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rone. Charles Sigonius, né à Modene en 1529, & mort en 1584, s’est tellement distingué par ses écrits sur les fastes consulaires, les triomphes, les magistrats romains, consuls, dictateurs, censeurs, &c. qu’il paroît supérieur à tous les écrivains qui l’ont précédé. Cependant les curieux feront bien de joindre aux livres qu’on vient de citer, celui de Reland, Hollandois, sur les fastes consulaires, parce que ce petit ouvrage méthodique a été donné pour l’éclaircissement des Codes Justinien & Théodosien, & cet ouvrage manquoit dans la république des Lettres.

Au reste, la connoissance des fastes consulaires intéresse les savans, parce que dans toute l’histoire d’Occident il y a peu d’époques plus sûres que celles qui sont tirées des consuls, soit que l’on considere l’état de la république romaine avant Auguste, soit que l’on suive les révolutions de ce grand empire jusqu’au tems de l’empereur Justinien. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FASTIDIEUX, DÉGOUTANT, adj. synon. Dégoûtant se dit plus à l’égard du corps qu’à l’égard de l’esprit ; fastidieux au contraire va plus à l’esprit qu’au corps. Dégoûtant se dit au propre & au figuré ; il s’applique aux personnes, aux viandes, & à d’autres choses. La laideur est dégoûtante, la mal-propreté est dégoûtante ; il y a des gens dégoûtans avec du mérite, & d’autres qui plaisent avec des défauts. Fastidieux ne s’employe qu’au figuré. Un homme fastidieux est un homme ennuyeux, importun, fatigant par ses discours, par ses manieres, ou par ses actions. Il y a des ouvrages fastidieux. Ce qui rend les entretiens ordinaires si fastidieux, c’est l’applaudissement qu’on donne à des sottises.

Enfin le mot de fastidieux est également beau en prose & en poésie ; & l’usage a tellement adouci ce qu’il a eu d’étranger dans le dernier siecle, qu’on en a fait un terme de mode. Il commence (& c’est dommage) à être aujourd’hui un de ces mots du bel air, qui à force d’être employés mal-à-propos dans la conversation, finiront par être bannis du style sérieux. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FASTIGIUM, (Littérat.) ornement particulier que les Romains mettoient au faîte des temples des dieux ; on en voit sur les anciennes médailles. Les Grecs appelloient cet ornement consacré aux temples, ἀετὸς, ἀέτωμα, & les Romains fastigium. Cette idée de décoration réservée pour les seuls temples, étoit digne de la Grece & de Rome, les Chrétiens auroient dû l’imiter.

Pendant que Tarquin regnoit encore, dit l’Histoire, dès qu’il eut bâti sur le capitole le temple de Jupiter, il voulut y placer des fastigia, qui consistoient dans un char à quatre chevaux, fait de terre ; mais peu de tems après avoir donné le dessein à exécuter à quelques ouvriers toscans, il fut chassé, dit Plutarque.

Tite-Live rapporte que le sénat voulant faire honneur à César, lui accorda de mettre un ornement, fastigium, au-dessus de sa maison, pour la distinguer de toutes les autres. C’étoit cet ornement là que Calpurnia songeoit qu’elle voyoit arracher ; ce qui lui causa des soupirs, des gémissemens confus, & des mots entre-coupés auxquels César ne comprenoit rien, quoique, suivant le récit de Plutarque, il fût couché cette nuit avec sa femme, suivant sa coûtume.

Il s’en falloit bien qu’il dépendît des citoyens, même de ceux du plus haut rang, de mettre des fastigia sur leurs maisons ; c’étoit une grace extraordinaire qu’il falloit obtenir du sénat, comme tout ce qui se prenoit sur le public ; & César fut le premier à qui on l’accorda, par une distinction d’autant plus grande, qu’elle marquoit que son palais devoit être regardé comme un temple. Ainsi le sénat, pour honorer Publicola, lui permit de faire que la porte de sa maison

s’ouvrît dans la rue, au lieu de s’ouvrir en-dedans, suivant l’usage.

