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mes grossiers, qui arrêtoit la main & abandonnoit le cœur, pouvoit avoir des crimes inexpiables ; mais une religion qui enveloppe toutes les passions, qui n’est pas plus jalouse des actions que des desirs & des pensées ; qui ne nous tient point attachés par quelques chaînes, mais par un nombre innombrable de fils ; qui laisse derriere elle la justice humaine, & commence une autre justice ; qui est faite pour mener sans cesse du repentir à l’amour, & de l’amour au repentir ; qui met entre le juge & le criminel un grand médiateur, entre le juste & le médiateur un grand juge : une telle religion ne doit point avoir de crimes inexpiables. Mais quoiqu’elle donne des craintes & des espérances à tous, elle fait assez sentir que s’il n’y a point de crime qui par sa nature soit inexpiable, toute une vie peut l’être ; qu’il seroit très-dangereux de tourmenter la miséricorde par de nouveaux crimes & de nouvelles expiations ; qu’inquiets sur les anciennes dettes, jamais quittes envers le Seigneur, nous devons craindre d’en contracter de nouvelles, de combler la mesure, & d’aller jusqu’au terme où la bonté paternelle finit ». Esprit des lois, liv. XXIV. ch. xiij.

Laissons au lecteur éclairé par l’étude de l’Histoire, les réflexions philosophiques qui s’offriront en foule à son esprit sur l’extravagance des expiations de tous les lieux & de tous les tems ; sur leur cours, qui s’étendit des Egyptiens aux Juifs, aux Grecs, aux Romains, &c. sur leurs différences, conformes aux climats & au génie des peuples : en un mot, sur les causes qui ont perpétué dans tout le monde la superstition du culte à cet égard, & qui ont fait prospérer le moyen commode de contracter des dettes, & de les acquitter par de vaines cérémonies.

Je sache peu de cas où l’on ait tourné les idées religieuses de l’expiation au bien de la nature humaine. En voici pourtant un exemple que je ne puis passer sous silence. Les Argiens, dit Plutarque, ayant condamné à mort quinze cents de leurs citoyens, les Athéniens qui en furent informés, frémirent d’horreur, & firent apporter les sacrifices d’expiation, afin qu’il plût aux dieux d’éloigner du cœur des Argiens une si cruelle pensée. Ils comprirent sans doute que la sévérité des peines usoit les ressorts du gouvernement ; qu’elle ne corrigeoit point les fautes ou les crimes dans leurs principes, & qu’enfin l’atrocité des lois en empêchoit souvent l’exécution. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

EXPILATION D’HÉRÉDITÉ, (Jurispr.) c’est la soustraction en tout ou partie des effets d’une hérédité jacente, c’est-à-dire non encore appréhendée par l’héritier. Il faut aussi, pour que cette soustraction soit ainsi qualifiée, qu’elle soit faite par quelqu’un qui n’ait aucun droit à la succession ; ainsi cela n’a pas lieu entre co-héritiers.

Ce délit chez les Romains étoit appellé crimen expilatæ hæreditatis, & non pas furtum, c’est-à-dire larcin, parce que l’hérédité étant jacente, il n’y a encore personne à qui on puisse dire que le larcin soit fait. L’héritier n’est pas dépossédé des effets soustraits, tant qu’il n’en a pas encore appréhendé la possession ; & par cette raison l’action de l’avoir appellée actio furti, n’y avoit pas lieu : on usoit dans ce cas d’une poursuite extraordinaire contre celui qui étoit coupable de ce délit.

Cette action étoit moins grave que celle appellée actio furti ; elle n’étoit pas publique, mais privée : c’est-à-dire que celui qui l’intentoit, ne poursuivoit que pour son intérêt particulier, & non pour la vengeance publique.

Le jugement qui intervenoit, étoit pourtant infamant ; c’est pourquoi cette poursuite ne pouvoit être intentée que contre des personnes contre lesquelles

on auroit pû intenter l’action furti, si l’hérédité eût été appréhendée ; ainsi cette action n’avoit pas lieu contre la femme qui avoit détourné quelques effets de la succession de son mari : il y avoit en ce cas une action particuliere contr’elle, appellée actio rerum amatarum, dont le jugement n’étoit pas infamant.

Au reste la peine du délit d’expilation d’hérédité étoit arbitraire chez les Romains, comme elle l’est encore parmi nous.

Outre la restitution des effets enlevés, & les dommages & intérêts que l’on accorde à l’héritier, celui qui a soustrait les effets peut être condamné à quelque peine afflictive, & même à mort, ce qui dépend des circonstances ; comme, par exemple, si c’est un domestique qui a soustrait les effets.

L’héritier qui, après avoir répudié la succession, en a soustrait quelques effets, peut être poursuivi pour cause d’expilation d’hérédité.

A l’égard du conjoint survivant, ou des héritiers du prédécédé qui recelent quelques effets, voyez Recelé. Voyez le titre du digeste expilatæ hæreditatis. (A)

EXPIRATION, s. f. expiratio, (Physiolog.) c’est une partie essentielle de l’action par laquelle s’exerce la respiration ; c’est celle qui fait sortir des poumons l’air qui y a pénétré pendant l’inspiration. Voyez Respiration.

Expiration, quand on joint l’épithete de derniere, signifie la même chose que la mort. C’est cette derniere action du corps qui s’exerce, non par une force qui dépende de la volonté, ou qui soit l’effet de la vie, mais par une force qui lui est commune avec tous les corps, même inanimés ; ainsi l’air est chassé de la poitrine dans ce dernier instant, parce que les forces de la vie cessant d’agir, & les muscles intercostaux étant rendus comme paralytiques par le défaut d’influence du fluide nerveux, les segmens cartilagineux des côtes, qui ont été flechis & bandés par l’action de ces muscles, se redressent par leur propre ressort, dans le moment qu’elle cesse ; ils rabaissent les côtes en même tems que le diaphragme se relâche & remonte dans la poitrine ; ce qui en diminue la capacité en tous sens, & en exprime l’air pour la derniere fois. Voyez Mort. (d)

Expiration, (Comm.) fin du terme accordé, jugé ou convenu pour faire une chose ou pour s’acquitter d’une dette.

On dit l’expiration d’un arrêt de surseance, l’expiration des lettres de répi, l’expiration d’une promesse, d’une lettre de change, d’un billet payable au porteur. Dictionn. de Commerce.

EXPIRER, (Comm.) finir, être à la fin ou au bout du terme, en parlant d’écrits ou de conventions, pour l’exécution desquels il y a un terme préfix. On dit en ce sens, votre promesse est expirée, il y a long-tems que j’en attends le payement. Il faut faire son protêt, faute de payement d’une lettre de change, dans les dix jours de faveur ; on court trop de risque de les laisser expirer. Dictionn. de Commerce.

EXPLÉTIF, EXPLÉTIVE, adj. terme de Grammaire. On dit, mot explétif (méthode greque, liv. viij. c. xv. art. 4.) ; & l’on dit, particule explétive. Servius (Ænæid. vers. 424.) dit, expletiva conjunctio, & l’on trouve dans Isidore, liv. I. chap. xj. conjunctiones expletivæ. Au lieu d’explétif & d’explétive, on dit aussi, superflu, oisif, surabondant.

Ce mot explétif vient du latin explere, remplir. En effet, les mots explétifs ne servent, comme les interjections, qu’à remplir le discours, & n’entrent pour rien dans la construction de la phrase, dont on entend également le sens, soit que le mot explétif soit énoncé ou qu’il ne le soit pas.

Notre moi & notre vous sont quelquefois explétifs dans le style familier : on se sert de moi quand on