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éclairer & guider pendant la nuit les vaisseaux dans leur route : c’est ce qu’on nomme plus communément phare. Voyez Phare. (Z)

Fanal, (Marine.) c’est une grosse lanterne que l’on met sur le plus haut de la poupe d’un vaisseau. Voyez Marine, Pl. III. fig. 1. Les fanaux d’un vaisseau de guerre, cottés P. les vaisseaux commandans, comme vice-amiral, lieutenant général, chef d’escadre, portent trois fanaux à la poupe, les autres n’en peuvent porter qu’un.

Le vaisseau commandant, outre les trois fanaux de poupe, en porte un quatrieme à la grande hune, soit pour faire des signaux, soit pour d’autres besoins.

On nomme aussi fanaux, toutes les lanternes dont on se sert dans le vaisseau pour y mettre les lumieres dont on a besoin.

Fanal de combat, c’est une lanterne plate d’un côté, qui est formée de sorte qu’on peut l’appliquer contre les côtés d’un vaisseau en-dedans, pour éclairer lorsqu’il faut donner un combat dans la nuit.

Fanal de soute, c’est un gros falot qui sert à renfermer la lumiere pendant le combat, pour éclairer dans les soutes aux poudres.

On se sert aussi de fanaux placés différemment, pour faire les signaux dont on est convenu. (Z)

FANATISME, s. m. (Philosophie.) c’est un zele aveugle & passionné, qui naît des opinions superstitieuses, & fait commettre des actions ridicules, injustes, & cruelles ; non-seulement sans honte & sans remords, mais encore avec une sorte de joie & de consolation. Le fanatisme n’est donc que la superstition mise en action. Voyez Superstition.

Imaginez une immense rotonde, un panthéon à mille autels ; & placé au milieu du dôme, figurez-vous un dévot de chaque secte éteinte ou subsistante, aux piés de la divinité qu’il honore à sa façon, sous toutes les formes bisarres que l’imagination a pû créer. A droite, c’est un contemplatif étendu sur une natte, qui attend, le nombril en l’air, que la lumiere céleste vienne investir son ame ; à gauche, c’est un énergumene prosterné qui frappe du front contre la terre, pour en faire sortir l’abondance : là, c’est un saltinbanque qui danse sur la tombe de celui qu’il invoque ; ici c’est un pénitent immobile & muet, comme la statue devant laquelle il s’humilie : l’un étale ce que la pudeur cache, parce que Dieu ne rougit pas de sa ressemblance ; l’autre voile jusqu’à son visage, comme si l’ouvrier avoit horreur de son ouvrage : un autre tourne le dos au midi, parce que c’est-là le vent du démon ; un autre tend les bras vers l’orient, où Dieu montre sa face rayonnante : de jeunes filles en pleurs meurtrissent leur chair encore innocente, pour appaiser le démon de la concupiscence par des moyens capables de l’irriter ; d’autres dans une posture toute opposée, sollicitent les approches de la divinité : un jeune homme, pour amortir l’instrument de la virilité, y attache des anneaux de fer d’un poids proportionné à ses forces ; un autre arrête la tentation dès sa source, par une amputation tout-à-fait inhumaine, & suspend à l’autel les dépouilles de son sacrifice.

Voyez les tous sortir du temple, & pleins du dieu qui les agite, répandre la frayeur & l’illusion sur la face de la terre. Ils se partagent le monde, & bientôt le feu s’allume aux quatre extrémités ; les peuples écoutent, & les rois tremblent. Cet empire que l’enthousiasme d’un seul exerce sur la multitude qui le voit ou l’entend, la chaleur que les esprits rassemblés se communiquent ; tous ces mouvemens tumultueux augmentés par le trouble de chaque particulier, rendent en peu de tems le vertige général.

