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produite par une eau qui d’un réservoir d’une certaine hauteur, a été conduite dans un canal soûterrein & est remontée à une hauteur presque égale à son réservoir. Souvent l’eau des sources qui paroissent sur des croupes ou dans des plaines, peut remonter au-dessus des couches entr’ouvertes qui la produisent. A Modene certains puits coulent par-dessus leurs bords, quoique leurs sources soient à 63 piés de profondeur ; on peut même élever l’eau à 6 piés au-dessus du terrein, par le moyen d’un tuyau. Près de Saint-Omer on perce ainsi des puits, dont l’eau remonte au-dessus du niveau des terres. Tous ces effets supposent des siphons, dont une partie est un conduit naturel depuis les réservoirs jusqu’aux sources : l’autre partie est la capacité cylindrique des puits. En même tems que ces faits rétablissent l’usage des siphons renversés qui communiquent dans une certaine étendue de terrein, l’inspection des premieres couches rend sensible leur existence. On nous objecte que cette communication ne peut s’étendre aux îles de l’Océan, & sur-tout à celles où il ne pleut pas & où l’on trouve des fontaines perpétuelles. Je ne vois pas d’impossibilité que l’eau soit conduite dans quelques-unes de la terre-ferme, par des canaux qui franchissent l’intervalle par-dessous les eaux. Pietro della Valle rapporte que dans les îles Strophades, selon le récit que lui en firent les religieux qui les habitent, il y a une fontaine qui doit tirer ses eaux de la Morée, parce qu’il sort souvent avec l’eau de la source des choses qui ne peuvent venir que de-là : ces îles sont cependant éloignées considérablement de la terre-ferme, & toutes imbibées d’eau. Par rapport aux autres îles, les rosées y sont abondantes, & les pluies dans certains tems de l’année ; ce qui suffit pour fournir à l’entretien des fontaines. Halley remarque qu’à l’île de Sainte-Hélene, le verre de sa lunette se chargeoit d’une lame de rosée très-épaisse, dans un très petit intervalle ; ce qui interrompoit ses observations.

5°. Lorsque les premieres couches de la terre n’admettent point l’eau pluviale, il n’y a point de fontaines à espérer, ou bien l’eau des pluies s’évapore & forme des torrens, ou bien il n’y pleut plus, comme en certains cantons de l’Amérique. Il y a de grands pays où l’eau manque par cette raison, comme dans l’Arabie pétrée, qui est un desert, & dans tous ceux de l’Asie ou de l’Amérique ; les puits sont si rares dans l’Arabie, que l’on n’en compte que cinq depuis le Caire jusqu’au mont Sinaï, & encore l’eau en est-elle amere.

6°. Lorsque les premieres couches admettent les eaux, & qu’il ne se trouve pas des lits d’argille ou de roche propres à les contenir, elles pénetrent fort avant & vont former des nappes d’eau, ou des courans soûterreins. Ceux qui travaillent aux carrieres des pierres blanches près de la ville d’Aire en Artois, trouvent quelquefois des ruisseaux soûterreins qui les obligent d’abandonner leur travail. Il y a des puits dans plusieurs villages des environs d’Aire, au fond & au-travers desquels passent des courans qui coulent avec plus de rapidité que ceux qui sont à la surface de la terre ; on a remarqué qu’ils couloient de l’orient d’été au couchant d’hyver, c’est-à-dire qu’ils se dirigent du continent vers la mer ; ils sont à 100 & 110 piés de profondeur. Journ. de Trév. an. 1703, Mars.

7°. Les secousses violentes des tremblemens de terre sont très-propres à déranger la circulation intérieure des eaux soûterreines. Comme les canaux ne sont capables que d’une certaine résistance, les agitations violentes produisent, ou des inondations particulieres, en comprimant par des soûlevemens rapides les parois des conduits naturels qui voitu-

rent secretement les eaux, & en les exprimant pour

ainsi dire par le jeu alternatif des commotions ; ou bien un abaissement & une diminution dans le produit des sources. Après un tremblement de terre, une fontaine ne recevra plus ses eaux à l’ordinaire, parce que ses canaux sont obstrués par des éboulemens intérieurs ; mais l’eau refoulée se porte vers les parties des couches entr’ouvertes, & y forme une nouvelle fontaine. Ainsi nous voyons (Hist. de l’ac. ann. 1704.) qu’une eau soufrée qui étoit sur le chemin de Rome à Tivoli, baissa de deux piés & demi en conséquence d’un tremblement de terre. En plusieurs endroits de la plaine appellée la Testine, il y avoit des sources d’eau qui formoient des marais impraticables : tout fut séché, & à la place des anciennes sources, il en sortit de nouvelles à environ une lieue des premieres ; & dans le dernier tremblement de terre de 1755 & 1756, nous avons été témoins de ces effets en plusieurs endroits. Voyez Tremblement de Terre. Si les eaux se trouvent entre des couches de sable rouge, ou bien entre des marnes ou d’autres matieres colorées, les eaux des sources salies & imprégnées de ces corps étrangers qu’elles entraînent, changent de couleur très-naturellement : mais le peuple effrayé voit couler du sang ou du lait ; parce que dans cet état de commotion qui se communique de la terre aux esprits, rien ne doit paroître que sous les idées accessoires les plus terribles, & un rien aide l’imagination à réaliser les chimeres les plus extravagantes.

Singularités des fontaines. On peut considérer les singularités des fontaines sous deux points de vûe généraux ; par rapport à leur écoulement, & par rapport aux propriétés & aux qualités particulieres du fluide qu’elles produisent.

Quant à ce qui concerne ce dernier objet, voyez Hydrologie, où cette matiere sera discutée. Nous allons traiter ici de ce qui regarde les variations régulieres ou irrégulieres de l’écoulement des fontaines. En les considérant ainsi, les fontaines peuvent être divisées en trois classes : les uniformes, les intermittentes, & les intercalaires.

Les uniformes ont un cours soûtenu, égal & continuel, & produisent du-moins dans certaines saisons la même quantité d’eau.

Les intermittentes sont celles dont l’écoulement cesse, & reparoît à différentes reprises en un certain tems. Les anciens les ont connues. Voyez Pline, lib. II. cap. 103.

Les intercalaires sont celles dont l’écoulement sans cesser entierement, éprouve des retours d’augmentation & de diminution qui se succedent après un tems plus ou moins considérable.

Les fontaines des deux dernieres classes se nomment en général périodiques. Dans les intermittentes la période se compte du commencement d’un écoulement ou d’un flux, à celui qui lui succece ; de sorte qu’elle comprend le tems du flux & celui de l’intermission. La période des intercalaires est renfermée dans l’intervalle qu’il y a entre chaque retour d’augmentation, que l’on nomme accès : ensorte qu’elle comprend la durée de l’accès & le repos ou l’intercalaison dans laquelle l’écoulement parvient quelquefois à une uniformité passagere. Quelquefois aussi on n’y remarque aucun repos ou intercalaison, mais leur cours n’est proprement qu’une augmentation & une diminution successive d’eau.

Si l’interruption dure trois, six ou neuf mois de l’année, les fontaines qui l’éprouvent se nomment temporaires (temporales ou temporariæ) & en particulier maïales (majales), lorsque leur écoulement commence aux premieres chaleurs, vers le mois de Mai, à la fonte des neiges, & qu’il finit en automne.

Les fontaines véritablement intermittentes qui ont