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posent ces académiciens. Ils s’assemblent tous les mois, & font des discours sur des matieres d’érudition. La poésie est exclue de leurs assemblées, parce qu’ils croyent qu’elle détourne l’esprit de la recherche de la vérité. Un grand nombre de savans & de beaux esprits de toute l’Italie, principalement parmi la noblesse, s’est empressé à entrer dans ce corps, dont le nombre est maintenant fixé à cent. Plusieurs étrangers ont desiré d’y être aggrégés. Le célebre Buonarotti fut choisi pour président perpétuel ; cependant ils ont une dignité particuliere qu’ils renouvellent tous les ans sous le nom de Lucumon, qui étoit le titre des chefs des douze anciennes républiques étrusques. Biblioth. italiq. tom. IV. & V. (G)

ETTINGEN, (Géogr. mod.) ville du cercle de Franconie en Allemagne : elle est située sur le Mein.

ETUAILLES, s. f. (Fontaines salantes.) c’est ainsi qu’on appelle des magasins où l’on dépose le sel en grain.

ETUDE, s. f. (Arts & Sciences.) terme générique qui désigne toute occupation à quelque chose qu’on aime avec ardeur ; mais nous prenons ici ce mot dans le sens ordinaire, pour la forte application de l’esprit, soit à plusieurs Sciences en général, soit à quelque-une en particulier.

Je n’encouragerai point les hommes à se dévoüer à l’étude des Sciences, en leur citant les rois & les empereurs qui menoient à côté d’eux dans leurs chars de triomphe, les gens de lettres & les savans. Je ne leur citerai point Phraotès traitant avec Apollonius comme avec son supérieur, Julien descendant de son throne pour aller embrasser le philosophe Maxime, &c. ces exemples sont trop rares & trop singuliers pour en faire un sujet de triomphe : il faut vanter l’étude par elle-même & pour elle-même.

L’étude est par elle-même de toutes les occupations celle qui procure à ceux qui s’y attachent, les plaisirs les plus attrayans, les plus doux & les plus honnêtes de la vie ; plaisirs uniques, propres en tout tems, à tout âge & en tous lieux. Les lettres, dit l’homme du monde qui en a le mieux connu la valeur, n’embarrassent jamais dans la vie ; elles forment la jeunesse, servent dans l’âge mûr, & réjoüissent dans la vieillesse ; elles consolent dans l’adversité, & elles rehaussent le lustre de la fortune dans la prospérité ; elles nous entretiennent la nuit & le jour ; elles nous amusent à la ville, nous occupent à la campagne, & nous délassent dans les voyages : Studia adolescentiam alunt… Cicer. pro Archia.

Elles sont la ressource la plus sûre contre l’ennui, ce mal affreux & indéfinissable, qui dévore les hommes au milieu des dignités & des grandeurs de la cour. Voyez Ennui.

Je fais de l’étude mon divertissement & ma consolation, disoit Pline, & je ne sai rien de si fâcheux qu’elle n’adoucisse. Dans ce trouble que me cause l’indisposition de ma femme, la maladie de mes gens, la mort même de quelques-uns, je ne trouve d’autre remede que l’étude. Véritablement, ajoûte-t-il, elle me fait mieux comprendre toute la grandeur du mal, mais elle me le fait aussi supporter avec moins d’amertume.

Elle orne l’esprit de vérités agréables, utiles ou nécessaires ; elle éleve l’ame par la beauté de la véritable gloire, elle apprend à connoître les hommes tels qu’ils sont, en les faisant voir tels qu’ils ont été, & tels qu’ils devroient être ; elle inspire du zele & de l’amour pour la patrie ; elle nous rend plus humains, plus généreux, plus justes, parce qu’elle nous rend plus éclairés sur nos devoirs, & sur les liens de l’humanité :

C’est par l’étude que nous sommes
Contemporains de tous les hommes,
Et citoyens de tous les lieux.

