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d’où s’ensuivent des dépôts funestes dans la substance de cet organe, des engorgemens inflammatoires, qui ont beaucoup de penchant à se terminer par la gangrene ; ou ils tournent en skirrhe, qui devient aisément carcinomateux ; ou ils forment des abcès, des ulceres, des chancres, qui sont une source de maux, de douleurs violentes & durables, que la mort seule peut tarir ; ou il se fait des métastases sur des parties éloignées, sur les poumons, par exemple, d’où peut suivre la phthisie ; sur le foie, d’où peuvent succéder des suppurations sourdes de ce viscere ; sur les reins, d’où peut s’ensuivre, selon l’observation de Baillon (Ballonii opera, lib. I. consil. 59.) un diabete des plus funestes.

Ainsi il ne faut user d’astringens qu’avec beaucoup de prudence ; & en général, cette condition est très-nécessaire dans l’administration des remedes, pour la cure des fleurs blanches : de quelque qualité que soit le vice qui les cause, il est toûjours très difficile à détruire, à cause de la structure, de la situation particuliere de l’organe qui est affecté, de la nature des humeurs qui y sont distribuées, & de la lenteur respective du cours de ces humeurs : il faut donc, pour l’honneur de l’art & de celui qui l’exerce, & pour préparer à tout évenement les personnes affectées de cette maladie, se bien garder de faire espérer une sûre, & encore moins une prompte guérison. Voyez Matrice, (maladies de la) (d)

Fleurs-de-lis, s. m. pl. (Blason.) armes des rois de France : personne n’ignore qu’ils portent d’azur à trois fleurs-de-lis d’or.

Les fleurs-de-lis étoient déjà employées pour ornement à la couronne des rois de France, du tems de la seconde race, & même de la premiere : on en voit la preuve dans l’abbaye de S. Germain des Prés, au tombeau de la reine Frédegonde, dont la couronne est terminée par de véritables fleurs-de-lis, & le sceptre par un lys champêtre. Ce tombeau, qui est de marqueterie, parsemé de filigrame de laiton, paroît original ; outre qu’il n’y a point d’apparence qu’on eût pensé à orner de la sorte le tombeau de cette reine long-tems après sa mort, puisqu’elle a si peu mérité cet honneur pendant sa vie.

Pour ce qui est de la seconde race, on trouve plusieurs portraits de Charles-le-Chauve, dans les livres écrits de son vivant, avec de vraies fleurs-de-lis à sa couronne ; quelques-uns de ces manuscrits se gardent dans la bibliotheque du Roi, comme aussi dans celle de M. Colbert qui y est jointe ; & l’on en peut voir les figures dans le second tome des capitulaires de M. Baluze.

Mais comme les rois de France n’ont point eu d’armes avant le douzieme siecle, les fleurs-de-lis n’ont pû y être employées qu’après ce tems-là. Philippe-Auguste est le premier qui s’est servi d’une fleur-de-lis seule au contre-scel de ses chartes ; ensuite Louis VIII. & S. Louis imiterent son exemple : après eux, on mit dans l’écu des armes des rois de France, des fleurs-de-lis sans nombre ; & enfin elles ont été réduites à trois, sous le regne de Charles VII.

Voilà le sentiment le plus vraissemblable sur l’époque à laquelle nos rois prirent les fleurs-de-lis dans leurs armes ; & c’est l’opinion du P. Mabillon. M. de Ste Marthe, fils & neveu des freres de Ste Marthe, qui ont travaillé avec beaucoup de soin à recueillir nos historiens, & à éclaircir plusieurs points obscurs de notre histoire, pense que la fleur-de-lis a commencé d’être l’unique symbole de nos rois sous Louis VII. surnommé le Jeune. L’on voit que son époque n’est pas bien éloignée de celle du P. Mabillon. Quant à l’opinion de ceux qui veulent que nos lis ayent été dans leur origine le bout d’une espece de hache d’armes appellée francisque, à cause de quelque rapport qui se trouve entre ces deux choses ; cet-

te opinion n’est étayée d’aucune preuve solide. Nous

pourrions citer plusieurs autres conjectures qui ne sont pas mieux établies ; mais nous nous arrêterons seulement à celle de Jacques Chifflet, à cause des partisans qu’elle s’est acquise.

