Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on employe de plus longues lunettes ; mais il n’étoit pas possible aux anciens de les ranger dans les six classes dont nous venons de parler. Voyez Télescopique.

Ce n’est pas que toutes les étoiles de chaque classe paroissent être précisément de la même grandeur ; chaque classe est fort étendue à cet égard, & les étoiles de la premiere grandeur paroissent presque toutes différentes en éclat & en grosseur. Il y a d’autres étoiles de grandeurs intermédiaires, que les Astronomes ne peuvent placer dans telle classe plûtôt que dans la suivante, & qu’ils rangent à cause de cela entre deux classes.

Par exemple, Procyon, que Ptolomée regarde comme une étoile de la premiere grandeur, & que Tycho place dans la seconde classe, n’est rangé par Flamsteed ni dans l’une ni dans l’autre ; mais il le place entre la premiere & la seconde.

Il faudroit même, à proprement parler, établir autant de classes différentes qu’il y a d’étoiles fixes. En effet, il est bien rare d’en trouver deux qui soient précisément de la même grandeur ; & pour ne parler uniquement que de celles de la premiere grandeur, voici les principales différences qu’on y a reconnues. Sirius est la plus grande & la plus éclatante de toutes ; ensuite on trouve qu’Arcturus surpasse en grandeur & en lumiere Aldebaran ou l’œil du Taureau, & l’épi de la Vierge ; & cependant on les nomme communément étoiles de la premiere grandeur.

Catalogue des Etoiles de différentes grandeurs, selon Kepler.
De la premiere grandeur, 15.
De la seconde, 58.
De la troisieme, 218.
De la quatrieme, 494.
De la cinquieme, 354.
De la sixieme, 240.
Des obscures & nébuleuses, 13.

En tout, 1392.

Ce nombre est celui des étoiles qu’on découvre à la vûe simple ; car avec le téleseope, comme nous l’avons déjà dit, on en apperçoit beaucoup plus.

Quelques auteurs assûrent que le diametre apparent des étoiles de la premiere grandeur, est d’une minute au moins ; & comme on a déjà dit que l’orbite de la Terre, vûe des étoiles fixes, paroît sous un angle moindre que 30 secondes, ils ont conclu de-là que le diametre des étoiles est beaucoup plus grand que celui de toute l’orbite de la Terre. De plus, disent-ils, une sphere dont le demi-diametre égale seulement la distance du Soleil à la Terre, est dix millions de fois plus grande que le Soleil ; par conséquent ils croyent que les étoiles fixes doivent être bien plus de dix millions de fois plus grandes que le Soleil. Il y auroit donc une différence énorme entre la grosseur du Soleil & celle des étoiles fixes ; & par conséquent on ne pourroit plus dire que ce sont des corps lumineux semblables, & on seroit assez mal fondé à mettre le Soleil au nombre des étoiles fixes.

Mais on s’est trompé : car les diametres même des plus grandes étoiles, vûs à-travers un télescope qui rend les objets par exemple cent fois plus gros qu’ils ne sorlt, ne paroissent point du tout avoir de grandeur sensible, mais ne sont que des points brillans.

Ainsi cette prétendue grandeur des étoiles n’est fondée que sur des observations fort imparfaites ; & il est vrai que quelques astronomes peu habiles en ce genre, se sont fort trompés dans les diametres apparens qu’ils ont assigné aux étoiles. L’angle sous lequel paroissent les étoiles fixes de la premiere grandeur, n’est pas même d’une seconde ; car lorsque la Lune rencontre l’œil du Taureau, le cœur du Lion, ou l’épi de la Vierge, l’occultation est tel-

lement instantanée, & l’étoile si brillante à cet instant,

qu’un observateur attentif ne sauroit se tromper, ni demeurer dans l’incertitude pendant une demi-seconde de tems. Or si ces étoiles avoient par exemple un diametre au moins de cinq secondes, on les verroit s’éclipser peu-à-peu, & diminuer sensiblement de grandeur pendant près de 10 secondes de tems, à raison de 13 degrés que la Lune parcourt en 24 heures. Il y a autour des étoiles, sur-tout pendant la nuit, une espece de fausse lumiere, un rayonnement on scintillation qui nous trompe, & qui fait que nous les jugeons au moins cent fois plus grandes qu’elles ne sont. On fait disparoître cependant la plus grande partie de cette fausse lumiere, en regardant les étoiles par un trou fait à une carte avec la pointe d’une aiguille, ou plûtôt en y employant d’excellentes lunettes d’approche qui en absorbent la plus grande quantité, puisqu’on n’y apperçoit les étoiles fixes que comme des points lumineux, & beaucoup plus petites qu’à la vûe simple. On sait pourtant que les lunettes d’approche grossissent les objets : or il semble que le contraire paroît à l’égard des étoiles fixes ; ce qui prouve combien le diametre apparent de ces étoiles est peu sensible à notre égard. On ne sait comment le P. Riccioli s’y est laissée tromper, jusqu’à donner à Sirius un diametre de 18 secondes ; car si on suppose qu’à la vûe simple les deux lignes tirées des extrémités du diametre de Sirius forment dans notre œil un angle de 18 secondes, une lunette qui augmenteroit 200 fois les objets, nous feroit par conséquent appercevoir cette étoile sous un angle de 3600 secondes, c’est-à-dire d’un degré : d’où il s’ensuivroit que Sirius vû à-travers la lunette, paroîtroit d’un diametre presque double de celui du Soleil ou de la Lune. Or quoique les plus excellentes lunettes ne soient pas même capables d’absorber totalement cette fausse lumiere qui environne les étoiles fixes, il est certain toutefois que Sirius n’y paroit pas plus grand que la planete de Mars mesurée au micrometre ou à la vûe simple ; mais le diametre de Mars dans sa plus petite distance de la Terre est au plus de 30 secondes : ainsi quoique la lunette augmente 200 fois environ le diametre apparent de Sirius, l’angle sous lequel on y apperçoit cette étoile n’est que d’environ 30 secondes, c’est-à-dire qu’à la vûe simple ce diametre ne seroit guere que de la 200e partie de 30 secondes, ou d’environ neuf tierces. On demandera peut-être maintenant comment nous pouvons appercevoir les étoiles fixes, puisque leur diametre apparent répond à un angle qui n’est aucunement sensible : mais il faut faire attention que c’est ce rayonnement & cette scintillation qui les environnent, qui est cause que ces corps lumineux se voyent à des distances si prodigieuses, au contraire de ce qui arrive à l’égard de tout autre objet. L’expérience ne nous apprend-t-elle pas qu’une bougie ou un flambeau allumé se voyent pendant la nuit sous un angle très-sensible à plus de deux lieues de distance ? Au lieu que si dans le plus grand jour on expose tout autre objet de pareille grosseur à la même distance, on ne pourra jamais l’appercevoir : à peine pourroit-on même distinguer un objet qui seroit dix fois plus grand que la flamme de la bougie. La raison de cela est que les corps lumineux lancent de tous côtés une matiere incomparablement plus-forte que celle qui est refléchie par les corps non lumineux ; & que celle-ci étant amortie par la réflexion, devient plus foible & se fait à peine sentir à une grande distance : l’autre au contraire est tellement vive, qu’elle ébranle avec une force incomparablement plus grande les fibres de la rétine ; ce qui produit une sensation tout-à-fait différente, & nous fait juger par cette raison les corps lumineux beaucoup plus grands qu’ils ne sont. Voyez les Instit.