Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trevent, & se mêlent & travaillent avec les parties de la gueuse en dissolution.

On employe de même les vieilles ferrailles, abandonnant celles où on a employé du cuivre ; les morceaux de fontes ou fers tirés des scories par les boccards ; la vieille poterie, &c.

Forger le fer est quand il est chaud le porter entre l’enclume & le marteau dans leur sens étroit ; le remuer & tourner à-propos pour le souder ; ramasser, alonger & le mettre à-peu-près de l’échantillon qu’on veut donner à la barre. Le parer est placer ce même fer ainsi battu, sur la longueur des aires de l’enclume & du marteau, en commençant par l’extrémité ; ce qui abat les inégalités & les empreintes du marteau. En retour on acheve de le polir, en y jettant de l’eau.

Les fers doivent être bien travaillés, également battus, sans pailles ; ce qui dépend du degré de chaleur, de la justesse du marteau & de l’enclume, & de l’adresse des ouvriers. Quand il reste quelques pailles, le goujat les coupe avec l’acherot, & le marteau en efface les marques. Le fer en forgeant se couvre d’une espece de peau, provenant des matieres que le coup du marteau en fait sortir. L’eau jettée sur le fer quand on le pare, fait sauter avec éclat cette sueur & les petites pailles.

Quand dans une piece il se trouve quelque corps étranger d’enfermé, le fer se crevasse & ne soudra jamais : alors si vous prévoyez qu’une chaude donnée à cet endroit ne puisse fondre ce corps ; quand la barre d’ailleurs sera finie, vous la coupez à cet endroit & chauffez les deux bouts, les rengraissant d’un peu de fer dans le foyer, les appliquant l’un sur l’autre sous le marteau ; la soudure est faite au premier coup ; vous achevez de battre & parer. Il ne faut faire cette opération que quand le fer du foyer est travaillé. On en fait de même pour ajoûter du fer nouveau à un ringard, &c.

Les fers se distinguent en fers fins, channins, & cassans. Les especes intermédiaires sont appellées fers bâtards. Les fers se fabriquent en marchands, de fanderie, de batterie ; les marchands sont en lames, en barreaux. Les lames sont depuis 14 à 15 lignes de largeur, jusqu’à 40 & 45 ; de 15 à 20 lignes s’appellent petits fers ; de 20 à 30, fers larges ; de 30 & au-delà, petits & grands larges. Les barreaux ordinaires sont depuis 9 lignes jusqu’à 12. On en peut faire jusqu’à 4 pouces d’épaisseur ; mais passé deux pouces, c’est un prix différent du courant. On fait aussi des demi-barreaux, qu’on appelle mi-plats. Les barreaux au-dessous de neuf lignes, & les barres au-dessous de 15, se battent au martinet, dont on donnera un petit détail à la fin de cet article.

Les fers de fenderie se fabriquent de 25 à 30 lignes de largeur, sur 6 à 9 lignes d’épaisseur, & se transportent aussi dans les fenderies.

Ceux des batteries se divisent en barres & souchons ; les barres sont d’un pouce sur un & demi ; les souchons d’un pouce & demi sur quatre.

Le déchet ordinaire de la fonte réduite en fer, est au moins d’un tiers, quinze cents de fonte pour un mille de fer. Le poids diminuant au prorata du nombre des chaudes & des coups de marteau, il n’est pas étonnant que la diminution soit plus grande dans les fers marchands, que dans les autres. Une piece pour être mise en barre de fer marchand, se bat à quatre ou cinq chaudes, en fenderie & batterie à trois chaudes, en souchons à deux ; ainsi quelquefois il faudra plus de 1500 de fonte au fer marchand, & moins aux autres especes. Le poids de forge est de quarante livres par mille.

Les fers fins que fournissent plus abondamment le Berri & la Comté, sont spécialement destinés pour la marine & les armes ; les fers approchant du fin,

se fondent pour les clous des chevaux ; les cassans, pour les clous à ardoise.

Les fers fins composés de beaucoup de nerfs longs, forts & déliés, se battent & polissent bien ; ceux qui s’en éloignent, ayant les nerfs plus gros & moins longs, sont sujets à être pailleux ; les cassans ne sont point sujets aux pailles, étant composés de molécules qui se prêtent & s’arrangent suivant les coups de marteau.

Le grand débit des fers se fait à Paris & à Lyon, d’où ils se distribuent aux autres provinces. Lyon fournit les manufactures de Saint Etienne & la foire de Beaucaire.

La France étant fournie de manufactures de fer bien au-delà de sa consommation, & comme il est vrai d’ailleurs que la multiplicité des forges est une des causes de la diminution des bois de chauffage & d’autres services ; cette diminution étant la cause de leur cherté, & relativement de celle du fer, ne seroit-ce pas rendre service au public de faire détruire les usines qui n’ont point d’affoüages par elles-mêmes, puisque c’est un moyen d’épargner les bois, de le vendre à un moindre prix, & conséquemment le fer ? Quelques propriétaires de forges pourroient perdre à cet arrangement. Ceux qui pensent bien, sacrifieroient volontiers une petite partie de leur revenu en faveur du public : il ne faut guere s’inquiéter de ceux qui pensent mal.

Des martinets. Les martinets sont composés d’un foyer & d’un ou plusieurs marteaux mis en mouvement par l’eau.

Le foyer d’un martinet est élevé pour l’aisance de l’ouvrier ; l’aire est de terre battue comme un foyer d’une forge de maréchal ; le devant garni d’une grande taque, sous laquelle on place en pente un chio, dont le trou est à fleur du foyer ; la thuyere est aussi à fleur du foyer. Il n’y a qu’un soufflet double de cuir ou de bois, pour communiquer le vent ; le soufflet est mis en mouvement par ses cammes ou une manivelle, répondant de l’arbre au soufflet par des leviers multipliés, ce qui fait lever le soufflet ; il est rabaissé par un contre-poids. Devant le foyer il y a un chevalet de bois pour soûtenir le bout des bandes.

Le marteau pese depuis 50 jusqu’à 150 livres. La hurasse est au tiers du manche. Les branches de la hurasse sont d’égale longueur. Les boîtes sont dans de fortes jumelles de bois, arrêtées en-dessous dans un fort chassis & au-dessus, par une traverse. L’ouverture pour placer les boîtes est à jour, & elles se montent, baissent, reculent, ou avancent par des coins qu’on chasse en-dehors. L’arbre du martinet doit être le plus gros qu’il est possible, pour y loger beaucoup de cammes, qui doivent répondre à la queue du manche. Quand une camme vient à appuyer sur sa queue, le marteau leve ; pour qu’il soit leve & rabaissé également, sous la queue on place une taque de fonte à assez de distance pour laisser échapper la camme. Cette taque renvoye le manche ; il est rabaissé par une autre camme, &c. L’arbre peut porter de douze jusqu’à vingt cammes, & conséquemment dans un tour, le marteau frappera de douze jusqu’à vingt coups. Un même arbre peut faire marcher plusieurs martinets. Le marteau est de fer ; l’enclume est aussi un morceau de fer enchâssé dans un bloc de fonte servant de stoc, dans lequel elle est serrée par des coins. L’enclume & le marteau se dressent à la lime. L’objet du martinet est d’étirer le fer de forges, & de le réduire en plus petits volumes, bien dresse & poli pour différens ouvrages de serrurerie. Pour servir un martinet, il faut deux ou quatre ouvriers ; ordinairement ils ne sont que deux, le martineur & le chauffeur. On coupe le fer de forge de deux à trois piés de longueur ; on en met dix, douze morceaux à la-fois au feu : on commence par faire chauffer le mi-