Dans la découverte faite à Tournay en 1653, du tombeau de Childeric I. on y trouva l’anneau de ce prince, environ cent médailles d’or des premiers empereurs romains, 200 autres médailles d’argent toutes rouillées, un javelot, un graphium avec son stilet, & des tablettes ; le tout garni d’or : une figure en or d’une tête de bœuf avec un globe de crystal, & des abeilles aussi toutes d’or au nombre de trois cents & plus. Cette riche dépouille fut donnée à l’archiduc Léopold, qui étoit pour lors gouverneur des Pays-Bas ; & après sa mort, Jean-Philippe de Schonborn, électeur de Cologne, fit présent à Louis XIV. en 1665, de ces précieux restes du tombeau d’un de ses prédécesseurs : on les garde à la bibliotheque du Roi.

M. Chifflet prétend donc prouver par ce monument, que les premieres armes de nos rois étoient des abeilles, & que des peintres & des sculpteurs mal habiles ayant voulu les représenter, y avoient si mal réussi, qu’elles devinrent nos fleurs-de-lis, lorsque dans le douzieme siecle la France & les autres états de la chrétienté prirent des armes blasonnées : mais cette conjecture nous paroît plus imaginaire que fondée ; parce que, suivant toute apparence, les abeilles de grandeur naturelle & d’or massif, trouvées dans le tombeau de Childeric I. n’étoient qu’un symbole de ce prince, & non pas ses armes. Ainsi dans la découverte qu’on a faite en 1646 du tombeau de Childéric II. en travaillant à l’église de S. Germain des Prés, on trouva quantité de figures du serpent à deux têtes, appellé par les Grecs amphisbène, lesquelles figures étoient sans doute également le symbole de Childeric II. comme les abeilles l’étoient de Childeric I.

Au surplus, Chifflet, dans son ouvrage à ce sujet intitulé lilium francicum, a eu raison de se mocquer des contes ridicules qu’il avoit lûs dans quelques-uns de nos historiens, sur les fleurs-de-lis. En effet, les trois couronnes, les trois crapauds changés en trois fleurs-de-lis par l’ange qui vint apporter à Clovis l’écusson chargé de ces trois fleurs ; ce qui a engagé les uns à imaginer que les rois de France portoient au commencement de sable à trois crapauds d’or ; les autres, d’or à trois crapauds de sable ; & d’autres enfin, comme Trithème, d’azur à trois grenouilles de sinople ; tout cela, dis-je, ne peut passer que pour des fables puériles qui ne méritent pas d’être réfutées sérieusement. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fleur-de-lisé, Fleuri, Florette, &c. adj. sont des termes de blason, dont on se sert quand les lignes qui terminent les pieces des armoiries, sont contournées en fleurs, en lis, en fleurs-de-lis, &c. ainsi l’on dit : il porte une croix fleur-de-lisée, &c. Voyez les Planches du Blason.

Fleur, (Orig. Géog.) terminaison de plusieurs lieux maritimes de Normandie, Barfleur, Harfleur, Honfleur, &c. noms qui dans les anciens titres sont terminés en flot : en ce cas, cette terminaison vient de fluctus, qui a passé par le saxon ; car fléoten, en cette langue, signifie couler. Flot s’est changé en fleut ; & de fleut est venu fleur, comme du latin flos. Les noms des lieux de Hollande terminés en uliet, ont la même situation & la même origine. Le flévus des anciens est encore de ce genre, & vient de la même souche. Nous ne devons pas oublier d’observer que dans le bas-breton, les lieux dont les noms commencent par les syllabes de pleu & de plou, sont battus des flots de la mer ; & que l’origine de ces syllabes