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couvertes utiles à l’état, tandis que l’on sait les noms de plusieurs inventeurs d’inutilités.

Tout ce que j’ai donc pû apprendre, c’est qu’elle vient d’Angleterre, & que le premier qui en ait fait ici, a été M. Taillemard, très-bon machiniste, mort il y a environ vingt ans. Telle est l’idée que m’en a fournie M. Camus de l’académie des Sciences.

Le premier moyen dont se soient servis les anciens ouvriers qui eurent des roues à fendre, fut de les diviser avec le compas, au nombre de parties dont ils avoient besoin, & de les fendre ensuite avec des limes ; il n’y a pas long-tems que cela se pratiquoit encore : or quel tems n’exigeoient pas de telles opérations, & quelle justesse pouvoit-on attendre de ce moyen ? Mais quelque ouvrier intelligent ne laissa pas long-tems cette partie en cet état ; il vit un meilleur moyen, qui fut de former sur une grande plaque de cuivre différens cercles concentriques, qu’il divisa en des nombres de parties dont il faisoit usage dans les machines qu’il exécutoit ; de sorte que cela une fois fait, il n’étoit plus besoin que de faire convenir le centre de la roue à diviser avec celui de la plaque qui servoit de diviseur, & moyennant une regle ou alidade, qui se mouvoit au centre du diviseur, qu’on posoit alternativement sur tous les points de divisions d’un même cercle, on traçoit sur la roue les mêmes divisions ; ainsi elle se trouvoit par-là divisée exactement au même nombre de parties que le cercle du diviseur, ensorte qu’il ne restoit plus qu’à former les dents avec des limes convenables : enfin il y eut des artistes qui sûrent profiter du point où se trouvoit cette machine simple, pour la mener à celui de tailler des dents en même tems qu’elle les divisoit ; ce fut de substituer, à l’effet de fendre les roues avec des limes, & à la main, une lime qui se mouvoit en ligne droite dans une coulisse que portoit un chassis, sur lequel se mouvoit le diviseur & la roue à fendre : ensuite ce fut une lime circulaire (on l’appelle fraise) qu’on fit tourner par le moyen d’un archet sur une piece que portoit le chassis (qui étoit de bois) : ce chassis contenoit en même tems la grande plaque ou diviseur, qui tournoit dans ce chassis, ainsi que la roue à fendre ; celle-ci étoit fixée sur l’arbre qui portoit le diviseur : il n’étoit plus question, pour diviser & former les dents, que de fixer la grande plaque ou diviseur, & de terminer le mouvement qu’il devoit faire, pour former la distance d’une dent à l’autre : c’étoit-là l’effet d’une piece[1] fixée sur le chassis, laquelle portoit une pointe qui alloit presser le diviseur dans un des points de division de tel cercle, & empêchoit par ce moyen le diviseur de tourner, tandis qu’avec la fraise, au moyen de l’archet, on formoit une dent, on faisoit une fente ; ensuite levant la pointe de l’alidade, qui empêchoit le diviseur de tourner, & faisant passer ce diviseur jusqu’au premier point, on laissoit poser la pointe de l’alidade dans le trou de division ; & fixant de nouveau le diviseur, on faisoit une seconde fente à la roue, & ainsi de suite, jusqu’à ce que le diviseur eût achevé sa révolution, & que par conséquent, il y eût autant de dents fendues à la roue, que de points de division dans le cercle qu’on auroit pris.

Telle a été l’origine de la machine à fendre, on peut voir à-peu-près son méchanisme par l’idée que je viens de donner ; mais les figures & la description qui vont suivre, en feront beaucoup mieux comprendre la composition : & telle encore est la machine à fendre,

que l’on a perfectionnée depuis, mais dont les effets sont les mêmes ; ainsi ce que j’ai dit sur son origine & ses progrès, facilitera l’intelligence de celles que je vais décrire.

