chie, aucun acte de volonté, & qui ne laissent pas d’entretenir la dépendance mutuelle du corps & de l’ame, pendant la cessation on l’interruption de la connoissance, & de tout ce qui dépend de l’entendement & de la volonté ; opérations qui ne peuvent être autre chose que l’exercice de la faculté vitale, qui doit être continuel pendant la vie.
A ces observations j’en ajoûterai une autre, rapportée dans la Physiologie de M. Fizes, imprimée à Avignon en 1750. Vitam vegetativam, dit ce professeur, in filio pauperculæ mulieris septemdecim annos nato, memini me observasse. Is miser absque usu ullo sensuum, absque ullo motu artuum, colli, maxillæ, omninò perfectè paralyticus undequaque septemdecim annos, velut planta à nativitate vixerat. Ejus corpus corporis infantis decem annorum vix æquabat molem, de cætero marcidum ac flaccidum : pulsus erat debilis ac languidus, respiratio lentissima : in eo nec somni nec vigiliæ alternationes distingui poterant ullo signo : nulla vox, nullum signum appetitûs, nullus motus unquam in oculis, qui semper clausi erant, absque tamen palpebrarum coalitu : nulli barbæ pili, nulli pubi. Mater ejus alimenta masticabat, labiisque in ejus os insertis, ea in fauces insufflabat : filius ea emollita ac propulsa deglutiebat, ut & potulenta similiter impulsa : egerebat autem, ut par erat, excrementa alvina ac urinam.
Il paroît que cet enfant n’avoit jamais exercé, du moins depuis sa naissance, aucune des fonctions qui dépendent de l’entendement, de la connoissance & de la volonté ; mais s’ensuit-il de-là que cet enfant ait vêcu pendant dix-sept ans comme une plante, & qu’il n’ait point eu une ame semblable à celle des autres hommes ? point du tout : autrement il faudroit supposer qu’un apoplectique dont les fonctions animales sont entierement abolies pendant des trois, quatre ou cinq jours ; que le paysan cité par M. de la Peyronie, à qui on ôtoit la connoissance en comprimant le corps calleux ; que l’enfant dont parle M. Littre, qui après avoir joüi deux ans & demi depuis sa naissance d’une santé parfaite, souffrit ensuite pendant dix-huit mois une telle altération dans l’exercice des facultés de son ame, qu’il vint à ne donner plus aucun signe de perception ni de mémoire, pas même de goût, d’odorat, ni d’ouie, & qui ne laissa pas de vivre dans cet état pendant six autres mois : il faudroit, dis-je, supposer que tous ces malades n’ont eu, pendant tout le tems qu’ils étoient sans connoissance & sans sentiment, qu’une vie purement végétative, & que leur ame cessoit alors d’être unie à leur corps : ou bien il faut reconnoître une ame dans l’enfant dont nous venons de parler, quoique cet enfant n’exerçât que les seules fonctions vitales & naturelles ; & on doit le faire avec d’autant plus de raison, que ces fonctions, comme on l’a vû ci-dessus, ne peuvent pas dépendre de la seule disposition méchanique du corps humain. Il paroît même que les lois de l’union de l’ame avec le corps n’ayant plus lieu à l’égard des fonctions animales dans les sujets où ces fonctions sont entierement abolies, il faut, pour que l’ame ne soit pas censée avoir abandonné le corps & s’en être séparée, que ces lois ayent lieu à l’égard d’autres fonctions, telles que les vitales, dont l’entiere abolition emporte la cessation de la vie ou la séparation de l’ame avec le corps.
