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bédience, étant favorisés des papes dont ils avoient soûtenu le parti, se mêlerent de faire obtenir les graces & expéditions de cour de Rome ; on les appella mercatores & scambiatores domini papa, comme le témoigne Matthieu Paris, lequel vivoit vers le milieu du treizieme siecle : ce fut-là l’origine des banquiers-expéditionnaires de cour de Rome, qui furent depuis appellés institores bullarum & negotiorum imperii romani.

Dans ce premier tems, ceux qui se mêloient en France de faire obtenir les graces & expéditions de cour de Rome, étoient de simples banquiers qui n’avoient aucun caractere particulier pour solliciter les expéditions de cour de Rome ; ils n’avoient point serment à justice, d’où il arrivoit de grands inconvéniens.

Les abus qui se commettoient par ces banquiers & à la daterie de Rome touchant la résignation des bénéfices, étoient portés à tel point que le clergé s’en plaignit hautement.

Ce fut à cette occasion qu’Henri II. donna au mois de Juin 1550, l’édit appellé communément des petites dates, parce qu’il fut fait pour en réprimer l’abus. M. Charles Dumolin a fait sur cet édit un savant commentaire. Cet édit ordonna entre autres choses, que les banquiers & autres qui s’entremettoient dans le royaume des expéditions qui se font en cour de Rome & à la légation, seroient tenus dans un mois après la publication de cet édit, de faire serment pardevant les juges ordinaires du lieu de leur demeure, de bien & loyalement exercer ledit état ; & défenses furent faites à tous ecclésiastiques de s’entremettre de cet état de banquier & expéditionnaire de cour de Rome, ou légation. On regarde communément cet édit comme une loi qui a commencé à former la compagnie des banquiers-expéditionnaires de cour de Rome.

Ceux qui étoient ainsi reçûs par le juge, ne prenoient encore alors d’autre titre que celui de banquiers ; & comme ils, étoient immatriculés, on les surnomma dans la suite matriculaires, pour les distinguer de ceux qui furent établis quelque tems après par commission du roi, & de ceux qui furent créés en titre d’office.

Les démêlés qu’Henri II. eut avec la cour de Rome, donnerent lieu à une déclaration du 3 Septembre 1551, registrée le 7 du même mois, portant défenses à toutes personnes, banquiers & autres, d’envoyer à Rome aucun courier pour y faire tenir or & argent, pour obtenir des provisions de bénéfices, & autres expéditions. Cette défense dura environ quinze mois. Pendant ce tems, les évêques donnoient des provisions des abbayes de leur diocèse, sur la nomination du roi.

Henri II. donna un autre édit le premier Février 1553, qui fut registré le 15 du même mois, portant défenses à toutes personnes de faire l’office de banquier-expéditionnaire en cour de Rome sans la permission du roi. C’est la premiere fois que l’on trouve ces banquiers qualifiés d’expéditionnaire en cour de Rome. Au reste, il paroît que cet édit n’eut pas alors d’exécution par rapport à la nécessité d’obtenir la permission du roi, & que les banquiers matriculaires reçûs par les juges ordinaires, continuerent seuls alors à solliciter toutes expéditions en cour de Rome.

Le nombre de ces banquiers matriculaires n’étoit fixé par aucun reglement ; il dépendoit des juges d’en recevoir autant qu’ils jugeoient à-propos, & ces banquiers étoient tous égaux en fonction, c’est-à-dire qu’il étoit libre de s’adresser à tel d’entre eux que l’on vouloit pour quelque expédition que ce fût.

Au commencement du dix-septieme siecle, quelques personnes firent diverses tentatives, tendantes à restraindre cette liberté, & à attribuer à certains

banquiers, exclusivement aux autres, le droit de solliciter seuls les expéditions des bénéfices de nomination royale.

La premiere de ces tentatives fut faite en 1607 par Etienne Gueffier, lequel fut commis & député à la charge de banquier-solliciteur, sous l’autorité des ambassadeurs du roi en la cour de Rome, pour expédier lui seul les affaires consistoriales & matieres bénéficiales de la nomination & patronage du roi, sans qu’aucun autre s’en pût entremettre, & pour joüir de tous les droits & émolumens que l’on a coûtume de payer pour telles expéditions.

Les banquiers & solliciteurs d’expéditions de cour de Rome, demeurans tant ès villes de France que résidans en cour de Rome, se pourvûrent au conseil du roi, en révocation du brevet accordé au sieur Gueffier ; les agens généraux du clergé de France intervinrent, & se joignirent aux banquiers ; & sur le tout il y eut arrêt du conseil le 22 Octobre 1609, par lequel le roi permit à tous ses sujets de s’adresser à tels banquiers & solliciteurs que bon leur sembleroit, comme il s’étoit pratiqué jusqu’alors, nonobstant le brevet du sieur Gueffier, qui fut revoqué & annullé ; & le roi enjoignit à ses ambassadeurs en cour de Rome, de faire garder en toutes expéditions de France en cour de Rome l’ancienne liberté & regles prescrites par les ordonnances.

Il y eut une tentative à-peu-près semblable, faite en 1615 par un sieur Eschinard, qui obtint un brevet du roi pour être employé seul, sous l’autorité des ambassadeurs de France résidans à Rome, aux expéditions de toutes matieres qui se traiteroient en cour de Rome pour le service du roi, avec qualité d’expéditionnaire du roi en cour de Rome, sans néanmoins préjudicier à la liberté des autres expéditionnaires, en ce qui regardoit les expéditions des autres sujets du roi.

Les banquiers & solliciteurs de cour de Rome de toutes les villes de France & les agens généraux du clergé, ayant encore demandé la revocation de ce brevet, il fut ordonné par arrêt du conseil du 25 Janvier 1617 qu’il seroit rapporté, & qu’il seroit libre de s’adresser à tel banquier que l’on voudroit pour toutes sortes d’expéditions.

Enfin par un autre arrêt du conseil du 30 des mêmes mois & an, il fut défendu d’exécuter de prétendus statuts ou reglemens, faits par l’ambassadeur de France à Rome le premier Novembre 1614, de l’autorité qu’il disoit avoir du roi. Ce reglement contenoit l’établissement d’un certain nombre de banquiers pour la sollicitation des expéditions poursuivies par les sujets du roi, & plusieurs autres choses contraires à la liberté des expéditions, & singulierement à l’arrêt de 1609 dont l’exécution fut ordonnée par celui-ci, & en conséquence qu’il seroit libre de s’adresser à tel banquier que l’on jugeroit à-propos.

L’établissement des banquiers-expéditionnaires en titre d’office, fut d’abord tenté par un édit du 22 Avril 1633, portant création de huit offices de banquiers-expéditionnaires in cour de Rome dans la ville de Paris ; de quatre en chacune des villes de Toulouse & de Lyon ; & de trois en chacune des villes de Bordeaux, d’Aix, de Roüen, Dijon, Rennes, Grenoble, & Metz. Cet édit fut publié au sceau le 22 Juin de la même année : mais sur la requête que les agens généraux du clergé présenterent au roi le 25 du même mois de Juin, il intervint arrêt du conseil le 10 Décembre suivant, par lequel il fut sursis à l’exécution de cet édit.

Le nombre des banquiers matriculaires s’étant trop multiplié, tant à Paris que dans les autres villes du royaume, Louis XIII. par son édit du mois de Novembre 1637, portant reglement pour le con-