Enfin c’est elle qui donne à notre siecle les lumieres & les connoissances de tous ceux qui l’ont précédé : semblables à ces vaisseaux destinés aux voyages de long cours, qui semblent nous approcher des pays les plus éloignés, en nous communiquant leurs productions & leurs richesses.

Mais quand l’on ne regarderoit l’étude que comme une oisiveté tranquille, c’est du moins celle qui plaira le plus aux gens d’esprit, & je la nommerois volontiers l’oisiveté laborieuse d’un homme sage. On sait la réponse du duc de Vivonne à Louis XIV. Ce prince lui demandoit un jour à quoi lui servoit de lire : « Sire, lui répondit le duc, qui avoit de l’embonpoint & de belles couleurs, la lecture fait à mon esprit ce que vos perdrix font à mes joues ». S’il se trouve encore aujourd’hui des détracteurs des Sciences, & des censeurs de l’amour pour l’étude, c’est qu’il est facile d’être plaisant, sans avoir raison, & qu’il est beaucoup plus aisé de blâmer ce qui est loüable, que de l’imiter ; cependant, graces au Ciel, nous ne sommes plus dans ces tems barbares où l’on laissoit l’étude à la robe, par mépris pour la robe & pour l’étude.

Il ne faut pas toutefois qu’en chérissant l’étude, nous nous abandonnions aveuglément à l’impétuosité d’apprendre & de connoître ; l’étude a ses regles, aussi-bien que les autres exercices, & elle ne sauroit réussir, si l’on ne s’y conduit avec méthode. Mais il n’est pas possible de donner ici des instructions particulieres à cet égard : le nombre de traités qu’on a publiés sur la direction des études dans chaque science, va presqu’à l’infini ; & s’il y a bien plus de docteurs que de doctes, il se trouve aussi beaucoup plus de maitres qui nous enseignent la méthode d’étudier utilement, qu’il ne se rencontre de gens qui ayent eux-mêmes pratiqué les préceptes qu’ils donnent aux autres. En général, un beau naturel & l’application assidue surmontent les plus grandes difficultés.

Il y a sans doute dans l’étude des élémens de toutes les sciences, des peines & des embarras à vaincre ; mais on en vient à bout avec un peu de tems, de soins & de patience, & pour lors on cueille les roses sans épines. L’on dit qu’on voyoit autrefois dans un temple de l’ile de Scio, une Diane de marbre dont le visage paroissoit triste à ceux qui entroient dans le temple, & gai à ceux qui en sortoient. L’étude fait naturellement ce miracle vrai ou prétendu de l’art. Quelque austere qu’elle nous paroisse dans les commencemens, elle a de tels charmes ensuite, que nous ne nous séparons jamais d’elle sans un sentiment de joie & de satisfaction qu’elle laisse dans notre ame.

Il est vrai que cette joie secrete dont une ame studieuse est touchée, peut se goûter diversement, selon le caractere différent des hommes, & selon l’objet qui les attache ; car il importe beaucoup que l’étude roule sur des sujets capables d’attacher. Il y a des hommes qui passent leur vie à l’étude de choses de si mince valeur, qu’il n’est pas surprenant s’ils n’en recueillent ni gloire ni contentement. César demanda à des étrangers qu’il voyoit passionnés pour des singes, si les femmes de leurs pays n’avoient point d’enfans. L’on peut demander pareillement à ceux qui n’étudient que des bagatelles, s’ils n’ont nulle connoissance de choses qui méritent mieux leur application. Il faut porter la vûe de l’esprit sur des études qui le récréent, l’étendent, & le fortifient, parce qu’elles récompensent tôt ou tard du tems que l’on y a employé.

Une autre chose très-importante, c’est de commencer de bonne-heure d’entrer dans cette noble carriere. Je sai qu’il n’y a point de tems dans la vie auquel il ne soit loüable d’acquérir de la science, com-