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éclaircit beaucoup le nombre, ou on les éloigne des arbres dont la conservation est importante. (D. J.)

Fourmi, œufs de (Hist. natur.) c’est le nom populaire qu’on donne à ces petites boules blanches qu’on trouve dans les nids & cellules de fourmis, & qu’on suppose communément être les œufs de cet insecte ; faute d’avoir considéré que ces œufs sont plus gros que l’animal même qui leur auroit donné naissance.

Cette idée vulgaire n’est donc qu’une erreur grossiere. Aussi les naturalistes modernes ont démontré que ce ne sont pas là de purs & simples œufs de fourmis, mais les jeunes fourmis même emmaillottées dans leur premier état d’accroissement ; ou plûtôt ce sont tout autant de petits vers enveloppés dans une coque très-mince composée d’une espece de soie que les fourmis tirent de leurs corps, comme font les vers-à-soie & les chenilles.

Ces vermisseaux semblent à-peine remuer dans ce premier état ; mais au bout de peu de jours, ils montrent de foibles mouvemens de flexion & d’extension : alors ils commencent à paroître comme autant de fils jaunâtres, & croissent sous cette apparence, jusqu’à ce qu’ils ayent atteint la grosseur naturelle de la fourmi : ensuite lorsqu’ils ont subi leur métamorphose, ils se présentent sous la forme de fourmi, avec une petite tache noire près de l’anus. Leuwenhoek croit que cette tache est l’excrément que l’insecte a rendu par cette partie.

Le docteur King a ou vert plusieurs de ces prétendus œufs ; & tantôt il a vû le vermisseau dans sa premiere origine, & tantôt il a trouvé que ce vermisseau avoit déjà commencé de revêtir la forme d’une fourmi, montrant sur la tête deux petites taches jaunes à l’endroit des yeux, & quelquefois ayant déjà ses yeux aussi noirs que du jayet. Enfin il a souvent trouvé sous l’enveloppe transparente les fourmis parvenues à leur état de perfection, & courant immédiatement après au milieu des autres fourmis.

Les œufs dont nous venons de faire l’histoire, sont portés par les fourmis chaque matin en été au haut de leurs fourmilieres, où les meres les laissent pendant la chaleur du jour à l’exposition du soleil : mais dans les nuits fraîches, ou lorsqu’elles craignent la pluie, elles les transportent au fond de la fourmiliere, & si avant, qu’on peut creuser jusqu’à la profondeur d’un pié sans les rencontrer. Quand on renverse ces fourmilieres, on voit toutes les fourmis occupées à pourvoir à la sûreté des œufs qui renferment leurs petits ; elles les emportent en terre hors de la vûe, & recommencent cet ouvrage tout autant de fois qu’on cherche à les déranger : ce sont-là les œufs qui font la nourriture délicieuse de plusieurs oiseaux, entr’autres des rossignols, des jeunes faisans, & des perdrix.

Les vrais œufs de fourmi sont une substance blanche, tendre, délicate, douce au toucher, & qui en ouvrant leurs nids, brille à l’œil comme les petits crystaux de sels, ou les brillans d’un sucre blanc rafiné. Cette substance vûe au microscope, paroît figurée comme de petits œufs transparens, & formée de pellicules distinctes. On trouve cette même substance dans le corps des fourmis femelles qu’on disseque ; & c’est proprement leur frai : quand ce frai est jetté sur terre, ce qui se fait par les meres à la maniere des mouches, on voit les fourmis accourir en nombre pour le couver ; & au bout de quelques jours, il est changé en vermisseau de la grosseur d’une mite.

Leuwenhoek a tracé le premier très-exactement le progrès de la génération, de l’accroissement, & de la métamorphose des fourmis. On en peut lire l’extrait dans la biblioth. univers. tome XI. Voyez aussi les Transactions philosophiques, n°. 23. p. 426. Swam-

merdam biblia naturæ, & l’article Fourmi, (Hist. nat.) (D. J.)

