Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rens instrumens à vent, produisent le jeu des poumons ; ainsi des autres moyens d’exercice, que l’on peut rapporter à ces différentes especes.

Le second genre de moyens propres à procurer du mouvement au corps, qui doivent être sans action de la part de ceux qui sont exercés, renferme l’agitation opérée par le branle d’un berceau, par la gestation ; par les différentes voitures, comme celles d’eau, les litieres, les différens coches ou carrosses, &c.

Le dernier genre d’exercice, qui participe aux deux précédens, regarde celui que l’on fait étant assis, sans autre appui, sur une corde suspendue & agitée, ce qui constitue la branloire ; & le jeu qu’on appelle l’escarpolette : l’équitation avec différens degrés de mouvement, tel que le pas du cheval, le trot, le galop, & autres sortes de moyens qui peuvent avoir du rapport à ceux-là, dans lesquels on est en action de différentes parties du corps pour se tenir ferme, pour se garantir des chûtes, pour exciter à marcher, pour arrêter, pour refréner l’animal sur lequel on est monté ; ainsi on donne lieu en même tems au mouvement des muscles, & on est exposé aux ébranlemens, aux secousses dans les entrailles sur-tout ; aux agitations plus ou moins fortes de la machine, ou de l’animal sur lequel on est porté ; d’où résulte véritablement un double effet, dont l’un est réellement actif, & l’autre passif.

Le premier genre d’exercice ne peut convenir qu’aux personnes en santé, qui sont robustes ; ou à ceux qui ayant été malades, infirmes, se sont accoûtumés par degrés aux exercices violens.

Le second genre doit être employé par les personnes foibles, qui ne peuvent soûtenir que des mouvemens modérés & sans faire dépense de forces, dont au contraire ils n’ont pas de reste. L’utilité de ce genre d’exercice se fait sentir particulierement à l’égard des enfans qui, pendant le tems de la plus grande foiblesse de l’âge, ne peuvent se passer d’être presque continuellement agités, secoüés ; & qui, lorsqu’on les prive du mouvement pendant un trop long tems, témoignent par leurs cris le besoin qu’ils en ont ; cris qu’ils cessent en s’endormant, dès qu’on leur procure suffisamment les avantages attachés aux différens exercices qui leur conviennent, tels que ceux de l’agitation accompagnée de douces secousses, & du branle dans le berceau, par l’effet duquel le corps de l’enfant qui y est contenu, étant porté contre ses parois alternativement d’un côté à l’autre, en éprouve des compressions répétées sur sa surface, qui tiennent lieu du mouvement des muscles. Ceux qui ont été affoiblis par de longues maladies, sont pour ainsi dire redevenus enfans : ils doivent presqu’être traités de même qu’eux pour les alimens & l’exercice ; c’est-à-dire que ceux-là doivent être de très-facile digestion, & celui-ci de nature à n’exiger aucune dépense de forces de la part des personnes qui en éprouvent l’effet.

Le dernier genre peut convenir aux personnes languissantes, qui, sans avoir beaucoup de forces, peuvent cependant mettre un peu d’action dans l’exercice & l’augmenter par degrés, à proportion qu’elles reprennent de la vigueur ; qui ont besoin d’être exposées à l’air renouvellé & d’éprouver des secousses modérées, pour mettre plus en jeu le système des solides & la masse des humeurs ; ce qui doit être continué jusqu’à ce qu’on puisse soûtenir de plus grands efforts, & passer aux exercices dans lesquels on produit soi-même tout le mouvement qu’ils exigent.

On doit observer en général, dans tous les cas où l’on se propose de faire de l’exercice pour le bien de la santé, de choisir, autant qu’il est possible, le moyen qui plaît davantage, qui recrée l’esprit en

même tems qu’il met le corps en action ; parce que, comme dit Platon, la liaison qui est entre l’ame & le corps, ne permet pas que le corps puisse être exercé sans l’esprit, & l’esprit sans le corps. Pour que les mouvemens de celui-ci s’operent librement, il faut que l’ame, libre de tout autre soin plus important, de toute contention étrangere à l’occupation présente, distribue aux organes la quantité nécessaire de fluide nerveux : il faut par conséquent que l’esprit soit affecté agréablement par l’exercice, pour qu’il se prête à l’action qui l’opere, & réciproquement le corps doit être bien disposé, pour fournir au cerveau le moyen qui produit la tension des fibres de cet organe au degré convenable pour que l’ame agisse librement sur elles, & en reçoive de même les impressions qu’elles lui transmettent.

Il reste encore à faire observer deux choses nécessaires pour que l’exercice en général soit utile & avantageux à l’économie animale ; savoir, qu’il faut régler le tems auquel il convient de s’exercer, & la durée de l’exercice.

L’expérience a prouvé que l’exercice convient mieux avant de manger, & sur-tout avant le dîner. On peut aisément se rendre raison de cet effet, par tout ce qui a été dit des avantages que produisent les mouvemens du corps. Pour qu’ils puissent dissiper le superflu de ce que la nourriture a ajoûté à la masse des humeurs, il faut que la digestion soit faite dans les premieres & dans les secondes voies, & que ce superflu soit disposé à être évacué ; c’est pourquoi l’exercice ne peut convenir que long-tems après avoir mangé ; c’est pourquoi il convient mieux avant le dîner qu’avant le souper : ainsi l’exercice, en rendant alors plus libre le cours des humeurs, les rend aussi plus disposées au secrétions, prépare les différens dissolvans qui servent à la dissolution des alimens, & met le corps dans la disposition la plus convenable à recevoir de nouveau la matiere de sa nourriture. C’est sur ce fondement que Galien conseille un repos entier à ceux dont la digestion & la coction se font lentement & imparfaitement, jusqu’à ce qu’elles soient achevées ; sans doute parce que l’exercice pendant la digestion précipite la distribution des humeurs avant que chacune d’elles soit élaborée dans la masse, & ait acquis les qualités qu’elle doit avoir pour la fonction à laquelle elle est destinée : d’où s’ensuivent des acidités, des engorgemens, des obstructions. Un leger exercice après le repas, peut cependant être utile à ceux dont les humeurs sont si épaisses, circulent avec tant de lenteur, qu’elles ont continuellement besoin d’être excitées dans leur cours, dans le cas dont il s’agit sur-tout, pour que les sucs digestifs soient séparés & fournis en suffisante quantité : les digestions fougueuses veulent absolument le repos.

Pour ce qui est de la mesure qu’il convient d’observer à l’égard de la durée de l’exercice, on peut se conformer à ce que prescrit Galien sur cela, lib. II. de sanitate tuenda, cap. ult. Il conseille de continuer l’exercice, 1° jusqu’à ce qu’on commence à se sentir un peu gonflé ; 2° jusqu’à ce que la couleur de la surface du corps paroisse s’animer un peu plus que dans le repos ; 3° jusqu’à ce qu’on se sente une legere lassitude ; 4° enfin jusqu’à ce qu’il survienne une petite sueur, ou au moins qu’il s’exhale une vapeur chaude de l’habitude du corps : lequel de ces effets qui survienne, il faut, selon cet auteur, discontinuer l’exercice ; il ne pourroit pas durer plus long-tems sans devenir excessif, & par conséquent nuisible.

Cela est fondé en raison, parce que le premier & le second de ces signes annoncent que le cours des humeurs est rendu suffisamment libre du centre du corps à sa circonférence & dans tous les vaisseaux de la peau, & que la transpiration est disposée à s’y faire convenablement. Le troisieme prouve que l’on