tions vitales, & une fois mis en mouvement par le souverain Créateur de toutes choses. Dans cette idée, il n’est point d’effort qu’ils ne fassent pour déduire ces fonctions & leurs différens phénomenes de la structure, de la liaison, du mouvement, en un mot de la disposition méchanique de nos organes vitaux, au nombre desquels on met toutes les parties intérieures, principalement le cœur & les arteres avec les nerfs qui s’y distribuent.
D’autres, tels que MM. Perrault, Borelli, Stahl, &c. placent cette faculté dans l’ame raisonnable, unie à un corps organisé. Il paroît vraissemblable, dit-on, dans le IV. tome de la société d’Edimbourg, pag. 270. de l’édition françoise, que l’ame préside non-seulement à tous les mouvemens communément appellés volontaires, mais qu’elle dirige aussi les mouvemens vitaux & naturels, qui s’arrêteroient bien-tôt d’eux-mêmes, s’ils n’étoient entretenus par l’influence de ce principe actif. Il semble de plus, ajoûte-t-on, que ces mouvemens, au commencement de la vie, sont entierement arbitraires, selon la commune signification de ce mot, & que ce n’est que par l’habitude & la coûtume qu’ils sont devenus si nécessaires, qu’il nous est impossible d’en empocher l’exécution. On trouvera dans ce même volume d’autres preuves de ce sentiment, dont la plûpart avoient été données par M. Perrault, de l’académie royale des Sciences, dans ses essais de Physique, imprimés à Paris en 1680, & par Alphonse Borelli, dans la 80e proposition de la seconde partie de son traité de motu animalium, imprimé à Rome en 1682. On peut voir aussi sur ce sujet les œuvres de M. Stahl.
Quelques autres enfin, peu contens des hypotheses précédentes, font consister la faculté vitale dans l’irritabilité des fibres de l’animal vivant. Il n’y a point, dit M. Haller, dans ses notes sur Boerhaave, §. 600. de différence entre les esprits animaux qui viennent du cerveau, & ceux qui sont fournis par le cervelet, entre la structure des organes vitaux & celle des organes destinés aux fonctions animales : ces organes agissent tous également, lorsqu’ils sont irrités par quelque cause, comme un horloge agit, lorsqu’il est mû par un poids, & se reposent tous, dès que cette cause cesse d’agir. Si par la dissipation des esprits, & par d’autres causes, tout le système nerveux vient à s’affoiblir, les fonctions animales sont suspendues, parce que les sens & la volonté ne sont point aiguillonnés ; mais les fonctions vitales ne s’arrêtent point, à moins que la disette des esprits ne soit extrème, ce qui est rare, parce que de leur nature, le cœur, le poumon, & les autres parties doüées d’un mouvement péristaltique, ont des causes particulieres & puissantes qui les irritent continuellement, & qui ne leur permettent pas le repos. M. Haller démontre l’irritation de chacun des organes vitaux, & il appuie cette théorie sur un phénomene bien simple, avoüé de tout le monde ; savoir, qu’il n’est point de fibre musculeuse dans un animal vivant, qui étant irritée par quelque cause que ce soit, n’entre d’abord en contraction, de sorte que c’est la derniere marque par laquelle on distingue les animaux les plus imparfaits d’avec les végétaux. Enfin il fait remarquer que dès que l’irritation des nerfs destinés aux mouvemens volontaires, est trop forte, ces mouvemens mêmes s’exécutent sans le consentement de la volonté, & sans interruption, comme dans les convulsions, dans l’épilepsie, &c. Et pour expliquer d’où vient que les organes vitaux ne sont pas soûmis à la volonté, il a recours à une loi du Créateur, ajoûtant que la cause méchanique de cet effet n’est autre, peut-être, que parce que l’irritation qu’occasionne la volonté, est beaucoup plus foible que celle que produisent les causes du mouvement continuel du cœur & des autres organes vitaux.
Pour moi je pense que la faculté vitale réside dans l’ame ; & je crois qu’outre la volonté & la liberté, outre les actes libres, refléchis, & dont nous avons un sentiment intérieur bien clair, notre ame est capable d’une action nécessaire, non refléchie, & dont nous n’avons aucun sentiment intérieur, ou du moins, dont nous n’avons qu’un sentiment bien obscur ; & par conséquent, que ce n’est point par une faculté active, libre, refléchie, & devenue nécessaire par l’habitude & la coûtume que notre ame influe sur nos actions vitales & sur les mouvemens spontanés de toutes les parties de notre corps, mais par une faculté entierement nécessaire, indépendante de la volonté, non libre ni refléchie. Quand on ne supposeroit dans notre ame qu’une force unique, imprimée par le Créateur, on peut par abstraction concevoir diverses manieres d’exercer cette force ; & on le doit, ce semble, dès qu’on ne peut expliquer autrement tous les effets qui en résultent. Je conçois donc dans l’ame humaine deux puissances actives, ou deux manieres principales d’user de la force qui lui a été imprimée : l’une libre, raisonnée, ou fondée sur des idées distinctes & refléchies, & dirigée principalement vers les objets des sens extérieurs connus de tout le monde ; c’est la volonté : l’autre nécessaire, non libre, non raisonnée, fondée sur une impression purement machinale, & dirigée uniquement vers les instrumens d’un sens peu connu, que j’appelle vital, & dont je déterminerai le siege après en avoir prouvé l’existence ; c’est la faculté vitale. Mais avant que d’établir mon sentiment, il est juste d’exposer en peu de mots les raisons qui m’ont empêché d’acquiescer au sentiment des autres.
En premier lieu, il n’est pas naturel de placer la faculté vitale uniquement dans les parties de notre machine ; & quiconque saura bien les lois ordinaires de la méchanique, dont une des principales est que tout corps perd son mouvement à proportion de celui qu’il communique aux corps qu’il rencontre, conviendra aisément qu’il est tout-à-fait impossible d’expliquer la durée & les irrégularités accidentelles de nos mouvemens vitaux, uniquement par de pareilles lois. Pour mettre les lecteurs en état d’en juger, j’observerai d’abord qu’il est vrai qu’un pendule, une fois mis en branle, continueroit toûjours ses allées & venues, sans jamais s’arrêter, s’il n’éprouvoit aucun frotement autour du point fixe ou du point d’appui, auquel il est suspendu, & s’il ne trouvoit aucune résistance dans le milieu où il se meut : qu’il est vrai aussi, que deux ressorts qu’on feroit agir l’un contre l’autre, ne cesseroient jamais de se choquer alternativement, si d’un côté leurs parties ne souffroient aucun frotement entre elles, ou si leur ressort étoit parfait, & qu’ils pussent chacun se rétablir avec la même force, précisément avec laquelle ils auroient été pliés ; & de l’autre, si le milieu, dans lequel ils se choqueroient, n’apportoit aucune résistance à leurs efforts mutuels : mais j’observerai aussi, que comme la résistance du milieu & le frotement mutuel des parties, absorbent à chaque instant une partie du mouvement de ce pendule & de ces ressorts, le mouvement total qui leur a été imprimé, quelque grand qu’il soit, doit continuellement diminuer & se terminer bien-tôt en un parfait repos. C’est ce qui arriveroit aux pendules & aux montres, si par le moyen d’un poids qu’on remonte, ou d’un ressort qu’on bande par intervalles, on n’avoit continuellement une force motrice capable de surmonter la résistance du milieu dans lequel ces machines se meuvent, & celle qu’opposent les frotemens de leurs parties.
On dira sans doute que Dieu, dont l’intelligence surpasse infiniment celle de tous les Machinistes, &