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poids dans l’autre plat de la balance, jusqu’à ce qu’elle soit en équilibre ; qu’on débouche ensuite la bouteille, & qu’on la remplisse d’eau, elle l’emportera, & fera baisser l’extrémité de la balance où elle est attachée.

Il suit de cette pesanteur que les surfaces des fluides qui sont en repos, sont planes & paralleles à l’horison, ou plûtôt que ce sont des segmens de sphere qui ont le même centre que la terre. Car comme on suppose que les parties des fluides cedent à la moindre force, elles seront mûes par leur pesanteur, jusqu’à ce qu’aucune d’elles ne puisse plus descendre, & quand elles seront parvenues à cet état, le fluide demeurera en repos, à moins qu’il ne soit mis en mouvement par quelque cause extérieure : or il faut pour établir ce repos, que la surface du fluide se dispose comme nous venons de le dire. En effet lorsqu’un corps fluide est disposé de maniere que tous les points de sa surface forment un segment de sphere concentrique à la terre, chaque particule est pressée perpendiculairement à la surface, & n’ayant pas plus de tendance à couler vers un côté que vers un autre, elle doit rester en repos.

II. Si un corps est plongé dans un fluide en tout ou en partie, sa surface intérieure sera pressée de bas en haut par l’eau qui sera au-dessous.

On se convaincra de cette pression des fluides sur la surface inférieure des corps qui y sont plongés, en examinant pourquoi les corps spécifiquement plus legers que les fluides, s’élevent à leur surface : cela vient évidemment de ce qu’il y a une plus forte pression sur la surface inférieure du corps que sur sa surface supérieure, c’est-à-dire de ce que le corps est poussé en en-haut avec plus de force qu’il ne l’est en em-bas par sa pesanteur : en effet le corps qui tend à s’élever à la surface, est continuellement pressé par deux colonnes de fluide ; savoir, par une qui agit sur sa partie supérieure, & par une seconde qui agit sur sa partie inférieure. La longueur de ces deux colonnes devant être prise depuis la surface supérieure du fluide, celle qui presse la surface inférieure du corps sera plus longue de toute l’épaisseur du corps, & par conséquent le corps sera poussé en en-haut par le fluide avec une force égale au poids de la quantité de fluide qui seroit contenue dans l’espace que le corps occupe. Donc, si le fluide est plus pesant que le corps, cette derniere force qui tend à pousser le corps en en-haut, l’emportera sur la force de la pesanteur du corps qui tend à le faire descendre, & le corps montera. Voyez Pesanteur spécifique.

Par-là on rend raison pourquoi de très-petits corpuscules, soit qu’ils soient plus pesans ou plus legers que le fluide dans lequel ils sont mêlés, s’y soûtiendront pendant fort long-tems sans qu’ils s’élevent à la surface du fluide, ni sans qu’ils se précipitent au fond. C’est que la différence qui se trouve entre ces deux colonnes est insensible, & que la force qui tend à faire monter le corpuscule, n’est pas assez grande pour surmonter la résistance que font les parties du fluide à leur division.

III. La pression des parties supérieures qui se fait sur celles qui sont au-dessous, s’exerce également de tous côtés, & suivant toutes les directions imaginables, latéralement, horisontalement, obliquement, & perpendiculairement. C’est une vérité d’expérience bien établie par M. Pascal dans son traité de l’équilibre des liqueurs. Voyez la suite de cet article, où cette loi sera developpée : nous ne pouvons la prouver qu’après en avoir déduit les conséquences ; car ce sont ces conséquences qu’on démontre par l’expérience, & qui assûrent de la vérité du principe.

Toutes les parties des fluides étant ainsi également pressées de tous côtés, il s’ensuit, 1°. qu’elles

doivent être en repos, & non pas dans un mouvement continuel, comme quelques philosophes l’ont supposé : 2°. qu’un corps étant plongé dans un fluide en est pressé latéralement, & que cette pression est en raison de la distance de la surface du fluide au corps plongé : cette pression latérale s’exerce toûjours suivant une ligne perpendiculaire à la surface du fluide ; ainsi elle est toujours la même à même hauteur du fluide, soit que la colonne de fluide soit oblique ou non à la surface du corps.

IV. Dans les tubes qui communiquent ensemble, quelle que soit leur grandeur, soit qu’elle soit égale ou inégale, & quelle que soit leur forme, soit qu’elle soit droite, angulaire ou recourbée, un même fluide s’y élevera à la même hauteur, & réciproquement.

V. Si un fluide s’eleve à la même hauteur dans deux tuyaux qui communiquent ensemble, le fluide qui est dans un des tuyaux, est en équilibre avec le fluide qui est dans l’autre.

Car, 1°. si les tuyaux sont de même diametre, & que les colonnes des fluides ayent la même base & la même hauteur, elles seront égales ; conséquemment leurs pesanteurs seront aussi égales, & aussi elles agiront l’une sur l’autre avec des forces égales : 2°. si les tuyaux sont inégaux en base & en diametre, supposons que la base de GI (Pl. d’Hydrodyn. fig. 6.) soit quadruple de la base de HK, & que le fluide descende dans le plus large tuyau de la hauteur d’un pouce, comme de L en O, il s’élevera donc de quatre pouces dans l’autre tuyau, comme de M en N. Donc la vîtesse du fluide qui se meut dans le tuyau HK, est à celle du fluide qui se meut dans le tuyau GI, comme la base du tuyau GI est à la base du tuyau HK. Mais puisqu’on suppose que la hauteur des fluides est la même dans les deux tuyaux, la quantité de fluide qui est dans le tuyau GI, sera à celle qui est dans le tuyau HK, comme la base du tuyau GI est à la base du tuyau HK : conséquemment les quantités de mouvement de part & d’autre sont égales, puisque les vîtesses sont en raison inverse des masses. Donc il y aura équilibre. Cette démonstration est assez semblable à celle que plusieurs auteurs ont donnée de l’équilibre dans le levier. Sur quoi voyez Levier, & la suite de cet article.

On démontre aisément la même vérité sur deux tubes, dont l’un est incliné, l’autre perpendiculaire. Il suit encore de-là que si des tubes se communiquent, le fluide pesera davantage dans celui où il sera plus élevé.

VI. Dans les tubes qui communiquent, des fluides de différentes pesanteurs spécifiques seront en équilibre si leurs hauteurs sont en raison inverse de leurs pesanteurs spécifiques.

Nous tirons de-là un moyen de déterminer la gravité spécifique des fluides ; savoir, en mettant un fluide dans un des tuyaux qui se communiquent comme (A B, fig. 7.) & un autre fluide dans l’autre tuyau CD, & en mesurant les hauteurs BG, HD, auxquelles les fluides s’arrêteront quand ils se seront mis en équilibre ; car la pesanteur spécifique du fluide contenu dans le tuyau AB, est à la pesanteur spécifique du fluide du tuyau DC, comme DH est à BG. (Si on craint que les fluides ne se mêlent, on peut remplir la partie horisontale du tuyau BD avec du mercure, pour empêcher le mélange des liqueurs).

Puisque les densités des fluides sont comme leurs pesanteurs spécifiques, leurs densités seront aussi comme les hauteurs des fluides D H & BG. Ainsi nous pouvons encore tirer de-là une méthode pour déterminer les densités des fluides. Voyez Densité.

VII. Les fonds & les côtés des vaisseaux sont pressés de la même maniere, & par la même loi que les fluides qu’ils contiennent. C’est une suite de la premiere & de la seconde loi ci-dessus.