Poussez-les dans le desert, la solitude entretiendra le zele : ils descendront des montagnes plus redouta-

bles qu’auparavant ; & la crainte, ce premier sentiment

de l’homme, préparera la soûmission des auditeurs. Plus ils diront de choses effrayantes, plus on les croira ; l’exemple ajoûtant sa force à l’impression de leurs discours, opérera la persuasion : des bacchantes & des corybantes feront des millions d’insensés : c’est assez d’un seul peuple enchanté à la suite de quelques imposteurs, la séduction multipliera les prodiges ; & voilà tout le monde à jamais égaré. L’esprit humain une fois sorti des routes lumineuses de la nature, n’y rentre plus ; il erre autour de la vérité, sans en rencontrer autre chose que des lueurs, qui se mêlant aux fausses clartés dont la superstition l’environne, achevent de l’enfoncer dans les ténebres.

La peur des êtres invisibles ayant troublé l’imagination, il se forme un mélange corrompu des faits de la nature avec les dogmes de la religion, qui mettant l’homme dans une contradiction éternelle avec lui-même, en sont un monstre assorti de toutes les horreurs dont l’espece est capable : je dis la peur, car l’amour de la divinité n’a jamais inspiré des choses inhumaines. Le fanatisme a donc pris naissance dans les bois, au milieu des ombres de la nuit ; & les terreurs paniques ont élevé les premiers temples du Paganisme.

Plutarque dit qu’un roi d’Egypte connoissant l’inconstance de ses peuples prompts à changer de joug, pour se les asservir sans retour, sema la division entr’eux, & leur fit adorer pour cela, parmi les animaux, les especes les plus antipathiques. Chacun, pour honorer son dieu, fit la guerre aux adorateurs du dieu opposé, & les nations se jurerent entr’elles la même haine qui régnoit entre leurs divinités : ainsi le loup & le mouton virent des hommes traînés en sacrifice au pié de leurs autels. Mais sans examiner si la cruauté est une des passions primitives de l’homme, & s’il est par sa nature un animal destructeur ; si la faim ou la méchanceté, la force ou la crainte, l’ont rendu l’ennemi de toutes les especes vivantes ; si c’est la jalousie ou l’intérêt qui a introduit l’homicide sur la terre ; si c’est la politique ou la superstition qui a demandé des victimes ; si l’une n’a pas pris le masque de l’autre, pour combattre la nature & surmonter la force ; si les sacrifices sanglans du paganisme viennent de l’enfer, c’est-à-dire de la férocité des passions noires & turbulentes, ou de l’égarement de l’imagination, qui se perd à force de s’élever ; enfin, de quelque part que vienne l’idée de satisfaire à la divinité par l’effusion du sang, il est certain que, dès qu’il a commencé de couler sur les autels, il n’a pas été possible de l’arrêter ; & qu’après l’usage de l’expiation, qui se faisoit d’abord par le lait & le vin, on en vint de l’immolation du bouc ou de la chevre, au sacrifice des enfans. Il n’a fallu qu’un exemple mal interpreté pour autoriser les horreurs les plus révoltantes. Les nations impies à qui l’on reprochoit le culte homicide de Moloch, ne répondoient-elles pas au peuple qui alloit les exterminer de la part de dieu, à cause de ces mêmes abominations, qu’un de ses patriarches avoit conduit son fils sur le bûcher ? comme si une main invisible n’avoit pas détourné le glaive sacrilege, pour montrer que les ordres du ciel ne sont pas toûjours irrévocables.

Avant d’aller plus loin, écartons de nous toutes les fausses applications, les allusions injurieuses, & les conséquences malignes dont l’impiété pourroit s’applaudir, & qu’un zele trop prompt à s’alarmer nous attribueroit peut-être. Si quelque lecteur avoit l’injustice de confondre les abus de la vraie religion avec les principes monstrueux de la superstition, nous rejettons sur lui d’avance tout l’odieux de sa pernicieuse logique. Malheur à l’écrivain téméraire & scandaleux, qui profanant le nom & l’usage de la liberté, peut avoir d’autres vûes que celles de dire