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les dangers diminuent pour eux. Ils ont pourtant un moment assez critique à passer, lorsqu’ils ont un peu plus de deux mois : les plumes de leur queue tombent alors, & il en pousse de nouvelles. Les œufs de fourmis hâtent ce moment, & le rendent moins dangereux. Il ne faudroit pas leur donner de ces œufs de fourmis de bois, sans y ajoûter au moins deux repas d’œufs durs, hachés. L’excès des premiers seroit aussi fâcheux que l’usage en est nécessaire.

Mais de tous les soins, celui sur lequel on doit le moins se relâcher, regarde l’eau qu’on donne à boire aux faisandeaux ; elle doit être incessamment renouvellée & rafraîchie : l’inattention à cet égard expose le jeune gibier à une maladie assez commune parmi les poulets, appellée la pépie, & à laquelle il n’y a guere de remede.

Nous avons dit qu’il falloit éloigner les unes des autres les bandes de faisans, assez pour qu’elles ne pûssent pas se mêler ; mais comme une poule suffit pour en fixer un grand nombre, on unit ensemble trois ou quatre couvées d’âge à-peu-près pareil, pour en former une bande. Les plus âgés n’exigeant pas des soins continuels, on les éloigne aux extrémités de la faisanderie, & les plus jeunes doivent toûjours être sous la main du faisandier. Par ce moyen la confusion, s’il en arrive, n’est jamais qu’entre des âges moins disproportionnés, & devient moins dangereuse.

Voilà les faisandeaux élevés. La même méthode convient aux perdrix : il faut observer seulement qu’en général les perdrix rouges sont plus délicates que les faisans même, & que les œufs de fourmis de pré leur sont plus nécessaires.

Lorsqu’elles ont atteint six semaines, & que leur tête est entierement couverte de plumes, il est dangereux de les tenir enfermées dans la faisanderie. Ce gibier, naturellement sauvage, devient sujet alors à une maladie contagieuse, qu’on ne prévient qu’en le laissant libre dans la campagne. Cette maladie s’annonce par une enflure considérable à la tête & aux piés ; & elle est accompagnée d’une soif qui hâte la mort, quand on la satisfait.

A l’égard des perdrix grises, elles demandent beaucoup moins de soin & d’attention dans le choix de la nourriture : on les éleve très-sûrement par la méthode que nous avons donnée pour les faisans ; mais on peut en élever aussi sans œufs de fourmis, avec de la mie de pain, des œufs durs, du chénevi écrasé, & la nourriture que l’on donne ordinairement aux poulets. Il est rare qu’elles soient sujettes à des maladies, ou ce ne seroit que pour avoir trop mangé, & cela est aisé à prévenir.

L’objet de l’éducation domestique du gibier étant d’en peupler la campagne, il faut, lorsqu’il est élevé, le répandre dans les lieux où l’on veut le fixer. Nous dirons dans un autre article, comment ces lieux doivent être disposés pour chaque espece, & ce que l’art peut à cet égard ajoûter à la nature. Voyez Gibier.

On peut donner la liberté aux faisans lorsqu’ils ont deux mois & demi ; & on doit la donner aux perdrix, sur-tout aux rouges, lorsqu’elles ont atteint six semaines. Pour les fixer on transporte avec eux leur caisse, & la poule qui les a élevés. La nécessité ne leur ayant pas appris les moyens de se procurer de la nourriture, il faut encore leur en porter pendant quelque tems : chaque jour on leur en donne un peu moins, chaque jour aussi ils s’accoûtument à en chercher eux-mêmes.

Insensiblement ils perdent de leur familiarité, mais sans jamais perdre la mémoire du lieu où ils ont été déposés & nourris. On les abandonne enfin, lorsqu’on voit qu’ils n’ont plus besoin de se cours.