Fourmi, (Chimie & Mat. med.) les fourmis méritent une considération particuliere dans l’analyse des substances animales, par l’acide connu sous le nom d’esprit de fourmi ; l’huile essentielle, & l’huile par expression qu’elles fournissent. Voyez Substances animales.

Les fourmis sont regardées comme portant singulierement aux voies urinaires & aux organes de la génération, & comme réveillant puissamment l’action des organes ; c’est pourquoi elles passent pour un remede excellent dans la foiblesse des vieillards, dans la paralysie, la disposition à l’apoplexie, la foiblesse de la mémoire, l’impuissance, &c. & cela, soit employées intérieurement en substance, soit extérieurement sous forme de bain ou de fomentation. Tous ces secours sont fort peu usités parmi nous ; on y employe plus souvent, quoiqu’assez rarement encore, l’esprit de fourmis distillé avec l’esprit-de-vin, qui est regardé comme un puissant remede contre la paralysie & contre le bourdonnement des oreilles. (b)

* Fourmi, (Mythol.) les Grecs en général étoient si vains de l’antiquité d’origine, qu’ils aimoient mieux descendre des fourmis de la forêt d’Egine, que de se reconnoître pour des colonies de quelque peuple étranger. Les Thessaliens entêtés apparemment du même préjugé, honoroient ces insectes.

FOURMILIER, ursus formicarius, s. m. (Hist. nat. Zoolog.) tamandua guacu du Brésil ; animal quadrupede qui a la tête fort alongée, avec une trompe longue d’un pié & plus ; le museau est pointu, & il n’y a dans la bouche aucunes dents ; la langue ressemble à un poinçon ; sa longueur est d’environ deux piés ; elle se replie en doublé dans la bouche : mais elle est étendue de toute sa longueur, lorsqu’elle en sort : l’animal la pose sur une fourmiliere, & lorsqu’il la voit couverte de fourmis, il la retire, & il avale ces insectes dont il fait sa nourriture ; c’est pourquoi on lui a donné le nom de fourmilier. Il a les yeux petits & noirs, & les oreilles presque rondes ; la queue est garnie de crins qui la rendent large d’environ un pié ; de sorte que l’animal peut s’en couvrir lorsqu’il la redresse : la trompe a plus de quatre pouces d’épaisseur dans le milieu, mais elle est de plus en plus petite jusqu’à l’extrémité ; le cou a cinq pouces de longueur & neuf pouces d’épaisseur : la longueur du corps jusqu’à l’origine de la queue, est d’environ deux piés, & l’épaisseur d’un pié huit pouces. La queue a deux piés trois ou quatre pouces de longueur ; celle des jambes de derriere est d’onze pouces, & les jambes de devant ont un pouce de plus. Il y a dans les piés de derriere cinq doigts, & dans ceux de devant, quatre, dont les deux du milieu sont les plus longs, & ont des ongles de deux pouces & demi de longueur. Les poils du dos sont noirs ; il s’en trouve aussi de blancs : ceux de la tête & du cou ont le moins de longueur ; ils sont dirigés en-avant. Le poil des jambes de devant est blanc, & il y a une tache noire au-dessus de chaque pié, & sur la poitrine une large bande de la même couleur, qui s’étend de chaque côté jusqu’au milieu du corps : cette bande est terminée en haut par une ligne blanche. Les jambes de derriere sont noires : tous les poils de cet animal sont durs ; un homme peut l’atteindre à la course. On l’a nommé ursus formicarius, parce qu’il ressemble à l’ours par les piés de derriere & par son poil long & hérissé. Raii synop. meth. anim. p. 241. Voyez Quadrupede. (I)

FOURMILIERE, (Hist. nat.) lieu où les fourmis vivent en société ; elles pratiquent de petites routes en terre, sous quelque abri : telle étoit la fourmiliere qu’a décrit Aldrovande, lib. V. de insect. p. 509. &