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reste encore, est visqueuse comme de la colle, de couleur jaunâtre ; & que tout ce qui en étoit combustible, ou qui pouvoit répandre de la lumiere, se trouve entierement consumé. On peut imiter ces sortes d’étoiles, en mêlant ensemble du camphre & du nitre avec un peu de limon, que l’on arrose avec du vin ou de l’eau-de-vie. Lorsqu’on a formé de ce mêlange une boule, & qu’on la jette dans l’air après y avoir mis le feu, elle répand en brûlant une lumiere semblable à celle de l’étoile tombante ; & quand elle est tombée, il ne reste plus qu’une matiere visqueuse, qui ne differe pas de celle que laisse l’étoile après sa chûte.

» Il flote çà & là dans l’air du camphre qui est fort volatil ; il y a aussi beaucoup de nitre & du limon fort délié ; de sorte que ces parties venant à se rencontrer, s’incorporent & forment une longue trainée, qui n’a plus alors besoin que d’être allumée par l’une ou par l’autre de ses extrémités, à l’aide de l’effervescence qui se fait par le mêlange de quelque autre matiere qu’elle rencontre. Aussitôt que cette traînée est en feu, & que la flamme passe d’un bout à l’autre, la matiere incombustible se rassemble ; elle devient beaucoup plus pesante que l’air, & tombe alors pour la plus grande partie à terre. La nature employe peut-être encore quelque autre matiere pour produire ce phénomene ». Mussch. essais de Physiq. §. 1683. &c. (O)

Etoile de Mer, stella marina, (Hist. nat.) animal qui doit ce nom à sa figure. Planc. XVIII. Les étoiles de mer sont découpées, ou plûtôt comme divisées en cinq parties qu’on peut nommer rayons. La surface supérieure des étoiles de mer, ou celle à laquelle les jambes ne sont pas attachées, est couverte par une peau très-dure : c’est peut-être ce qui a déterminé Aristote à les ranger parmi les testacées ou animaux à coquilles ; mais Pline donne avec plus de raison à cette peau le nom de callum durum, car elle ressemble par sa solidité à une espece de cuir ; elle est hérissée de diverses petites éminences d’une matiere beaucoup plus dure, & qui ressemble fort à celle des os ou des coquilles. Cette peau supérieur : est différemment colorée dans diverses étoiles : dans quelques-unes elle est rouge : dans d’autres violette ; dans d’autres bleue, & jaunâtre dans d’autres ; & enfin elle est souvent de diverses couleurs moyennes entre celles-ci. Les mêmes couleurs ne paroissent pas sur la surface inférieure, qui est presque couverte par les jambes & par diverses pointes qui bordent ses côtés, plus longues que celles de la surface supérieure.

On voit au milieu de l’étoile, lorsqu’on la regarde par-dessous, une petite bouche ou suçoir dont elle se sert pour tirer la substance des coquillages, desquels elle se nourrit, comme Aristote l’a fort bien remarqué. Il auroit eu moins de raison s’il avoit assûré, comme il paroît par la traduction de Gasa, que les étoiles ont une telle chaleur, qu’elles brûlent tout ce qu’elles touchent : Rondelet, qui veut faire parler Aristote plus raisonnablement, dit que cela doit s’entendre des choses qu’elles ont mangées, qu’elles digerent très-vîte. Pline cependant a adopté le sentiment d’Aristote dans le sens que Gaza l’a traduit ; car il dit expressément, tam igneum fervorem esse tradunt, parlant de l’étoile, ut omnia in mari contacta adurat. Après quoi il parle comme d’une chose différente de la facilité qu’elle a à digérer.

On a cru apparemment devoir leur attribuer une chaleur semblable à celle des astres dont elles portent le nom. Quoi qu’il en soit de cette chaleur imaginaire, il est certain qu’elles mangent les coquillages, & qu’elles ont autour de leur suçoir cinq dents, ou plûtôt cinq petites fourchettes d’une espece de matiere osseuse, par le moyen desquelles elles tiennent les coquillages, pendant qu’elles les sucent :

peut-être que c’est avec les mêmes pointes qu’elles ouvrent leurs coquilles, lorsqu’elles sont de deux pieces. Chaque rayon de l’étoile est fourni d’un grand nombre de jambes, dont le méchanisme est ce qu’il y a de plus curieux dans cet animal.

