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affectent les fibres ; c’est celui de l’astriction, qui est l’opposé de la laxité.

On appelle astriction dans les fibres simples, & conséquemment dans les parties composées de fibres, l’état dans lequel elles sont trop denses, trop compactes, trop peu flexibles, trop peu susceptibles de distractilité ; ensorte qu’elles ne cedent pas suffisamment aux puissances qui font effort pour distendre les organes par l’impulsion des fluides ; qu’elles résistent trop à l’action de ceux-ci sur les solides ; qu’elles s’opposent à leur cours reglé : deux effets qui sont cependant les conditions nécessaires pour l’entretien de la vie & de la vie saine.

La cause prochaine de l’astriction des parties tant simples que composées, consiste dans la position des corpuscules intégrans qui forment les fibres, & dans la position des fibres elles-mêmes, trop rapprochés entr’eux ; ensorte que la force de cohésion qui dépend du contact, ou au moins de la proximité des parties entr’elles, est trop considérable ; parce qu’elles se présentent réciproquement des surfaces trop étendues, ce qui en multipliant les points de contact, augmente par conséquent l’adhérence & la résistance à tout ce qui peut disposer à la solution de continuité, ou la procurer ; par conséquent à tout ce qui tend à causer des alongemens, des distensions dans les parties : ainsi sous un volume donné de parties solides qui pechent par astriction, il y a plus de corpuscules élémentaires pour la formation des fibres, & plus de fibres pour la composition de ces parties, d’où suit la densité des masses. La force de cohésion décide de la plus ou moins grande élasticité ; l’astriction suppose par conséquent celle-ci à un degré proportionné à celle-là ; par conséquent encore elle rend les parties du corps humain trop élastiques, d’où il suit aussi qu’elles doivent trop résister à tout ce qui peut donner lieu à l’exercice de cette propriété. Elles sont donc trop peu distractiles, trop peu flexibles, ce qui doit encore les rendre très-peu molles ; & la faculté qu’elles ont de soûtenir les efforts de la vie même, lorsqu’ils sont trop violens comme dans la fievre, les convulsions, & de ne leur céder qu’avec difficulté, devient excessive au point qu’elle ne se prete pas suffisamment, même au jeu ordinaire & le plus nécessaire des organes.

Les causes qui disposent aux différens vices provenans de l’astriction, sont aussi la disposition naturelle, la constitution que l’on reçoit dès la conception ; mais ce sont sur-tout l’éducation, le régime opposé à ceux qui contribuent à la laxité (voyez ci-devant), la vie laborieuse & trop violemment exercée, le climat froid, l’âge avancé ; tout ce qui peut dessécher les parties solides, en dissipant les fluides par le moyen de l’air, du feu, de la chaleur, en tirant ou faisant sortir les molécules aqueuses, huileuses, placées entre les élémens des fibres, & entre les fibres elles-mêmes, de maniere à en empêcher le contact ; tout ce qui peut l’augmenter par l’intrusion en remplissant les pores intimes des fibres simples & décomposées, comme l’esprit-de-vin, le sel. C’est ainsi qu’en Espagne, en Portugal, on sait borner l’accroissement de certains chiens pour les rendre plus agréables aux dames, en les lavant fréquemment avec des liqueurs spiritueuses : c’est ainsi que le lard se durcit dans la saumure ; tout ce qui peut augmenter la force vitale en fortifiant les organes, & la rendre propre à convertir un grand nombre de vaisseaux simples en fibres composées ; tout ce qui peut par une vertu plastique, disposer les sucs nourriciers à s’épaissir, se figer dans leurs propres vaisseaux, ensorte que la cavité devienne remplie d’un solide immobile, au lieu du fluide qui y couloit auparavant : tel est l’effet des acides minéraux, mêlés avec les humeurs animales, en un mot le contraire de tout ce

qui peut contribuer à la laxité des fibres ; d’où on peut tirer des corollaires sur tout ce qui a rapport à l’astriction.

Les effets de ce genre de vice dans les solides, sont, comme il a été dit de ceux du vice opposé, différens selon les différentes parties qui en sont affectées : ainsi dans les fibres musculaires, ce vice produit l’inflexibilité des chairs, la roideur dans le jeu des muscles, tant que les forces subsistent ; & des qu’elles s’affoiblissent, le tremblement des membres, leur engourdissement : dans les fibres tendineuses endurcies, le changement en substance osseuse : dans les fibres nerveuses, il produit l’apathie, c’est-à-dire qu’il rend les sens peu susceptibles d’impression, l’esprit pesant : dans les fibres osseuses, il rend les parties qui en sont composées très-fragiles ; les vieillards sont plus susceptibles de fractures que les jeunes gens, parce que leurs os ont perdu par la dureté toute leur flexibilité. Dans tous les vaisseaux, l’astriction cause aussi le défaut de flexibilité, d’où résulte la résistance à être dilatés, à recevoir les fluides ; d’où l’irrégularité du pouls des vieilles gens, les palpitations auxquelles ils sont sujets. La roideur de la membrane du tambour cause la surdité ; la sécheresse de la glotte cause la raucité ; l’inflexibilité de l’estomac cause le dégoût ; la matrice devenue d’un tissu trop serré, donne lieu à la stérilité, &c.

Les différens vices provenans tant de la laxité que de l’astriction, pouvant être contractés par toutes les parties du corps, ensuite d’une cause commune, ou par quelques unes seulement, ensuite de quelque cause particuliere ; il faut, pour juger de ces vices, avoir toûjours égard aux différens degrés de densité, de force, de souplesse, qui sont propres à chaque partie dans l’état naturel, respectivement à la constitution particuliere de chaque individu ; à l’âge, au sexe, au climat, à la saison ; enfin à tout ce qui peut faire varier la consistence, la solidité, la fermeté des parties, sans que l’économie animale en soit troublée habituellement.

On met mal-à-propos, dans plusieurs pathologies, la grosseur & l’exilité des fibres contre nature, au nombre des défauts que les fibres simples peuvent avoir ; parce que, selon qu’il a été dit dans cet article d’après Ruysch, les fibres les plus petites que l’on peut avoir par la division des parties, qui sont encore bien éloignées d’être les fibres élémentaires, sont les mêmes dans tous les animaux : elles ne sont pas plus déliées dans une puce que dans un bœuf ; à plus forte raison peut-on dire que les fibres simples sont égales entr’elles en grosseur, ou au moins qu’on peut encore moins appercevoir la différence des unes aux autres : ainsi cette qualité lorsqu’elle peche dans les fibres, doit être attribuée aux plus composées, aux plus sensibles, telles que les fibres charnues, qui sont dites plus grossieres, lorsqu’elles sont moins susceptibles, par l’excès de leur force de cohésion, d’être divisées en plus petites parties ; ce qui peut être rapporté à l’astriction.

On n’est pas mieux fondé à faire mention de la tension & du relâchement excessifs parmi les vices des fibres simples, ainsi que le font Boerhaave & bien d’autres. Dans quelque état & de quelle nature que l’on suppose un filet, fût-il d’acier, il ne peut être tendu que par une puissance étrangere au corps : ainsi les vaisseaux sont tendus par les fluides qui en écartent les parois. La vessie, le ventre peuvent être tendus par un plus grand volume des parties qu’ils contiennent : les chairs, les tendons peuvent être tendus par la contraction musculaire, par le spasme ; on ne peut pas même dire que le desséchement des fibres qui en procure le raccourcissement, les tende si elles n’ont pas de points fixes auxquels elles soient attachées : c’est plûtôt dans ce cas un resserrement, par