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le rétablissement, l’entretien & la perfection des ponts, chaussées & grands chemins.

La matiere est par elle-même d’une si grande étendue, qu’il faut malgré soi passer rapidement sur les objets, & résister au desir que l’on auroit de s’arrêter sur les plus intéressans : contentons-nous de les présenter au lecteur intelligent, & laissons-lui le soin de les approfondir.

Les richesses de l’état, que l’on a d’abord envisagées comme naturelles, ensuite comme acquises, peuvent l’être aussi comme richesses réelles ou d’opinion.

Les réelles ne sont autre chose que les fonds ou biens immeubles, les revenus & les effets mobiliers.

Les immeubles (on ne parle ici que des réels, & non de ceux qui le sont par fiction de droit) ; les immeubles sont les terres labourables, les prés, les vignes, les maisons & autres édifices, les bois & les eaux, & généralement tous les autres fonds, de quelque nature qu’ils soient, qui composent le domaine foncier du souverain & celui des particuliers.

Du souverain, comme seigneur & propriétaire particulier de certains fonds qui n’ont point encore été incorporés au domaine du roi.

Comme roi, & possédant à ce titre seulement les héritages & les biens qui forment le domaine foncier de la couronne.

Des particuliers, comme citoyens, dont les domaines sont la base des richesses réelles de l’état de deux manieres ; par les productions de toute espece qu’ils font entrer dans le commerce & dans la circulation : par les impositions, auxquelles ces mêmes productions mettent les particuliers en état de satisfaire.

Considérées comme revenus, les richesses réelles sont fixes ou casuelles ; & dans l’un & l’autre cas, elles appartiennent, comme les fonds, au souverain ou aux particuliers.

Appartiennent-elles aux particuliers ? ce sont les fruits, les produits, les revenus des fonds qu’ils possedent ; ce sont aussi les droits seigneuriaux utiles ou honorifiques qui y sont attachés.

Si ces revenus appartiennent au souverain, ils sont à lui à titre de seigneur particulier, ou bien à cause de la couronne ; distinction essentielle, & qu’il ne faut pas perdre de vûe, si l’on veut avoir la solution de bien des difficultés. Le roi possede les uns par lui-même, abstraction faite de la souveraineté : à titre de souverain, il compte parmi ses revenus, 1°. le produit du domaine foncier & des droits domaniaux : 2°. les impositions qu’il met, comme roi, sur ce que les autres possedent ; revenu toûjours à charge à la bonté du monarque, qu’il n’augmente jamais qu’à regret, & toûjours en observant que l’établissement des impositions se fasse relativement aux facultés de la nation, mesurées sur ce dont elle est déjà chargée, & sur ce qu’elle peut supporter encore ; la répartition avec une proportion qui détruise les taxes arbitraires, & qui ne charge le citoyen que de ce qu’il peut naturellement & doit équitablement supporter ; le recouvrement & la perception avec autant d’exactitude que de modération & d’humanité.

Passons de suite & sans rien détailler, aux richesses réelles considérées dans les effets mobiliers, tels que l’on & l’argent, les pierreries, les marchandises de toute espece, & les meubles meublans, quels qu’ils soient.

Observons seulement, comme autant de circonstances qui n’échappent point à ceux qui sont chargés de cette grande partie de l’administration,

Que l’or & l’argent, qui sont tour-à-tour marchandises & signes représentatifs de tout ce qui peut être échangé, ne peuvent provenir que des mines,

pour ceux qui en ont ; que du commerce, pour ceux qui n’ont point de mines.

Que l’or & l’argent, ainsi que les pierreries, peuvent être considérés comme matieres premieres ou comme ouvrages fabriqués : comme matieres, lorsque, par rapport aux pierreries, elles sont encore brutes ; & qu’à l’égard des métaux, ils sont encore en lingots, en barres, &c. comme ouvrages, lorsque les pierres précieuses sont mises en œuvre ; & qu’à l’égard des métaux, ils sont employés en monnoie, en vaisselle, en bijoux, en étoffes, &c.

Que les marchandises & les meubles peuvent être l’objet d’une circulation intérieure, ou d’un commerce avec l’étranger ; & qu’à cet égard, & surtout dans le dernier cas, il est important d’examiner si la matiere premiere & la main-d’œuvre à-la-fois, ou l’une des deux seulement, proviennent de la nation.

Les finances considérées, comme on vient de le voir, dans les richesses & les possessions réelles & sensibles, frappent tout le monde, & par cette raison obtiennent sans peine le degré d’attention qu’elles méritent. En voici d’une espece si métaphysique, que plusieurs seroient tentés de ne point les regarder comme richesses, si des titres palpables ne les rendoient réelles pour ceux qui conçoivent le moins les effets que ces titres produisent dans le commerce & dans la circulation.

Les richesses d’opinion, qui multiplient si prodigieusement les réelles, sont fondées sur le crédit, c’est-à-dire sur l’idée que l’on s’est formée de l’exactitude & de la solvabilité.

Mais ce crédit peut être celui de la nation, qui se manifeste dans les banques & dans la circulation des effets publics accrédités par une bonne administration ; ou celui des particuliers considérés séparément ou comme réunis.

Séparément, ils peuvent devenir par leur bonne conduite & leurs grandes vûes, les banquiers de l’état & du monde entier. On fera sans peine à Paris l’application de cet article.

Considérés ensemble, ils peuvent être réunis en corps, comme le clergé, les pays d’états, &c. en compagnies de commerce, comme la compagnie des Indes, les chambres d’assûrances, &c. d’affaires, telles que les fermes générales, les recettes générales, les munitionnaires généraux, &c. dont le crédit personnel augmente le crédit général de la nation.

Mais les avantages des richesses naturelles ou acquises, réelles ou d’opinion, ne se bornent pas au moment présent ; ils s’étendent jusque dans l’avenir, en préparant les ressources qui forment le troisieme aspect sous lequel les finances doivent être envisagées.

Trois sortes de ressources se présentent naturellement pour satisfaire aux besoins que les revenus ordinaires ne remplissent pas ; l’aliénation, l’emprunt, l’imposition. Les deux premieres sont en la disposition des sujets comme du souverain. Tout le monde peut aliéner ce qu’il a, emprunter ce qui lui manque ; le souverain soul peut imposer sur ce que les autres ont. Parcourons ces trois sortes de ressources avec la même rapidité que les autres objets.

Les aliénations se font à perpétuité, de ce qui peut être aliéné sans retour ; à tems, de ce qui est inaliénable de sa nature.

On aliene les fonds ou les revenus ; les fonds de deux manieres à l’égard du souverain, en engageant ceux qui ne sont point encore sortis de ses mains, en mettant en revente ceux qui n’avoient été vendus qu’à faculté de rachat ; les revenus provenant de l’établissement de nouveaux droits, ou de la perception des droits anciennement établis.

Quant aux emprunts, qui supposent toujours la