Nous ne devons pas finir cet article sans avertir qu’on tenteroit inutilement d’avoir des œufs de perdrix, sur-tout des rouges, en nourrissant des paires dans des parquets ; elles ne pondent point, ou du moins pondent très-peu lorsqu’elles sont enfermées : on ne peut en élever qu’en faisant ramasser des œufs dans la campagne. On donne à une poule vingt-quatre de ces œufs, & elle les couve deux jours de moins que ceux de faisan. Pour ceux-ci on doit renouveller les poules des parquets, lorsqu’elles ont quatre ans ; à cet âge elles commencent à pondre beaucoup moins, & les œufs en sont souvent clairs. La durée ordinaire de la vie d’un faisan est de six à sept ans ; celle d’une perdrix paroît être moins longue à-peu-près d’une année. Cet article est de M. le Roy, lieutenant des chasses du parc de Versailles.

FAISCEAUX, s. m. pl. (Hist. rom.) Les faisceaux étoient composés de branches d’ormes, au milieu desquelles il y avoit une hache dont le fer sortoit par en-haut ; le tout attaché & lié ensemble. Plutarque, dans ses problèmes, donne des raisons de cet arrangement, que je ne crois pas nécessaire de transcrire.

Florus, Silius Italicus & la plûpart des historiens nous apprennent que c’est le vieux Tarquin qui apporta le premier de Toscane à Rome l’usage des faisceaux, avec celui des anneaux, des chaises d’ivoire, des habits de pourpre, & semblables symboles de la grandeur de l’Empire. Quelques autres écrivains prétendent néanmoins que Romulus sur l’auteur de cette institution ; qu’il l’emprunta des Etruriens ; & que le nombre de douze faisceaux qu’il faisoit porter devant lui, répondoit au nombre des oiseaux qui lui prognostiquerent son regne ; ou des douze peuples d’Etrurie qui, en le créant roi, lui donnerent chacun un officier pour lui servir de porte-faisceaux.

Quoi qu’il en soit, cet usage subsista non-seulement sous les rois, mais aussi sous les consuls & sous les premiers empereurs. Horace appelle les faisceaux superbos, parce qu’ils étoient les marques de la souveraine dignité. Les consuls se les arrogerent après l’expulsion des rois ; de-là vient que sumere fasces, prendre les faisceaux, & ponere fasces, quitter les faisceaux, sont les propres termes dont on se servoit quand on étoit reçû dans la charge de consul, ou quand on en sortoit. Il y avoit vingt-quatre faisceaux portés par autant d’huissiers devant les dictateurs, & douze devant les consuls : les préteurs des provinces & les proconsuls en avoient six, & les préteurs de ville, deux ; mais les décemvirs, peu de tems après être entrés en exercice, prirent chacun douze faisceaux & douze licteurs, avec un faste & un orgueil insupportable. Voyez Décemvir.

Ceux qui portoient ces faisceaux, étoient les exécuteurs de la justice ; parce que, suivant les anciennes lois de Rome, les coupables étoient battus de verges avant que d’avoir la tête tranchée, lorsqu’ils méritoient la mort : de-là vient encore cette formule : I, lictor, expedi virgas. Quand les magistrats, qui de droit étoient précédés par des licteurs portant les faisceaux, vouloient marquer de la déférence pour le peuple, ils renvoyoient leurs licteurs, ou faisoient baisser devant lui leurs faisceaux ; ce qu’on appelloit fasces submittere. C’est ainsi qu’en usa Publius Valérius après être resté seul dans le consulat ; il ordonna, pendant qu’il joüissoit de toute l’autorité, qu’on séparât les haches des faisceaux que les licteurs portoient devant les consuls, pour faire entendre que ces magistrats n’avoient point le droit de glaive, symbole de la souveraine puissance ; & dans une assemblée publique la multitude apperçut avec plaisir qu’il avoit fait baisser les faisceaux de ses licteurs, comme un hommage tacite qu’il rendoit à la souveraineté du peuple romain : Fasces, dit Tite-