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ou d’un petit mur de briques bâti entre la tour & le bain de sable. Par cette précaution on a pour but de garentir ce qui est dans l’étuve, de la poussiere du charbon, qui gâte & noircit tout. Mais si on n’a pas la commodité d’y introduire un tuyau de cheminée comme ceux de Gauger, il vaut mieux se servir du poêle à l’italienne, qui peut aussi servir d’athanor.

Ce poêle communiqué à M. Duhamel par M. Maréchal, se trouve dans le traité de la conservation des grains du premier, pag. 173. On en peut prendre une bonne idée en suivant ce que nous allons changer à la coupe de celui de la calcination de la potasse, fig. 15. de nos Planches. La cavité inférieure a, où le foyer en est plus élevé, c’est-à dire qu’il y a plus de distance entre le sol & le plancher intermédiaire, à-peu-près autant que dans un poêle ordinaire. Le sol en est fait d’une plaque de fonte sous laquelle il y a une petite chambre de même largeur, & de quelques pouces de haut seulement. Cette petite chambre a en devant une ouverture qu’on peut fermer avec une porte de fer ; & en-arriere elle communique avec le trou inférieur d’un autre petit poêle de fonte en cloche, dont la porte ordinaire est fermée & lutée, lequel occupe précisément la place du mur de derriere de notre fourneau, & ferme une partie du fond. Au-dessus de ce sol est une voûte qui, comme le plancher de notre fig. 15. laisse un passage à la flamme par-derriere en d : ensorte qu’elle est obligée de revenir en-devant où elle enfile un tuyau placé comme la cheminée c de notre fourneau. Le reste de la partie postérieure du poêle est fermé par un mur, qui met par ce moyen presque tout le petit poêle de fonte en-dedans, & ne laisse paroître que son tuyau, qui passe à-travers. Ce tuyau est alongé de quelques pouces, & est ouvert dans l’étuve pour lui donner sa chaleur. Cette chaleur y est déterminée d’abord par son propre mouvement ; mais on y joint encore l’air. C’est à son accès & pour l’échauffer, qu’est destinée la chambre située sous le foyer. Le grand poêle est terminé supérieurement par une autre plaque de fonte garnie de sable, pour donner une chaleur plus douce, & il a son ouverture hors de l’étuve. Les murs des côtés sont en briques ; & quand le feu est tombé, les différens massifs qui le constituent donnent encore de la chaleur pendant long-tems. Telle est cette machine ingénieuse. Nous omettons bien des particularités qui ne sont pas de notre objet ; mais nous y reconnoissons un mérite réel, quoiqu’il eût été à souhaiter qu’il s’y fût trouvé un peu plus de simplicité, & que nous y voyions de la ressemblance avec les cheminées de Gauger, qui existoient même avant cet auteur, comme on le voit par l’architecture de Savot, qui dit qu’il y avoit au Louvre une cavité sous l’atre & derriere le contre-cœur de la cheminée du cabinet des livres.

On croira peut être qu’un poêle ordinaire peut revenir au même pour les petites étuves ; il se trouve tout fait à la vérité, mais il sera plus dispendieux ; & il n’aura pas l’avantage qui se trouve dans le poêle italien, ou les ventouses de Gauger. Dans le poêle à l’italienne, les surfaces se trouvent multipliées ; l’étuve n’en reçoit que de la chaleur, & point de fumée, ni de vapeurs ; & ce qui est capital, c’est que l’air y est renouvellé continuellement, & comme il est très-chaud, il en desseche d’autant plus vîte. D’ailleurs la flamme y fait un trajet qu’elle devroit faire dans tous les poêles, pour donner plus de chaleur avec moins de bois. Pour cela il ne seroit question que d’une plaque de fer de plus, & de mettre le tuyau sur la porte directement. Par-là on auroit moins de fumée, parce que le feu en consumeroit plus : & il faudroit nettoyer le tuyau plus rarement. Il est encore d’autres moyens de corriger les poêles,

& de les appliquer aux étuves. Mais cette correction peut être appliquée aux poêles simples dont M. Duhamel propose l’usage pour les petites étuves à sécher le blé.

