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deux dessus & deux dessous ; peu de tems ensuite, il en pousse quatre autres situées à chaque côté des premieres qui lui sont venues, deux dessus & deux dessous ; enfin à trois ou quatre mois, il lui en pousse quatre autres situées à chaque côté des huit premieres, deux dessus & deux dessous ; de façon qu’alors on apperçoit douze dents de lait à la partie intérieure de la bouche du cheval.

On les distingue des dents du cheval fait, en ce que celles-ci sont larges, plates, & rayées sur-tout depuis leur sortie des alvéoles, c’est-à-dire depuis le cou de la dent jusqu’à la table, tandis que les autres sont petites, courtes, & blanches. M. de Soleysel, & presque tous les auteurs, leur ont supposé une marque plus sensible & plus distincte : ils ont prétendu qu’elles n’ont point de cavité : ce fait est absolument faux ; elles en ont une comme celles du cheval, & cette erreur seroit très-capable d’égarer ceux qui chercheront à apprendre la connoissance de l’âge d’après leur système, puisqu’il s’ensuivroit qu’en considerant la bouche d’un poulain, toutes les dents étant creuses, ils s’imagineroient que l’animal auroit cinq ans, tandis qu’il n’en auroit pas trois.

Ces douze dents de lait subsistent sans aucun changement, jusqu’à ce que le poulain ait atteint l’âge de deux ans & demi ou trois ans. Pendant cet espace de tems, on ne peut donc distinguer par la dentition le poulain d’un an, d’avec celui qui en aura deux.

On ne sauroit trop se récrier sur la négligence que l’on a apporté jusqu’à présent, même à l’égard des choses qui pouvoient nous conduire aux connoissances les plus triviales & les plus simples. Celles de dents ne demandoient que des yeux, des observations de fait, & non une étude pénible, abstraite & sérieuse. On s’est cependant contenté d’une inspection legere, d’un examen peu refléchi ; ensorte que l’on voit très-communément des écuyers qui s’honorent du titre de connoisseurs, ne se rapporter en aucune façon les uns & les autres sur l’âge de l’animal, & qu’il nous est totalement impossible de discerner avec certitude & avec précision, un poulain d’une année, dont la constitution sera sorte & bonne, d’avec un poulain de deux années, dont la constitution seroit foible & délicate.

Il est vrai qu’on a eu recours à cet effet aux poils & aux crins, mais & ces objets & ces guides sont peu sûrs. Le poulain d’un an, dit-on, a toûjours le poil comme de la bourre ; il est frisé comme celui d’un barbet. Ses crins, soit de l’encolure, soit de la queue, ressemblent à de la filasse, tandis que les crins & le poil du poulain de deux ans, ne different point de ceux du cheval : or comment s’appuyer & s’étayer sur cette remarque, qui ne détermine d’ailleurs rien de fixe & de juste, sur-tout si nous considérons que les crins d’un cheval de cinq, six, sept, huit années, plus ou moins, seront tels qu’on nous les dépeint dans le poulain d’un an, si l’animal travaille continuellement à l’ardeur du Soleil, comme les chevaux de riviere, & s’il est mal soigné, mal nourri, mal pansé, mal peigné ?

Il importeroit néanmoins beaucoup de connoître l’âge du poulain depuis sa naissance jusqu’à deux ans & demi, trois ans ; la raison du non-usage que l’on en fait dans cet intervalle de tems, ne sauroit autoriser notre ignorance sur ce point. Premierement, on peut vendre un poulain d’une année, qui aura bien profité, pour un poulain de deux ans. Secondement, qu’un maquignon de mauvaise foi arrache à un poulain de cette espece huit dents de lait, les dents de cheval, qui doivent leur succéder, se montreront bientôt, & on prendra ce poulain d’un un & demi, deux ans, pour un poulain de quatre ans.

