Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leles, à la distance qui doit être entre le côté extérieur & l’intérieur, construire la fortification en-dedans sur ces paralleles ; & après avoir calculé & trouvé la grandeur de toutes ses parties & de ses angles, il est aisé ensuite de construire la fortification sur le côté intérieur. Voyez chacune de ces constructions à la suite du mot Fortification, dans les systèmes du chevalier de Ville, de Pagan, de Vauban, de Mallet, &c.

Si la place qu’on veut fortifier est irréguliere, & que les côtés intérieurs soient donnés de grandeur & de position, ou si elle a une vieille enceinte sur laquelle on doit prendre les courtines, il est fort difficile alors de parvenir par la fortification du polygone extérieur, à avoir pour côtés intérieurs les côtés de l’enceinte : car dans les polygones irréguliers, la distance du côté intérieur à l’extérieur n’est pas la même pour tous les côtés, comme dans les réguliers ; l’inégalité des angles du polygone rend cette distance plus ou moins grande, suivant les variations de ces angles : c’est pourquoi si l’on mene des paralleles aux côtés intérieurs & à la distance qui leur convient à chacun, la grandeur de ces paralleles ne répondra point à celle des côtés intérieurs correspondans ; ses paralleles qui seront les moins éloignés des côtés intérieurs, s’étendront sur celles qui le seront davantage, & elles en diminueront la grandeur. Mais comme les plus proches des côtés intérieurs se trouveront opposés aux plus petits de ces côtés, les côtés extérieurs qu’elles produiront se proportionneront en quelque maniere les uns & les autres, parce que les plus grands seront diminués par la rencontre des petits. C’est par cette espece de compensation de côtés, que quelques auteurs croyent qu’il est plus avantageux de fortifier par le polygone extérieur, que par l’intérieur. Mais ces auteurs n’ont pas fait attention que par cette méthode les courtines du polygone extérieur ne tombent pas toûjours sur les côtés de l’intérieur ; ce qui est un grand inconvénient, lorsque la ville a une enceinte sur laquelle on veut prendre les courtines.

Dans la pratique des fortifications, on peut lorsque les places n’ont point d’enceinte déterminée, se servir du polygone extérieur pour la trace de la ligne magistrale ; mais on doit préférer la méthode de tracer cette ligne par le polygone intérieur, s’il faut prendre nécessairement les courtines sur les côtés de l’enceinte. Voyez, dans la troisieme édition des élémens de fortification, l’examen du traité de la fortification par le polygone extérieur & par l’intérieur. (Q)

FORTIN, s. m. diminutif du mot fort. Un fortin est un petit fort fait à la hâte, pour défendre un passage ou un poste. On s’en servoit beaucoup autrefois dans les lignes de circonvallation ; mais on leur a substitué les redoutes, qui sont plus faciles à garder, quoique leur feu soit moins avantageux que celui des forts. Voyez Fort de Campagne & Fort à Etoile. (Q)

* Fortin, (Commerce.) mesure de continence pour mesurer les grains, dont on se sert dans plusieurs échelles du levant. Quatre quillots font le fortin, & il faut quatre quillots & demi pour faire la charge de Marseille. Voyez Charge & Quillot. Dict. de Comm. (G)

FORTRAIT, adj. (Manége, Maréchall.) cheval fortrait, cheval extrèmement harassé, fatigué, efflanqué. Voyez ci-après Fortraiture. (e)

FORTRAITURE, s. m. (Manége, Maréch.) fatigue outrée & excessive, accompagnée d’un grand échauffement. Cette maladie est très-fréquente dans les chevaux de riviere, sujets à des travaux violens, & communément réduits à l’avoine pour toute nourriture.

Elle s’annonce par la contraction spasmodique des muscles de l’abdomen, & principalement du muscle grand oblique, dans le point où ses fibres charnues deviennent aponévrotiques. Le flanc de l’animal rentre, pour ainsi dire, dans lui-même ; il est creux ; il est tendu ; son poil est hérissé & lavé ; & sa fiente est dure, seche, noire, & en quelque façon brulée.

La cure en est opérée par des lavemens émolliens & par un régime doux & modéré. Le son humecté, l’eau blanche dans laquelle on mêle une décoction de guimauve, de mauve, de pariétaire & de mercuriale, sont d’une efficacité singuliere. Il est quelquefois très-bon de pratiquer une legere saignée après avoir accordé quelques jours de repos à l’animal ; & lorsque l’on s’apperçoit qu’il acquiert des forces, on doit encore continuer l’administration des lavemens, & l’on pourroit même oindre ses flancs avec parties égales de miel rosat & d’althæa, pour diminuer l’éréthisme, si les remedes prescrits ne suffisoient pas à cet effet, ce qui est infiniment rare. (e)

* FORTUIT, adj. (Gramm.) terme assez commun dans la langue, & tout-à-fait vuide de sens dans la nature. Voyez l’article suivant. Nous disons d’un évenement qu’il est fortuit, lorsque la cause nous en est inconnue ; que sa liaison avec ceux qui le précedent, l’accompagnent ou le suivent, nous échappe, en un mot lorsqu’il est au-dessus de nos connoissances & indépendant de notre volonté. L’homme peut être heureux ou malheureux par des cas fortuits ; mais ils ne le rendent point digne d’éloge ou de blâme, de châtiment ou de récompense. Celui qui reflechira profondement à l’enchaînement des évenemens, verra avec une sorte d’effroi combien la vie est fortuite, & il se familiarisera avec l’idée de la mort, le seul évenement qui puisse nous soustraire à la servitude générale des êtres.

Fortuit, (Métaphys.) Tout étant lié dans la nature, les évenemens dépendent les uns des autres ; la chaîne qui les unit est souvent imperceptible, mais n’en est pas moins réelle. Voyez Fatalité.

Supposez un évenement de plus ou de moins dans le monde, ou même un seul changement dans les circonstances d’un évenement, tous les autres se ressentiront de cette altération legere, comme une montre toute entiere se ressent de la plus petite altération essuyée par une des roues. Mais, dit-on, il y a des évenemens qui ont des effets, & d’autres qui n’en ont point ; & ces derniers au-moins n’influent pas dans le système général du monde. Je répons 1°. qu’on peut douter s’il y a aucun évenement sans effet. 2°. Que quand même il y auroit des évenemens sans effet, si ces évenemens n’eussent pas existé, ce qui leur a donné naissance n’eût pas existé non plus ; la cause qui les a produits n’eût donc pas été exactement telle qu’elle est, ni par conséquent la cause de cette cause, & ainsi en remontant. Il y a dans un arbre des branches extremes qui n’en produisent point d’autres ; mais supposez une feuille de moins à l’une des branches, vous ôtez à la branche ce qu’elle avoit pour produire cette feuille ; vous changez donc à certains égards cette branche, & par conséquent celle qui l’a produite, & ainsi de suite jusqu’au tronc & aux racines. Cet arbre est l’image du monde.

On demande si la chaîne des évenemens est contraire à la liberté. Voici quelques réflexions sur cet important sujet.

Soit que les lois du mouvement instituées par le Créateur, ayent leur source dans la nature même de la matiere, soit que l’Être suprème les ait librement établies (voyez Equilibre), il est constant que notre corps est assujetti à ces lois, qu’il en résulte dans notre machine depuis le premier instant de son existence une suite de mouvemens dépendans