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roit ensuite avec un bistouri. C’est la méthode que nous avons dit convenir pour les cas les plus simples, & dans lesquels on s’est servi avec succès du syringotome. Voyez Syringotome. Mais dans les fistules fort étendues & compliquées, il ne suffiroit pas d’avoir fendu le sinus antérieurement, c’est-à-dire du côté extérieur, il faudroit inciser la partie postérieure dans toute l’étendue, ayant le soin de tâter avec l’extrémité du doigt index de la main gauche, les parties avant de les scarifier, pour ne pas couper des vaisseaux ou autres parties qu’il seroit à propos de ménager. Les callosités qu’on n’a fait que fendre par cette incision, doivent être emportées des deux côtés avec le bistouri ou les ciseaux ; on scarifie celles que la prudence ne permet pas d’extirper, ou on les attaque dans le cours du traitement, avec des remedes caustiques.

Le pansement de la plaie consiste à mettre de la charpie brute & mollette dans toute l’étendue de la plaie : on introduit ensuite une tente grosse & longue comme le petit doigt, dans le rectum : le tout sera recouvert de trois ou quatre compresses longuettes, étroites, & graduées, soûtenues de bandages en T, dont la branche transversale large de quatre travers de doigt, fait un circulaire autour du corps au-dessus des hanches, & sert de ceinture ; & la branche perpendiculaire est fendue depuis son extrémité jusqu’à huit travers de doigt de la ceinture. Le plein porte sur les compresses, & les deux chefs passent un de chaque côté des parties naturelles, pour n’en pas gêner l’action, & vont s’attacher antérieurement à la ceinture.

Si dans l’opération on avoit ouvert un vaisseau qui fournît assez de sang pour donner quelque crainte sur la quantité que le malade pourroit en perdre, il faudroit prendre des précautions dans l’application de l’appareil ; car on a vû le sang se porter dans l’intestin, pendant qu’on ne soupçonnoit point l’hémorrhagie, parce que l’appareil n’en étoit point pénétré. On peut se mettre en garde contre cet accident, par l’application de l’agaric, & par une compression faite avec méthode. Il faut d’abord reconnoître la situation précise du vaisseau qui fournit le sang, en appuyant le doigt alternativement dans différens points de l’incision, jusqu’à ce qu’on ait comprimé la source de l’hémorrhagie. Il est prudent de tenir le doigt assez long-tems sur l’orifice du vaisseau, pour donner le tems au caillot de se former : au lieu d’agaric on peut mettre avec succès sur cet endroir une petite compresse, trempée dans l’essence de Rabel ; on la soûtient pendant quelques minutes ; on la couvre ensuite de charpie brute, & l’on applique le reste de l’appareil comme je viens de le dire.

On ne leve l’appareil qu’au bout de quarante-huit heures, si rien n’oblige à le lever plûtôt ; encore ne doit-on pas détacher la charpie du fond, sur-tout s’il y a eu hémorrhagie : c’est à la suppuration à décoller cette charpie. Dans la suite, les pansemens doivent être fort simples : on se sert d’abord des remedes digestifs, puis des détersifs, & on termine la cure avec des dessicatifs, suivant les regles générales de l’art pour la cure des ulceres. Voyez Ulceres. On diminue la tente de jour en jour, selon le progrès de la plaie vers la consolidation ; & sur les derniers tems, on panse avec une meche de charpie ou un plumaceau, qu’on introduit à plat dans le rectum. Une attention qui est essentielle lorsqu’on porte la tente dans l’intestin, est de l’introduire le long de la partie saine du fondement, du côté opposé à l’incision : par ce moyen on ne fatigue pas l’angle de l’incision du boyau, on évite de la douleur qu’on feroit souffrir inutilement au malade ; & sans cette précaution il y auroit du risque de faire, en poussant la tente, une fausse route dans les graisses à côté de l’in-

testin. Quelques personnes ont proposé de rejetter

l’usage de la tente dans le rectum ; mais l’expérience a montré qu’il s’en étoit suivi un retrécissement de l’anus, fort incommode aux malades qui sont obligés de faire ensuite beaucoup d’efforts pour rendre les matieres par une ouverture trop étroite.