Un pareil poêle sera préférable aux athanors servant à l’étuve des apothicaires, par la raison qu’il renouvelle l’air & ne porte point dans l’étuve la vapeur charbonneuse qui sort des quatre regîtres de l’athanor ; vapeur qui peut changer la couleur & la saveur de bon nombre de plantes, quoiqu’elle ne fasse point de tort au blé, selon M. Duhamel. On peut donc renvoyer les regîtres, même dans l’athanor, au moyen d’une plaque de fonte qui fera circuler la flamme ou la chaleur comme dans le poêle, à un tuyau commun, ou à plusieurs qui monteroient le long de la paroi interne du mur de séparation, & serviroient encore par là à l’étuve.

Une chose digne de curiosité, ce seroit de savoir si on a imaginé les poêles d’après les fourneaux, ou ceux-ci d’après les poêles ; ou peut-être encore les premiers indépendamment des seconds, & réciproquement. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’on y trouve le même méchanisme. L’observation du feu de la cheminée, & peut-être de la lumiere de la chandelle, a pû donner lieu à ce méchanisme. Peut-être aussi l’idée refléchie n’en est-elle venue que d’après quelques ébauches de l’ustensile en question, employé peut-être par hasard. Quoi qu’il en soit, on a vû, soit dans les premiers fourneaux, soit dans les premiers vaisseaux qui pouvoient en approcher, ou dans la cheminée, & la chandelle, qu’un corps embrasé étoit un fluide qui tendoit de bas en-haut ; que ce fluide étoit moins actif quand il ne recevoit pas d’air par ses parties inférieure ou supérieure. C’est d’après ces connoissances réflexives qu’on a vû qu’il falloit toujours construire les fourneaux de façon que l’air pût avoir accès à la partie inférieure de l’aliment embrase, & suivre son trajet. Mais on a encore remarqué qu’il falloit qu’il y eût une proportion entre la grandeur du fourneau, la quantité de la pâture du feu, & ses ouvertures inférieures & supérieures. C’est ce qui a fourni les principes généraux ou les réflexions ultérieures qui ont éclairé la pratique des artistes déjà instruits des particularités qui concernent la même matiere.

On voit de l’analogie entre nos fourneaux & les ventouses, les tambours physiques, & le poêle sans fumée. C’est peut-être dans les fourneaux qu’on a puisé l’idée de construire un grenier à-travers le blé duquel il se fait un courant d’air, au moyen d’une espece de pavillon ou trémie, exposée au nord, & d’une issue au midi ; celle d’allumer du feu à une ouverture pratiquée dans le plafond des salles d’un hôpital, &c. pour renouveller l’air aux malades ; celle d’allumer du feu dans les mines, ou auprès d’un de leurs puits, pour en changer aussi l’air. Voyez Agricola. Mais les ventouses de Gauger valent mieux, pour renouveller l’air, au-moins en hyver ; elles le donnent chaud ; au lieu que ce foyer allumé sur un plafond donne du froid, qui peut incommoder les malades.

Au reste, il pourroit bien se faire que l’économie domestique eût aussi fourni à la Chimie. Au-moins est-il vrai que c’est d’elle que cette science a tiré ou pû tirer la meilleure construction de ses fourneaux ; car les poêles de Keslar ont paru 30 ou 40 ans avant le fourneau de fusion de Glauber. Le fourneau de Beccher est pris d’ouvriers qui s’en servoient pour remettre des piés de fonte à des marmites de fer. Ils mettoient un manche au pié-d’estal D1, au moyen d’un crampon dont ce pié-d’estal étoit muni, à-peu-près comme certaines caffetieres, sans doute ; & ils s’en servoient comme d’un vase avec lequel ils auroient puisé. Ne pourroit-on pas ajuster ce fourneau