Je commencerai par la description de la machine à fendre, la plus parfaite qui ait été construite jusqu’à ce jour, & qui est en même tems la plus simple ; ensuite je donnerai la description de celle de Sully. J’ajoûterai après cela une idée des machines que l’on a faites pour fendre toutes sortes de nombres. Enfin je terminerai cet article par quelques remarques sur les soins d’exécution qu’exige une machine à fendre.

Comme la machine de Sully est plus composée que celle que l’on a faite depuis, j’ai crû devoir commencer par la derniere construction, qui est de feu M. Taillemard, & perfectionnée par son éleve. M. Hullot, dont le talent pour les machines est fort connu, mais peut-être pas autant qu’il le mérite. J’ai aussi ajoûté à cette machine, une piece qui peut servir à sa perfection ; c’est une machine au moyen de laquelle on détermine dans un instant la position des roues arbrées, comme rochets, roues de rencontre, &c. & les centre parfaitement avec la plateforme ou diviseur.

Description de la machine à fendre, exécutée & construite par M. Hullot, Méchanicien du Roi.

Le chassis ABCDIFG (Pl. XXIV. fig. 1.), est fait de deux pieces à-peu-près de la forme d’un Y. Chaque bout de la partie AEC est plié à l’équerre, ensorte que les parties GFD n’en sont que le prolongement, & servent de piliers ; elles entrent quarrément dans l’autre partie du chassis, dont on ne voit que les bouts BI. Les excédans des parties GFD en-dessous de la partie BI du chassis, sont taraudés, ensorte que les vases a, b, c, servent en même tems d’écroux pour assembler les deux parties du chassis, & de piés pour soûtenir la machine, dont la propre pesanteur suffit pour la rendre solide, n’étant que posée simplement sur une table quelconque MN, & y fendre toutes les roues possibles.

P est la plate forme ou le diviseur : il est fixé sur l’arbre O pq (fig. 1. Pl. XXV.). Cet arbre est porté par le chassis, dans lequel il tourne. Les deux points d’appui de cet arbre sont placés à une plus grande distance que la hauteur même du chassis, au moyen du pont rs fixé au-dessous de la piece BI du chassis, & de la plaque ou assiette tournée t, fixée au-dessus de l’autre partie AC du chassis. Le trou de l’assiette t dans lequel se meut l’arbre, est tourné en cône, ainsi que la partie de l’arbre qui y porte. C’est dans cette partie ou assiette t qu’est le point d’appui supérieur de l’arbre Opq. L’autre point d’appui est formé par la partie inférieure p du même arbre, laquelle est portée par un point concentrique à la vis o. Cette vis sert en même tems à donner plus ou moins de liberté à l’arbre pour se mouvoir ; ce qui se fait en faisant monter & descendre la vis o, ainsi que l’arbre Opq, dont la partie conique entrant plus ou moins dans le trou, ôte ou donne la liberté à l’arbre pour se mouvoir.

L’arbre Opq est percé dans sa longueur, ce qui forme un trou cylindrique dans lequel s’ajustent les tasseaux ou petits arbres à écrous mn. C’est sur ces arbres que l’on fixe les roues qu’on veut fendre, & dont les assiettes & grosseurs de vis sont proportionnées à la grandeur des roues. Les parties des tasseaux qui entrent dans l’arbre Opq, sont tournées sur leurs pointes, ainsi que les vis & assiettes. Au-dessous de ces assiettes est formé un petit cône, comme on le voit Planche XXVI. fig. 3. il porte sur la partie q de l’arbre Opq, tourné de même en cône dans cette partie intérieure q du trou cylindrique. Pour fixer ces tasseaux après l’arbre Opq, & le faire de façon que le centre

  1. L’on appelle cette piece alidade : son effet est le même que celui de la regle dont je viens de parler ; avec cette différence que celle-là passoit alternativement sur tous les points de division du cercle du diviseur, tandis que ce diviseur restoit immobile ; au lieu que dans l’alidade dont il est question, le diviseur tourne & présente alternativement toutes les divisions du même cercle, & l’alidade ou regle reste immobile.