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son, mais c’est aussi la chose du monde la moins importante.

Je crois que les étrangers ne sauroient raisonnablement se plaindre de ce qu’on les oblige à exposer en vente leurs marchandises dans le pays, pourvû qu’on les achete à un prix raisonnable. Mais je ne déciderai pas si ceux qui veulent amener chez eux des marchandises étrangeres, ou transporter dans un tiers pays des choses qui croissent ou qui se fabriquent dans le leur, peuvent être obligés légitimement à les exposer en vente dans les terres du souverain par lesquelles ils passent ; il me semble du moins qu’on ne pourroit autoriser ce procédé, qu’en fournissant d’un côté à ces étrangers les choses qu’ils vont chercher ailleurs au-travers de nos états, & en leur achetant en même tems à un prix raisonnable celles qui croissent ou qui se fabriquent chez eux : alors il est permis d’accorder ou de refuser le passage aux marchandises étrangeres, en considérant toûjours les inconvéniens qui peuvent résulter de l’un ou de l’autre de ces deux partis. Je ne dis rien des traités que les diverses nations ont faits ensemble à cet égard, parce que tant qu’ils subsistent, il n’est pas permis de les altérer. Voyez sur cette matiere Buddeus, Hertius, Puffendorf, & Struvius, de jure pub. rom. german. &c. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Etape, s. f. (Art milit.) dans l’art militaire, ce sont les provisions de bouche & les fourrages qu’on distribue aux soldats quand ils passent d’une province dans une autre, ou dans les différentes marches qu’ils sont obligés de faire.

C’est de-là qu’on appelle étapiers ceux qui font marché avec le pays ou territoire, pour fournir les troupes de vivres. Chambers.

Feu M. de Louvois fit dresser par ordre du roi une carte générale des lieux qui seroient destinés au logement des troupes, & à la fourniture des étapes sur toutes les principales routes du royaume ; & cette carte a depuis servi de regle pour toutes les marches des recrues ou des corps qui se font dans le royaume.

Cet établissement avoit été projetté sous le regne de Louis XIII. L’ordonnance qu’il rendit à Saint-Germain-en-Laye le 14 Août 1623, porté qu’il seroit établi quatre principales brisées dans le royaume ; une de la frontiere de Picardie à Bayonne, une autre de la frontiere de la Basse-Bretagne à Marseille, une du milieu du Languedoc jusqu’au milieu de la Normandie, & une autre de l’extrémité de la Saintonge aux confins de la Bresse ; qu’il seroit tiré de moindres brisées traversant les provinces qui se trouveroient enfermées entre les quatre principales, & que dans ces brisées seroient affectés de traite en traite certains logemens & maisons qui seroient délaissées vuides par les gouverneurs des provinces, baillis, sénéchaux, gouverneurs particuliers, maires & échevins de villes ; lesquels logemens seroient mis en état de recevoir & loger les gens de guerre de cheval & de pié, passant de province à autre.

Cet arrangement rendit le logement & le passage des troupes moins onéreux aux provinces ; mais comme le soldat devoit vivre en route au moyen de sa solde fixée à huit sous par soldat par ladite ordonnance, les troupes chargées de leur subsistance ne manquoient pas les occasions d’enlever des légumes, des volailles, & tout ce qui pouvoit contribuer à rendre leur nourriture meilleure.

Ce fut dans la vûe d’obvier à cette espece de pillage, que le roi Louis XIV. jugea à-propos de faire fournir la subsistance en pain, vin, & viande, dans chaque lieu destiné au logement. Cet établissement produisit dans les provinces tout l’effet qu’on pouvoit en attendre ; les habitans de la campagne y trouverent leur intérêt dans une consommation utile de leurs denrées ; les troupes sûres de trouver en arri-

vant à leur logement une subsistance prête & abondante, n’eurent plus de motifs le rien prendre ; la discipline devint réguliere dans les marches : enfin la facilité de porter des troupes d’une frontiere à l’autre, sans aucune disposition préliminaire pour assurer leur subsistance, ne contribua pas peu dans les dernieres guerres au secret des projets & à la vivacité des opérations. Ainsi les princes voisins ont toûjours regardé les étapes comme un avantage infini que la France avoit en fait de guerre sur leurs états, qui par la constitution de leur gouvernement & par la différence de leurs intérêts, n’étoient pas susceptibles d’un pareil établissement.

Une utilité si marquée n’avoit pas cependant empêché de supprimer les étapes en 1718, au moyen de l’augmentation de paie que l’on accorda aux troupes. Insensiblement on retomba dans les inconvéniens que l’on avoit évités par cet établissement ; & les choses en vinrent à un tel point, que Sa Majesté attentive à favoriser ses peuples & à maintenir la discipline parmi ses troupes, ne crut rien faire de plus utile que de les rétablir par l’ordonnance du 13 Juillet 1727, dont les principaux articles sont tirés de celle qui fut rendue le 14 Juin 1702. Code militaire par M. Briquet. (Q)

ETAPIER, s. m. (Art milit.) est celui qui fait un marché pour fournir aux troupes qui passent dans une province, les vivres & le fourrage nécessaires à leur subsistance & à celle de leurs chevaux. Voyez Etape. (Q)

ETAQUE, (Marine.) Voyez Itaque.

ETARCURE, s. f. (Marine.) on se sert quelquefois de ce mot pour désigner la hauteur des voiles : mais il n’est guere d’usage. (Z)

ETAT, s. m. (Métaph.) Etat d’un être en général & dans le sens onthologique, c’est la co-existence des modifications variables & successives, avec les qualités fixes & constantes : celles-ci durent autant que le sujet qu’elles constituent, & elles ne sauroient souffrir de détriment sans la destruction de ce sujet. Mais les modes peuvent varier, & varient effectivement ; ce qui produit les divers états, par lesquels tous les êtres finis passent. On distingue l’état d’une chose en interne & externe. Le premier consiste dans les qualités changeantes intrinseques ; le second dans les qualités extrinseques, telles que sont les relations. L’état interne de mon corps, c’est d’être sain ou malade ; son état externe, c’est d’être bien ou mal vêtu, dans un tel lieu, ou dans un autre. L’usage de cette distinction se fait sur-tout sentir dans la Morale, où il est souvent important de bien distinguer ces deux états de l’homme.

Deux choses qui ont les mêmes modifications actuelles, sont dans le même état interne ; & au contraire. Il faut être circonspect dans l’application de ce principe, de peur de prendre pour les mêmes modifications celles qui ne sont pas telles effectivement. Par exemple, la chaleur est un mode de la pierre qui la constitue dans un état différent de celui qu’on appelle le froid. Concevez trois corps égaux qui ont le même degré de chaleur, & supposez que deux de ces corps se réunissent & en forment un qui soit double du troisieme, il y aura dans le corps double le même degré de chaleur que dans le corps simple, quoique la quantité de chaleur, en tant qu’on la conçoit également répandue par toute la masse, soit double dans le corps double. C’est pour cela que l’état de chacune des parties du même corps est dit le même, abstraction faite de leur grandeur, pourvû qu’elles soient également chaudes, quoiqu’il faille plus de chaleur pour échauffer une partie plus grande que pour en échauffer une moindre. Wolff, ontolog. §. 707.

Le changement de relations change l’état externe.