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catastrophe. L’hypothèse de Burnet, en rendant raison de la maniere dont le déluge avoit pu se faire, n’expliquoit point comment il avoit pu apporter les corps marins que l’on trouve si abondamment répandus sur la terre. Woodward crut remédier & suppléer à ce qui manquoit à la théorie de Burnet par une idée assez ingénieuse, mais qui par malheur ne s’accorde point avec les observations que l’on a eu occasion de faire. Il prétendit que toutes les parties non organisées du globe terrestre avoient été parfaitement détrempées & mises en dissolution par les eaux du déluge universel, & que toutes les substances organisées qui s’y trouvoient, après avoir été quelque tems suspendues dans ces eaux, s’étoient affaissées peu à-peu, & enfin s’étoient précipitées chacune en raison de leur pesanteur spécifique. Ce sentiment fut adopté par un grand nombre de naturalistes, & entr’autres par le célebre Scheuchzer. Cependant il est difficile de concevoir que le tems de la durée du déluge ait suffi pour détremper une masse, telle que le globe de la terre, au point que Woodward le prétend. D’ailleurs l’expérience prouve que les corps marins que l’on trouve dans l’intérieur de la terre, n’y ont point été jettés au hasard, puisqu’il y a des individus qui se trouvent constamment les uns avec les autres. Outre cela, ces corps ne se trouvent point disposés comme étant tombés en raison de leur pesanteur spécifique, puisque souvent on rencontre dans les couches supérieures d’un endroit de la terre des corps marins d’une pesanteur beaucoup plus grande que ceux qui sont au-dessous. Enfin, des corps fort pesans se trouvent quelquefois mêlés avec d’autres qui sont beaucoup plus légers.

Plusieurs naturalistes, sans adopter les sentimens de Burnet sur la cause du déluge, ni l’hypothese de Woodward, n’ont point laissé que de regarder le déluge de Noé comme la cause qui avoit porté les corps étrangers sur la terre ; ils ont cru que par un changement dans la position de l’axe de la terre, la mer pouvoit avoir été jettée avec violence sur le continent qu’elle avoit entierement inondé, & que de cette maniere elle y ayoit apporte les productions & les animaux qui lui sont propres.

On ne peut douter de la réalité du déluge, de quelque voie que Dieu se soit servi pour opérer cette grande révolution ; mais il paroît que, sans s’écarter du respect du au témoignage des saintes Ecritures, il est permis à un naturaliste d’examiner si le déluge a été réellement cause des phénomenes dont nous parlons, sur-tout attendu que la Genese garde un silence profond sur cet article. D’ailleurs rien n’empêche de conjecturer que la terre n’ait, indépendamment du déluge, encore souffert d’autres révolutions. Cela posé, il y a lieu de croire que ce n’est point au déluge dont parle Moyse, qui n’a été que passager, que sont dus les corps marins que l’on trouve dans le sein de la terre. En effet l’énorme quantité de coquilles & de corps marins dont la terre est remplie, les montagnes entieres qui en sont presque uniquement composées, les couches immenses & toujours paralleles de ces coquilles, les carrieres prodigieuses de pierres coquillieres, semblent annoncer un séjour des eaux de la mer très-long & de plusieurs siecles, & non pas une inondation passagere & de quelques mois, telle que fut celle du déluge, suivant la Genese. D’ailleurs si les coquilles fossiles eussent été apportées par une inondation subite & violente, comme celle du déluge, ou par des courans d’eaux, comme quelques auteurs l’ont prétendu, tous ces corps auroient été jettés confusément sur la surface de la terre ; ce qui est contraire aux observations, comme nous l’avons dejà remarque. Enfin s’ils avoient été apportés de

cette maniere, on devroit plutôt les trouver dans le fond des vallées que dans les montagnes ; cependant on trouve presque toûjours le contraire. On voit par tout ce qui vient d’être dit, que le sentiment le plus probable est celui des Anciens qui ont cru que la mer avoit autrefois occupé le continent que nous habitons. Tout autre système est sujet à des difficultés invincibles, & dont il est impossible de se tirer.

Il seroit trop long d’entrer dans le détail des fossiles étrangers à la terre : les principaux sont, comme on l’a déjà remarqué, les coquilles de toute espece, qui sont quelquefois si bien conservées, que l’on y remarque un émail aussi brillant & la même vivacité de couleurs, que dans celles qu’on vient de tirer de la mer ; d’autres fois elles sont plus ou moins détruites & décomposées : on en trouve qui sont comme rongées des vers & percées d’une infinité de trous ; d’autres enfin sont si parfaitement détruites, qu’il est impossible d’y remarquer aucune trace de structure organique. Les ouvrages d’une infinité de naturalistes sont remplis de descriptions de ces corps marins, & plusieurs ont fait l’énumération de ceux qui se rencontroient dans les différens pays qu’ils habitoient. M. Rouelle, de l’académie royale des Sciences, fait espérer un ouvrage sur la matiere dont nous parlons : c’est le fruit de ses recherches & des observations qu’il a eu occasion de faire dans un grand nombre de voyages qu’il a entrepris dans le dessein de vérifier ses soupçons. Cet habile naturaliste ayant remarqué que certains corps marins se trouvent toujours constamment ensemble dans de certains endroits, pense qu’il est plus naturel & plus commode de diviser les coquilles fossiles par familles ou par classes qu’il nomme amas ; il compte donc décrire les individus qui se trouvent toûjours ensemble dans un même amas, & en donner les figures, & prouver que certains coquillages, quoique de différentes especes, vivent toûjours constamment ensemble dans certains endroits de la mer, & forment une espece de société semblable à celle que l’on remarque dans quelques animaux terrestres, & dans un grand nombre de plantes qui croissent dans le voisinage les unes des autres. Cette méthode ne peut qu’être infiniment avantageuse, en ce qu’elle épargnera beaucoup de recherches inutiles, & facilitera la description des fossiles d’un district ; puisque, sans entrer dans le détail minutieux de toutes les coquilles qu’on trouvera dans un tel district, & s’exposer par-là à redire ce qui a déjà cent fois été dit par d’autres, il suffira de connoître deux ou trois des individus qui s’y rencontrent, pour savoir quelles sont les autres coquilles qui s’y doivent encore trouver. Si par hasard il en étoit échappé quelques-unes à l’auteur, on pourroit aisément donner par supplément celles qu’il n’auroit point décrites, ou celles qui dans de certains pays feroient des exceptions à la regle générale. Ces avantages joints à un grand nombre d’autres observations intéressantes, doivent faire desirer à tous les curieux d’être bien-tôt mis en possession de l’ouvrage de M. Roüelle.

Outre les corps marins, tels que les coquilles, madrépores, &c. il se trouve encore beaucoup d’autres fossiles étrangers dans les entrailles de la terre : tels sont les dents de poissons ou glossopetres, les ossemens d’animaux, soit pétrifiés, soit dans leur état naturel, c’est-à-dire sans avoir souffert de décomposition, des bois, des plantes, &c. Voyez Figurées (pierres), Pétrifications, Deluge, &c. (—)

FOSSOMBRONE, (Géog.) petite ville d’Italie dans l’Etat ecclésiastique, au duché d’Urbin, avec un évêché suffragant d’Urbin. Elle est bâtie des rui-