De ces observations il résulte que le siége de l’ame ne doit pas être borné au seul corps calleux, ou à la partie de ce corps où l’ame apperçoit les objets, réfléchit sur ses idées, les compare les unes aux autres, & se détermine à agir d’une façon plûtôt que d’une autre ; mais qu’on doit étendre ce siege à une autre partie du corps calleux, au cervelet, à la moëlle alongée, où nous croyons que réside la faculté vitale, dont l’exercice cesse pour toûjours dès que
On dira que dans les fœtus humains qui naissent sans tête, la vie est entretenue pendant six, sept, ou neuf mois par la nourriture que leur fournit le cordon ombilical, & qu’alors leur vie n’est pas différente de celle des plantes. Mais si ces enfans ne sont pas des masses informes, si le reste de leur corps est bien organisé, & que les mouvemens vitaux s’y executent comme dans les autres enfans, leur vie n’est pas simplement végétative ; elle dépend de leur ame, dont le siége dans ces cas extraordinaires s’étend jusqu’à la moëlle épiniere, ou à quelque chose d’équivalent. Et quoique ces enfans n’ayent jamais exercé aucune des fonctions qui caractérisent un esprit humain, on ne doit pas toutefois s’imaginer qu’ils n’eussent point d’ame ; on doit penser seulement que leur ame n’a pû exercer ces fonctions, parce qu’elle manquoit des organes nécessaires à l’exercice & à la manifestation de ses principales facultés. On doit dire la même chose des enfans, dans le crane desquels on ne trouve point de cerveau après la mort, ou dont le cerveau s’est fondu ou petrifié ; car alors ou la moëlle alongée ou la moëlle épiniere y suppléent.
La faculté vitale une fois établie dans le principe intelligent qui nous anime, on conçoit aisément que cette faculté excitée par les impressions que le sensorium vital transmet à la partie du sensorium commun à laquelle son exercice est attaché, détermine nécessairement l’influx du suc nerveux dans les fibres motrices des organes vitaux ; & qu’étant excitée alternativement par les impressions de ce sensorium qui se succedent continuellement pendant la vie, elle détermine un influx toûjours alternatif, & tel qu’il est nécessaire pour faire contracter alternativement ces organes tant que l’homme vit. On conçoit aussi que lorsque ces impressions sont plus fortes qu’à l’ordinaire, comme il arrive lorsque les organes vitaux trouvent quelqu’obstacle à leurs mouvemens, la faculté vitale est alors plus irritée, & détermine un plus grand influx pour vaincre, s’il est possible, les résistances qui lui sont opposées ; & tout cela en conséquence des lois de l’union de l’ame avec le corps. Mais comment la faculté vitale détermine-t-elle cet influx ? c’est un mystere pour nous, comme la maniere dont la volonté fait couler le suc nerveux dans les organes soûmis à ses ordres, est un écueil contre lequel toute la sagacité des Physiciens modernes a échoüé jusqu’ici. Tout ce qu’on peut avancer, c’est que la faculté vitale a cela de commun avec la volonté, qu’à l’occasion des impressions qui lui sont transmises, elle excite des mouvemens, qu’elle les augmente selon les lois qu’il a plû au Créateur de lui imposer, & que sa réaction surpasse l’action des causes qui l’ont mise en jeu, & ne suit point les lois méchaniques ordinaires ; mais qu’elle en differe en ce que la volonté étant une faculté libre & éclairée, elle suspend ou fait continuer à son gré les mouvemens qu’elle commande, au lieu que la faculté vitale étant un agent aveugle & nécessaire, elle ne peut point arrêter ou suspendre les mouvemens qu’elle excite, & qu’elle est obligée d’entretenir selon les lois qui lui ont été imposées.
L’ame par sa volonté n’a aucun pouvoir immédiat sur la faculté vitale ; car comme l’ame ne peut empêcher les sensations qui sont occasionnées par les causes de la faim & de la soif, elle ne peut aussi empêcher les sensations qui lui sont communiquées par les organes vitaux, ni par conséquent suspendre l’exercice de la faculté vitale : elle n’a qu’un pouvoir éloigné sur cette faculté, qui consiste à empêcher les organes du sentiment & du mouvement volontaire de