Ce fastigium des hôtels des grands seigneurs, ce pinacle (qu’on me passe cette expression) étoit décoré de quelque statue des dieux ou de quelque figure de la victoire, ou d’autres ornemens, selon le rang ou la qualité de ceux à qui ce privilége fut accordé.

Le mot fastigium vint ensuite à signifier un toît élevé par le milieu, car les maisons ordinaires étoient couvertes en plate-forme. Pline remarque que la partie des édifices appellée de son tems fastigium, étoit faite pour placer des statues ; & qu’on la nomma plasta, parce qu’on avoit coûtume de l’enrichir de sculpture.

Le mot fastigium se prend aussi dans Vitruve, pour un fronton : tel est celui du porche de la Rotonde.

Il résulte de ce détail, que fastigium signifie principalement trois choses dans les auteurs ; les ornemens que l’on mettoit au faîte des temples des dieux ; ensuite ceux qu’on mit aux maisons des princes ; enfin les frontons, & les toits qu’ils soûtiennent : mais les preuves de tout cela ne sauroient entrer dans un ouvrage tel que celui-ci. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FAT, s. m. (Morale.) c’est un homme dont la vanité seule forme le caractere, qui ne fait rien par goût, qui n’agit que par ostentation ; & qui voulant s’élever au-dessus des autres, est descendu au-dessous de lui-même. Familier avec ses supérieurs, important avec ses égaux, impertinent avec ses inférieurs, il tutoye, il protege, il méprise. Vous le saluez, & il ne vous voit pas ; vous lui parlez, & il ne vous écoute pas ; vous parlez à un autre, & il vous interrompt. Il lorgne, il persiffle au milieu de la société la plus respectable & de la conversation la plus sérieuse ; une femme le regarde, & il s’en croit aimé ; une autre ne le regarde pas, & il s’en croit encore aimé. Soit qu’on le souffre, soit qu’on le chasse, il en tire également avantage. Il dit à l’homme vertueux de venir le voir, & il lui indique l’heure du brodeur & du bijoutier. Il offre à l’homme libre une place dans sa voiture, & il lui laisse prendre la moins commode. Il n’a aucune connoissance, il donne des avis aux savans & aux artistes ; il en eût donné à Vauban sur les Fortifications, à le Brun sur la Peinture, à Racine sur la Poésie. Sort-il du spectacle ? il parle à l’oreille de ses gens. Il part, vous croyez qu’il vole à un rendez-vous ; il va souper seul chez lui. Il se fait rendre mystérieusement en public des billets vrais ou supposés ; on croiroit qu’il a fixé une coquette, ou déterminé une prude. Il fait un long calcul de ses revenus ; il n’a que 60 mille livres de rente, il ne peut vivre. Il consulte la mode pour ses travers comme pour ses habits, pour ses indispositions comme pour ses voitures, pour son medecin comme pour son tailleur. Vrai personnage de théatre, à le voir vous croiriez qu’il a un masque ; à l’entendre vous diriez qu’il joue un rôle : ses paroles sont vaines, ses actions sont des mensonges, son silence même est menteur. Il manque aux engagemens qu’il a, il en feint quand il n’en a pas. Il ne va point où on l’attend, il arrive tard où il n’est pas attendu. Il n’ose avoüer un parent pauvre, ou peu connu. Il se glorifie de l’amitié d’un grand à qui il n’a jamais parlé, ou qui ne lui a jamais répondu. Il a du bel esprit la suffisance & les mots satyriques, de l’homme de qualité les talons rouges, le coureur & les créanciers ; de l’homme à bonnes fortunes la petite maison, l’ambre & les grisons. Pour peu qu’il fût fripon, il seroit en tout le contraste de l’honnête-homme. En un mot, c’est un homme d’esprit pour les sots qui l’admirent, c’est un sot pour les gens sensés qui l’évitent. Mais si vous connoissez bien cet homme, ce n’est ni un hom-