Je placerai ici quelques réflexions sur le traitement des abcès considérables qui se forment à la marge de l’anus, soit que la fistule les ait produits, ou qu’ils la précedent. On doit les ouvrir comme de simples abcès. Quelques praticiens sont dans l’usage d’emporter une portion du rectum, après avoir évacué le pus ; à quoi l’on n’est autorisé que dans le cas de pourriture à l’intestin. D’autres qui pensent plus sensément sur les avantages de la conservation des parties, se contentent de fendre l’intestin, & ils croyent que cela est nécessaire pour procurer sa réunion avec les parties voisines. Cependant l’expérience montre qu’on pourroit guérir radicalement quelques malades par la seule ouverture de l’abcès, quoiqu’il y eût fistule à l’intestin. Que risque-t-on à chercher la guérison par cette voie ? C’est une tentative dont les malades doivent nous savoir gré, puisqu’elle a pour objet de leur épargner de la douleur, & d’abréger considérablement la cure. Mais si à la suite de ce traitement il restoit un sinus fistuleux, ce qui arrive dans le plus grand nombre de cas, il faudroit en faire l’ouverture : & ce seroit une seconde opération ; mais on ne risque pas alors de faire une plus grande déperdition de substance qu’il n’est nécessaire : ce qu’il n’est pas possible d’éviter lorsqu’on incise l’intestin immédiatement après l’ouverture de l’abcès. En effet l’intestin étant plus ou moins à découvert selon l’étendue & la profondeur du foyer de l’abcès, étendue qui est relative à la quantité de la matiere contenue dans la tumeur, l’orifice de la fistule peut être fort près de la marge de l’anus, quoique la dénudation de l’intestin s’étende fort haut. Dans ce cas en fendant l’intestin depuis le fond de l’abcès, on y fait inutilement une grande incision ; & une grande incision faite sans utilité, peut être regardée comme nuisible. De plus on pourroit dans les grandes dilacérations, emporter une assez grande portion de l’intestin, & laisser précisément celle où seroit le point fistuleux ; ce qui par la suite donneroit lieu à ce qu’on appelle mal-à-propos la réproduction de la maladie, puisqu’elle n’auroit pas été détruite. Combien n’y a-t-il pas de personnes qui disent qu’elles ont été manquées de l’opération de la fistule ? L’expression est bonne, puisqu’elles ont souffert une opération douloureuse sans aucun fruit. Si au contraire on se contentoit de faire simplement l’ouverture de l’abcès, l’incision de la fistule deviendroit, après le récollement des dilacérations faites par la formation du pus, une opération de petite conséquence en elle-même, & en la comparant à la grandeur de celle dans laquelle l’intestin seroit incisé dans toute l’étendue du foyer de l’abcès. Il y a encore quelques autres raisons de préférence pour cette méthode, telles que d’éviter des hémorrhagies qui ont souvent lieu dans les incisions profondes ; & dans ce cas, la nécessité d’un tamponnement retient des matieres purulentes dans quelques vuides ou clapiers qui peuvent échapper à la diligence de l’opérateur, la résorption s’en fait ; de-là des fievres colliquatives, des cours de ventre, & autres accidens qui mettent la vie du malade en danger. M. Foubert se propose d’exposer cette doctrine dans le troisieme volume des mémoires de l’académie royale de Chirurgie. J’en ai donné le précis, parce que je suis persuadé par ma propre expérience, de l’utilité des préceptes dont je viens de faire mention. (Y)

Fistule. (Manége, Maréchall.) En adoptant la définition que les auteurs qui ont écrit sur la medecine du corps humain, nous donnent du terme de fis-