Si l’on avoit attention au contraire à la marque des dents de lait, celles du coin subsistant toûjours, nous sauveroit de l’erreur dans la quelle on veut nous induire, & du piége que notre impéritie occasionne & favorise. On objectera peut-être qu’il n’est pas possible d’y tomber, & d’acheter un poulain d’un an & demi ou deux ans, pour un poulain de quatre années, parce que dès-lors les crochets de dessous devroient avoir poussé ; mais il sera facile de répondre, en premier lieu, s’il s’agit d’une jument, qui ordinairement n’a pas de crochets, comment se garantir de la fraude ? En second lieu, il est des chevaux qui n’en ont point : il est vrai que le cas est rare. En troisieme lieu, les crochets poussent à trois ans & demi, quatre ans, & la dent de quatre ans peut les devancer. Enfin, ne voit-on pas des marchands de chevaux frapper adroitement la gencive à l’endroit où le crochet doit percer ; de maniere qu’à la suite des petits coups qu’ils ont donnés, il survient une dureté qu’ils présentent comme une preuve que le crochet est prêt à sortir. Il faudroit donc nécessairement, pour éviter d’être trompé, suivre les dents de lait comme nous suivons celles du cheval : elles sont creuses, elles ont le germe de féve ; & par les remarques que l’on feroit, on se mettroit à l’abri de toute surprise & de tout détour. J’avois prié quelques inspecteurs des haras de se livrer à des observations aussi faciles, je ne sai quel a été le résultat de leurs recherches ; on ne sauroit trop les inviter à en faire part au public.

Quoi qu’il en soit, si l’on fait attention au tems de la chûte de ces dents, on verra qu’à l’âge de deux ans & demi, trois ans, celles qui sont situées à la partie antérieure de la bouche, deux dessus & deux dessous, font place à quatre autres que l’on nomme les pinces ; ainsi à deux ans & demi, trois ans, le poulain a quatre dents de cheval & huit dents de lait.

A trois ans & demi, quatre ans, les quatre dents de lait placées à chaque côté des pinces, deux dessus & deux dessous, tombent, & font place à quatre autres qui se nomment les mitoyennes, parce qu’elles sont situées entre les pinces & les coins ; de façon qu’à trois ans & demi, quatre ans, le poulain a huit dents de cheval & quatre dents de lait.

Enfin à quatre ans & demi, cinq ans, les quatre dents de lait qui lui restoient, deux dessus & deux dessous, à chaque côté des mitoyennes, tombent encore, & font place à quatre autres que l’on appelle les coins ; ensorte qu’à quatre ans & demi, cinq ans, l’animal a tout mis, c’est-à-dire les pinces, les mitoyennes, & les coins ; & perdant dès-lors le nom de poulain, il prend celui de cheval. Du reste, je ne fixe point d’époque certaine & de tems absolument fixe ; je ne me fonde que sur un terme indécis d’une année ou d’une demi-année, parce que ce changement n’a pas lieu dans un espace déterminément limité. Il est des chevaux qui mettent les dents plûtôt, d’autres plûtard ; les premiers auront eu une nourriture dure, solide & ferme, telle que la paille, le foin, &c. les autres en auront une molle, telle que l’herbe : il est cependant assûré, en général, qu’à deux ans & demi l’animal met les pinces.

Les douze dents antérieures ne sont pas les seuls indices de son âge, les crochets nous l’annoncent aussi ; ils ne sont précédés d’aucune dent, & ne succedent par conséquent à aucune autre. Ceux de la mâchoire inférieure percent à trois ans & demi, quatre ans ; ceux de la mâchoire supérieure, à quatre ans, quatre ans & demi. Dès qu’ils percent, ils sont aigus, ils sont tranchans ; & à mesure qu’ils croissent, on apperçoit deux cannelures dans la partie qui est du côté du dedans de la bouche ; cannelure qui s’efface dans la suite, & qui ne subsiste pas toûjours. Il arrive quelquefois cependant que les cro-