir lentement ce métal pendant deux fois vingt-quatre heures. Lorsqu’il est tout-à-fait refroidi, on sépare chaque lingot horisontalement en trois lames, avec un ciseau & à coups de maillet. La lame supérieure est de l’étain très-pur, & par conséquent fort mou ; on y joint trois livres de cuivre au quintal, afin de lui donner plus de corps. La seconde lame du lingot qui est celle du milieu, est de l’étain plus aigre ; parce qu’il est joint à des substances étrangeres, que le travail n’a point pû entierement en dégager : pour corriger cette aigreur, on joint cinq livres de plomb sur un quintal de cet étain. M. Geoffroi dit qu’on y joint deux livres de cuivre. La troisieme lame est plus aigre encore, & l’on y joint neuf livres de plomb, ou dix-huit, suivant M. Geoffroi, sur un quintal ; alors on fait encore refondre le tout ; on le fait refroidir promptement : c’est-là l’étain or-

dinaire qui vient d’Angleterre. On voit par-là qu’il

n’est pas aussi pur qu’on se l’imagine, & qu’il est déjà allié avec du cuivre & du plomb avant que de sortir de ce pays.

Les Potiers-d’étain allient leur étain avec du bismuth ou étain de glace. Ceux de Paris mêlent du cuivre & du régule d’antimoine avec l’étain de Malaque ; ensuite dequoi quand ils en veulent former des vases ou de la vaisselle, on le bat fortement à coups de marteau, afin de rendre cet alliage sonore. C’est ce qu’on appelle écroüir l’étain.

Après avoir décrit les principaux travaux de l’étain, nous allons parler de ses propriétés & des phénomenes qu’il présente. L’étain s’unit facilement avec tous les métaux, mais il leur ôte leur ductilité, & les rend aigres & cassans comme du verre : c’est cette mauvaise qualité de l’étain qui l’a fait appeller par quelques chimistes, diabolus metallorum. Un grain d’étain suffit, suivant M. Wallerius, pour ôter la malléabilité à un marc d’or ; la vapeur même de l’étain, quand il est exposé à l’action violente du feu, peut produire le même effet : il le produit cependant moins sur le plomb, que sur les autres métaux. Voyez Cramer, tome I. page 60. Urbanus Hiærne, tome II. pag. 92 & 102 ; & le laboratoire chimique de Kunckel.

L’étain entre en fusion au feu très-promptement ; quand il est fondu, il se forme à sa surface une pellicule qui n’est autre chose qu’une chaux métallique. Cette chaux d’étain s’appelle potée ; elle sert à polir le verre, &c. Voyez Potée.

Si on expose l’étain au foyer d’un miroir ardent, il répand une fumée fort épaisse, & se réduit en une chaux blanche, légere & fort déliée ; en continuant, il entre en fusion, & forme des petits crystaux semblables à des fils. Voyez Geoffroi, materia medica, page 283. tome I.

Si on fait fondre ensemble parties égales de plomb & d’étain, en donnant un feu violent, l’étain se sépare du plomb pour venir à sa surface, y brûle en scintillant, & donne une fumée comme feroit une plante. Dans cette opération, l’étain se réduit en une chaux, & prend un arrangement symmétrique strié ; mais il faut pour cela que l’opération se fasse dans un creuset découvert, parce que le contact de l’air est nécessaire pour qu’elle réussisse. Cette préparation s’appelle étain fulminé sur le plomb ; elle donne une couleur jaune, propre à être employée sur la porcelaine & dans l’émail.

L’étain entre dans la composition de la soudure pour les métaux mous. Voyez l’art. Soudure. Il entre aussi dans la composition du bronze. Voyez Bronze. Pour lors on l’allie avec du cuivre.

Si on fait fondre ensemble quatre parties d’étain & une partie de régule d’antimoine, & que sur deux parties de cet alliage on en mette une de fer, on obtiendra une composition métallique très-dure, qui fait feu lorsqu’on la frappe avec le briquet ; si on en met dans du nitre en fusion, il se fait un embrasement très-violent. Cette expérience est de Glauber.

En faisant fondre une demi-livre d’étain, y joignant ensuite une once d’antimoine & une demi-once de cuivre jaune, on aura une composition d’étain qui ressemble à de l’argent. On peut y faire entrer du bismuth au lieu de régule, & du fer ou de l’acier, au lieu de cuivre jaune ; le fer rend cette composition plus dure & plus difficile à travailler ; mais elle en est plus blanche. Ce procédé est de Henckel.

M. Wallerius rapporte un phénomene de l’étain qui mérite de trouver place ici : « Si on met du fer dans de l’étain fondu, ces deux métaux s’allient ensemble ; mais si on met de l’étain dans du fer fondu, le fer & l’étain se convertissent en petits globules, qui crevent & font explosion comme des grenades ». Voyez la minéralogie de Wallerius, tom. I. pag. 546, de la traduction françoise.