Le nombre des jambes est si grand, qu’elles couvrent le rayon presque tout entier du côté où elles lui sont attachées. Elles v sont posées dans quatre rangs différens : chacun desquels est d’environ soixante-seize jambes ; & par conséquent l’étoile entiere est pourvûe de 1520 jambes, nombre assez merveilleux, sans que Bellon le poussât jusqu’à près de cinq mille. Tout ce grand attirail de jambes ne sert cependant qu’à exécuter un mouvement très lent ; aussi sont-elles si molles, qu’elles ne semblent guere mériter le nom de jambes. A proprement parler, ce ne sont que des especes de cornes telles que celles de nos limaçons de jardins, mais dont les étoiles se servent pour marcher ; ce n’est pas simplement par leur peu de consistance qu’elles ressemblent à des cornes de limaçons, elles ne leur sont pas moins semblables par leur couleur & leur figure : elles sont aussi souvent retirées comme les cornes d’un limaçon ; c’est seulement lorsque l’étoile veut marcher, qu’on les voit dans leur longueur, encore l’étoile ne fait-elle paroître alors qu’une partie de ses jambes : mais dans le tems même que l’étoile, ou plûtôt leur ressort naturel les tient elles-mêmes raccourcies, on apperçoit toûjours leur petit bout, qui est un peu plus gros que l’endroit qui est immédiatement au-dessous.

La méchanique que l’étoile employe pour marcher, ou plûtôt pour allonger ses jambes, doit nous paroître d’autant plus curieuse, qu’on l’apperçoit clairement ; chose rare dans ces sortes d’opérations de la nature, dont les causes nous sont ordinairement si cachées, que nous pouvons également les expliquer par des raisonnemens très-opposés ; il n’en est point, dis-je, de même de la méchanique dont l’étoile se sert pour allonger ses jambes. Il est aisé de la remarquer très-distinctement, si-tôt que l’on a mis à découvert les parties intérieures d’un des rayons, en coupant sa peau dure du côté de la surface supérieure de l’étoile, ou de la surface opposée à celle sur laquelle les jambes font situées : l’intérieur de l’étoile paroît alors divise en deux parties par une espece de corps cartilagineux, quoique assez dur.

Le corps semble composé d’un grand nombre de vertebres faites de telle façon, qu’il se trouve une coulisse au milieu du corps, qu’elles forment par leur assemblage. A chaque côté de cette coulisse on voit avec plaisir deux rangs de petites sphéroïdes elliptiques, ou de boules longues, d’une clarté, d’une transparence très-grande, longues de plus d’une ligne, mais moins grosses que longues ; il semble que ce soient autant de petites perles rangées les unes auprès des autres. Entre chaque vertebre est attachée une de ces boules de part & d’autre de la coulisse, mais à deux distances inégales. Ces petites boules sont formées par une membrane mince, mais pourtant assez forte, dont l’intérieur est rempli d’eau ; ensorte qu’il n’y a que la surface de la boule qui soit membraneuse. Il n’est pas difficile de découvrir que ces boules sont faites pour servir à l’allongement des jambes de l’étoile. On développe toute leur ingénieuse méchanique, lorsqu’en pressant avec le doigt quelqu’une de ces boules on les voit se vuider, & qu’en même tems on observe que les jambes qui leur correspondent se gonflent. Enfin lorsqu’on voit qu’après avoir cessé de presser ces mêmes boules, elles se remplissent pendant que les jambes s’affaissent & se raccourcissent à leur tour, qui ne sent que tout ce que l’étoile a à faire pour enfler ses jambes, c’est de presser les boules. Ces boules pressées se déchargent de