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y entrer : une poche peut porter quarante à cinquante livres de métal. Le bouchage ne se perce que les fêtes & dimanches, jours de repos pour les sableurs : on coule alors des gueuses qui se portent à la forge avec les coulées, les bavûres, les pieces manquées.

On fait des marmites de toute sorte d’échantillon, de deux livres communément jusqu’à trente, des chaudieres jusqu’à cinquante : on fait même, dans le besoin, de plus grosses pieces. Le poids est ordinairement marqué sur la piece, & leur nom vient de-là ; on dit, des marmites de quatre, de dix, &c. Les modeles se font d’étain, pour être coulés en cuivre ou fonte : l’étain, à cause de son peu de fermeté, ne convient que pour tirer d’autres modeles.

Les tuyaux ordinaires pour les eaux, se moulent en deux parties de chassis rapprochées, dans lesquelles on a renferme le noyau de terre monté sur la broche.

Les boulets se moulent dans deux coquilles ; les coquilles se font de fonte : chaque coquille est creuse de l’étendue de la moitié du boulet ; en les rapprochant, elles forment le boulet entier. On place les coquilles entre deux madriers : on les serre à force de coins, la coulée en en-haut, & on en coule tant qu’il y a de la fonte dans l’ouvrage.

Au sortir du chassis, on casse la coulée & les bavures des pieces montées ; on en ôte le sable, en passant dessus les nappes 8, 9, qui sont des morceaux de fonte coulés avec des entai les pour enlever le sable, qu’on appelle le blanc, servant à saupoudrer : on acheve de les perfectionner avec des marteaux à chapeler, des rapes plus fines, du grais, &c. La grande attention pour les pieces considérables, est de ménager des soupiraux, pour que l’air puisse s’échapper quand on les coule ; les ouvriers sont payés à la piece, tant par douzaine de chaque échantillon, quelquefois au poids.

Les droits du roi se payent comme par fonte en gueuse dans les pays de marque, ou à la sortie de la province.

On a vû en France une manufacture qui avoit poussé la solidité, la précision, & l’ornement jusqu’à couler des balcons, des rampes d’escalier, des lustres, des bras, des feux, &c. & au moyen du recuit, à mettre ces ouvrages en état d’être recherchés avec netteté, & polis au dernier brillant. Cette manufacture n’a pas eu toute la satisfaction qu’elle méritoit, parce qu’elle ôtoit tout-d’un-coup le crédit aux ouvrages de fer, de cuivre, de bronze, extrèmement coûteux : c’est ce qui m’a été raconté par un des intéressés à cette manufacture, actuellement vivant, & qui m’a ajoûté que le prétexte qui en a imposé au public, a été le manque de solidité ; pendant qu’à l’épreuve, deux balcons ont soûtenu la pesanteur de deux milliers à laquelle ils servoient de point d’appui, à douze piés l’un de l’autre ; & pendant que nous voyons une enclume de forge essuyer pendant dix ans les coups d’un marteau de onze à douze cents pesant, au milieu de l’eau & du feu. Je conviens qu’il faut des fontes nerveuses : mais puisqu’il y en a des minieres dans le royaume, le public n’a-t-il pas perdu au discrédit d’une manufacture peu coûteuse ? c’est ce qu’a bien senti M. de Réaumur, qui, dans son art d’adoucir le fer fondu, dit, parlant de cet établissement, qu’un particulier a eu en France quelque chose de fort approchant du véritable secret d’adoucir du fer fondu qui a été jetté en moule ; qu’il entreprit d’en faire des établissemens à Cosne & au faubourg S. Marceau à Paris ; qu’il rassembla une compagnie qui fit des avances considérables ; qu’il fit exécuter quelques beaux modeles, qui furent ensuite jettés en fer ; qu’il y eut divers ouvrages de fer fondu adouci ; que cependant l’entreprise échoüa ; &

que l’entrepreneur disparut sans avoir laissé son secret.

M de Réaumur ajoûte qu’il a trouvé ce secret, & en fait part au public. Mouler le fer avec précision & ornement, étoit une partie connue ; l’adoucir pour le rechercher & polir, est un bien recouvré par son travail.

Sans nous jetter dans tout le détail des fontes convenables à ces ouvrages, nous nous en tiendrons aux fontes vives & provenant d’une mine qui donne du nerf. Pour la fusion, si on n’a pas recours aux fourneaux ordinaires, on peut la faire, ainsi que le détaille M. de Réaumur, dans de plus petits fourneaux, même dans des poches, comme quelques coureurs en usent pour empoisonner certaines provinces de fontes à giboyer. Le grand secret est de faire recuire les pieces sans évaporation dans des creusets bien clos, avec une partie de poussiere, de charbon, & deux parties d’os calcinés.

Une pareille manufacture peut remplacer toutes les pieces qui demandent des sommes immenses pour être coulées en cuivre ou en bronze ; des grilles, des balcons, des rampes ornées de fleurons & feuillages, des garnitures de portes cocheres, des feux pour les cheminées, des palastres de serrure avec ornemens, platines, targettes, verroux, fiches, gardes d’épées, boucles de souliers, de ceintures, des étuis, des clés de montre, des crochets : l’Eperonnerie, l’Arquebuserie trouveront aussi dans cette manufacture des avantages considérables ; elle sera même utile au roi pour les canons. Ces avantages infinis sont tirés de l’art d’adoucir le fer, de M. de Réaumur, où on peut les voir exposés d’une maniere plus brillante.

Art. X. Des forges. L’attelier pour convertir les fontes en gueuse, en fer, se nomme forge, dont les parties sont les cheminées & équipage du marteau ; le tout renfermé dans un bâtiment spacieux, proche la halle à charbon, le logement des ouvriers, l’empalement du travail, & sur le bord des coursiers.

Les cheminées sont appellées chaufferies, affineries, ou renardieres, suivant l’espece de travail, construites de differentes formes, quarrées, rondes, plus ou moins spacieuses & hautes, sans que dans ces différentes dimensions on ait consulté que la fantaisie.

Les cheminées en général doivent être solidement fondées sur le bord d’un coursier qui donnera le mouvement à la roue qui fera marcher les soufflets ; elles seront toûjours bien quand elles auront six piés quarrés dans œuvre sur le sol, finissant en pyramide, dont le dans-œuvre de l’ouverture du dessus, aura vingt pouces en quarré ; la mâçonnerie de vingt pouces d’épaisseur, si c’est en pierre ; & de quinze, si c’est en brique, à compter du dessus des piliers ; ces piliers s’établissent sur le sol, pour laisser un espace vuide convenable au travail : l’espace du devant sera de toute la longueur du dans-œuvre, du côté des soufflets ; deux piés & demi en quarré, pour loger commodément la thuyére, à compter depuis la mâçonnerie qui doit porter les beuses ou bures des soufflets, sous laquelle on a logé un tuyau de fer pour rafraîchir le dessous du fond de l’ouvrage : du côté du courant l’ouverture sera de quinze ou dix-huit pouces en quarré, pour que les gueuses puissent entrer & être mûes librement, & du côté opposé à la thuyere, d’une hauteur & largeur convenable pour entrer aisément dans la cheminée. Cette partie, ainsi que celle sur l’eau, seront terminées par des ceintres en pierre ou brique, ou des marastres, que nous avons dit être des plaques de fonte. Le devant & le côté de la thuyere seront nécessairement renforcés chacun de deux marastres, à deux piés environ de distance l’une de l’autre : le devant sera encore garni d’une troisieme marastre, qui sera à quinze ou dix huit pouces d’élévation du côté du pilier de la thuyere, & trois