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sance de son fiancé, celui qui l’épousoit ne pouvoit être accusé ni d’adultere, ni même de fornication : les autres trouvoient injuste de punir le mari, qui pouvoit même être dans la bonne-foi, & ignorer les fiançailles de sa femme, & de ne prononcer aucune peine contre cette femme, dont la faute ne pouvoit être justifiée par aucune raison : mais pour éviter cet inconvénient, les Grecs ne mirent point d’intervalle entre les fiançailles & le mariage ; ils accomplissoient l’un & l’autre dans le même jour.

L’église latine a toûjours regardé les fiançailles comme de simples promesses de s’unir par le mariage contracté selon les lois de l’église ; & quoiqu’elles ayent été autorisées par la présence d’un prêtre, elles ne sont pas indissolubles. C’est donc une maxime certaine dans tous les tribunaux, que fille fiancée n’est pas mariée, & que par conséquent elle peut disposer de sa personne & de son bien, pendant les fiançailles, sans blesser la foi conjugale, & sans avoir besoin de l’autorité de son fiancé, parce qu’enfin elle n’est point sa femme, & il n’est point son mari. Elle est si peu sa femme, que s’il vient à décéder avant la célébration du mariage, & qu’elle se trouve grosse du fait de son fiancé, elle ne peut prendre la qualité de veuve, ni l’enfant être censé légitime, & habile à succéder. Dict. de Richelet, édit. de Lyon, enrichie des notes de M. Aubert.

Aussi la donation faite par un fiancé à sa fiancée entre le contrat de mariage & la consommation, est nulle, & la répétition des présens a lieu, lorsque les nôces ne s’ensuivent point. Il y a, ce me semble, beaucoup d’équité dans un passage de l’alcoran sur ce sujet ; il dit que si le fiancé répudie sa fiancée avant la consommation du mariage, elle peut garder la moitié des présens qu’il lui avoit faits, si le fiancé ne veut pas les lui laisser tous entiers.

Nous ne passons point en revûe toutes les diversités d’usages qui se sont succédés dans la célébration des fiançailles, tant en France qu’ailleurs, c’est assez de remarquer ici, qu’autrefois dans notre royaume, on ne marioit les grands, comme les petits, qu’à la porte de l’église. En 1559, lorsqu’Elisabeth de France, fille d’Henri II, épousa Philippe II roi d’Espagne, Eustache du Bellay, évêque de Paris, alla à la porte de Notre-Dame, & se fit (pour me servir des termes du cérémonial françois) la célébration des fiançailles audit portail, selon la coûtume de notre mere sainte Eglise. Quand le cardinal de Bourbon eut fiancé au Louvre en 1572 Henri de Bourbon roi de Navarre, & Marguerite de Valois, il les épousa sur un échafaut, posé pareillement devant Notre-Dame ; la discipline est différente à cet égard aujourd’hui ; c’est dans l’église que se fait la célébration des fiançailles, ainsi que du sacrement de mariage. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fiançailles, (Jurispr.) du latin fido, qui signifie se fier à quelqu’un, sont les promesses de mariage futur que deux personnes font publiquement & en face de l’Eglise, qui reçoit ces promesses & les autorise.

Elles sont de bienséance, & non de nécessité.

Elles se peuvent contracter par toutes sortes de personnes qui peuvent exprimer leur volonté & leur consentement, c’est-à-dire saines d’entendement, & âgées de sept ans au moins, & du consentement de ceux qui les ont en leur puissance, & entre personnes qui pourroient contracter mariage ensemble, lorsqu’elles seront en âge ; de sorte que s’il y a quelque autre empêchement au mariage, les fiançailles ne sont pas valables.

L’usage des fiançailles est fort ancien. Il en est par-

lé dans le digeste, au titre de sponsalibus ; dans le code

théodosien, dans celui de Jursinien, dans le decret de Gratien & les decrétales, & dans les novelles 18, 93, & 109 de l’empereur Léon.

Cet usage a été introduit, afin que les futurs conjoints s’assûrent de leurs dispositions mutuelles, par rapport au mariage, avant de se présenter pour recevoir la bénédiction nuptiale ; & afin qu’ils ne s’engagent pas avec trop de précipitation, dans une société dont les suites ne peuvent être que très-fâcheuses, quand les esprits sont mal assortis.

Il y avoit autrefois des fiançailles par paroles de présent, appellées sponsalia de præsenti, qui ne différoient du mariage qu’en ce qu’elles n’étoient point accompagnées de la bénédiction sacerdotale : mais ces sortes de fiançailles ont été entierement défendues par l’article 44 de l’ordonnance de Blois, comme le concile de Trente l’avoit déjà fait, ordonnant que aucuns mariages ne seroient valables, qu’ils ne fussent précédés de publication de bans, & faits en présence du propre curé, ou autre par lui commis, & des témoins ; ensorte qu’il n’y a plus d’autres fiançailles valables, que celles appellées en droit sponsalia de futuro, c’est-à-dire la promesse de se prendre pour mari & femme.

L’effet des fiançailles est :

1°. Qu’elles produisent une obligation réciproque de contracter mariage ensemble : mais si l’un des fiancés refuse d’accomplir sa promesse, le juge d’église ni le juge laïc ne peuvent pas l’y contraindre, & l’obligation se résout en dommages & intérêts, sur lesquels le juge laïc peut seul statuer, & non le juge d’église. Ces dommages & intérêts s’estiment, eu égard au préjudice réel que l’autre fiancé a pû souffrir, & non pas eu égard à l’avantage qu’il peut perdre.

2°. Il se forme par les fiançailles une espece d’affinité réciproque, appellée en droit canon justitia publicæ honestatis, entre chacun des fiancés & les parens de l’autre ; de maniere que les parens du fiancé ne peuvent pas épouser la fiancée ; & vice versâ, les parentes de la fiancée ne peuvent pas épouser le fiancé : mais le concile de Trente a restraint cet empêchement au premier degré, & a décidé que cette affinité, & conséquemment que l’empêchement qui en résulte, n’ont point lieu lorsque les fiançailles sont nulles.

La fiancée n’est point en la puissance du fiancé, & conséquemment elle n’a pas besoin de son autorisation, soit pour contracter avec lui ou avec quelqu’autre, soit pour ester en jugement.

Les fiances peuvent se faire toutes sortes d’avantages permis par les lois, & qui sont seulement défendus aux conjoints, pourvû que ce soit par contrat de mariage, ou que l’acte soit fait en présence de tous les parens qui ont assisté au contrat.

L’engagement résultant des fiançailles peut être résolu de plusieurs manieres :

1°. Par le consentement mutuel des parties.

2°. Par la longue absence de l’un des fiancés ; mais si le fiancé s’absente pour une cause nécessaire, & que ce soit dans la même province, la fiancée doit attendre deux ans ; & si c’est dans une autre province, trois ans.

3°. Par la profession monastique des fiancés, ou de l’un d’eux ; mais le simple vœu de chasteté ne dissout pas les fiançailles.

4°. Lorsque le fiancé prend les ordres sacrés.

5°. Si l’un des deux fiancés contracte mariage avec une autre personne, auquel cas il ne reste à l’autre fiancé que l’action en dommages & intérêts, supposé qu’il y ait lieu.

6°. Par la fornication commise par l’un des fiancés, ou par tous les deux, avec une autre personne