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l’infanterie, que l’expression de doubler les rangs, ne signifioit pas d’en doubler le nombre, mais seulement celui des hommes de chaque rang.

La maniere de doubler les rangs dans la cavalerie, n’est pas la même que dans l’infanterie, parce que les cavaliers sont toûjours trop serrés dans le rang, pour pouvoir introduire un nouveau cavalier entre deux.

Mais cette évolution se fait très-aisément & très-simplement par le moyen des à-droite & des à-gauche par divisions de rangs.

On peut doubler les rangs dans la cavalerie, par la droite, par la gauche, & par l’un & l’autre côté en même tems. On ne donnera ici que cette derniere méthode, l’exécution des deux autres n’aura pas plus de difficulté.

Soit supposé une troupe de cavalerie de 120 maîtres, rangée sur deux rangs qu’on veut réduire à un seul, & cela par la droite & par la gauche en même tems.

On divisera le second rang en deux également. La moitié de la droite fera à-gauche par divisions de cinq cavaliers ; & celle de la gauche, à-droite par les mêmes divisions.

Ces deux demi-rangs marcheront ensuite devant eux ; savoir, celui de la droite, jusqu’à ce que sa derniere division déborde le premier rang d’environ 3 piés, ou de l’épaisseur d’un cheval ; & celui de la gauche, jusqu’à ce que sa derniere division déborde également la gauche du premier rang de la même quantité.

Alors les divisions du demi-rang de la droite feront à-droite, & celles de la gauche à-gauche ; & elles marcheront devant elles jusqu’à ce qu’elles soient dans l’alignement du premier rang.

Il est clair que si l’on avoit quatre rangs de cavalerie, on les réduiroit à deux de cette même maniere.

Remarques.

I. Pour exécuter ce mouvement, il est nécessaire que les rangs soient éloignés les uns des autres du front, au moins des divisions de chaque demi-rang ; c’est-à-dire, dans l’exemple précédent, où les divisions sont de cinq cavaliers, qu’il faut que les rangs ayent au moins quinze piés d’intervalle.

II. Au lieu de faire les divisions des demi-rangs de cinq cavaliers, on les auroit pû prendre de trois ; mais alors ces divisions, en marchant vers la droite & la gauche, auroient été un peu trop serrées les unes sur les autres pour pouvoir marcher aisément. On n’auroit pû prendre ces divisions de quatre hommes, parce que le demi-rang étant de quinze cavaliers ne peut se diviser exactement par quatre.

III. On peut par cette méthode augmenter le front d’un escadron dont les rangs sont en nombre impair, ou, ce qui est la même chose, diminuer le nombre de ces rangs.

Si l’on a, par exemple, une troupe de cavalerie sur trois rangs, & qu’on veuille la réduire à deux, on partagera le troisieme rang en quatre parties égales ; on fera marcher les deux de la droite à la droite des deux premiers rangs, & celles de la gauche à la gauche des mêmes rangs, & l’on aura ainsi l’escadron en bataille sur deux rangs.

Pour dédoubler les rangs. Si l’on a une troupe de cavalerie sur un rang, & qu’on veuille en former deux, on la divisera en deux parties égales : on fera marcher l’une de ces parties trois ou quatre pas de trois piés en-avant. Si l’on suppose que ce soit la moitié du premier rang à droite qui ait marché en-avant, celle de la gauche fera à-droite par division de trois, quatre ou cinq hommes, suivant que le demi-rang se divisera exactement par l’un de ces nombres. Le demi-rang de la gauche marchera ensuite derriere

celui de la droite, jusqu’à ce que sa premiere division se trouve derriere les quatre ou cinq cavaliers de la droite, suivant que cette division sera de quatre ou cinq hommes.

Lorsque le demi-rang de la gauche aura ainsi marché, on lui fera faire à-droite par les mêmes divisions par lesquelles on l’a d’abord fait tourner à gauche, & il se trouvera placé derriere le premier, & faisant face du même côté.

Par cette méthode, si la troupe est sur quatre rangs, on la réduira également à deux.

On peut observer par ce qu’on vient de dire sur le doublement & le dédoublement des rangs, que c’est avec raison que M. le maréchal de Puysegur dit dans son livre de l’Art de la guerre, que par le moyen du quart de tour à droite ou à gauche par divisions de rangs, la cavalerie peut exécuter les mêmes mouvemens que l’infanterie.

On n’entrera point ici dans un plus grand détail sur les évolutions ou manœuvres de la cavalerie ; on croit avoir donné les plus essentielles & les plus fondamentales : on renvoye pour toutes les autres aux ordonnances militaires concernant la cavalerie, & particulierement à celle du 22 Juin 1755. Cet article est de M. le Blond.


Evolutions navales, (Marine.) Ce sont les différens mouvemens qu’on fait exécuter aux vaisseaux de guerre pour les former ou mettre en bataille, les faire naviger, les rompre, les réunir, &c. Voici les élémens de cet art important.

Avant de donner les plans de tous les mouvemens que peuvent faire les armées navales, il faut commencer par une regle qu’on met en pratique dans toutes les différentes évolutions, qui prouve que le chemin le plus court que puisse faire un navire pour en joindre un autre, & par conséquent pour prendre le poste qui lui est destiné, par rapport à un autre navire qui doit lui servir d’objet, est d’arriver sur lui, autant qu’il pourra, en le tenant toûjours au même rhumb de vent.

Méthode générale pour joindre un vaisseau qui est sous le vent, par la route la plus courte, fig. 1. Pour mettre cette regle en exécution, il faut relever avec un compas de variation le navire sur lequel vous devez vous régler ; & en faisant votre route, le tenir toûjours au même air de vent que vous l’avez relevé : la figure démontre que c’est la voie la plus courte que vous puissiez faire. Par exemple, si le vaisseau A qui chasse, parcourt la ligne AN, & le vaisseau B qui est chassé, la ligne BN, de telle sorte qu’ils se trouvent toûjours sur des lignes CD, GH, IK, LM, paralleles à AB, ils sont toûjours dans le même rhumb l’un à l’égard de l’autre, & ils se rencontreront au point N, où les lignes AN & BN concourent. Ici le vaisseau A, le vent étant au nord, a relevé le vaisseau B au sud de lui ; il le doit toûjours tenir au même air de vent, soit en arrivant ou venant au vent, selon qu’il reste de l’arriere, ou qu’il gagne de l’avant de vaisseau B : par cette manœuvre il arrivera au point C lorsque ledit navire sera au point D, qui sera toûjours au sud de lui : de même il sera au point E, lorsque l’autre viendra en F, & ils se tiendront toûjours dans le même rhumb ; & ainsi des autres points, jusqu’à ce qu’ils se joignent en N, jonction des deux lignes.

J’ai dit qu’il faut que le navire A arrive ou tienne le vent, pour peu qu’il sorte du rhumb auquel il a relevé le vaisseau qu’il doit joindre ; ce qui ne se peut faire que lorsque le navire B gagne de l’avant ou reste de l’arriere ; supposant qu’il fasse toûjours la même route ; si le vaisseau B va de l’avant, il restera plus du côté de l’est ; & il faudra que le chasseur tienne le vent, pour l’avoir toûjours au rhumb re-