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nier siecle, un cordonnier voulant perpétuer parmi les ouvriers l’esprit de religion dont il étoit animé ; d’ailleurs encouragé par quelques personnes pieuses & distinguées, dont il étoit protégé, commença dans Paris l’association des freres cordonniers & des freres tailleurs, laquelle s’est étendue ensuite en plusieurs villes du royaume, entre autres à Soissons, à Toulouse, à Lion, &c.

Leur institut consiste principalement à vivre dans la continence & dans l’exercice de leur métier, de façon qu’ils joignent à leur travail les pratiques les plus édifiantes de la piété & de la charité chrétienne, le tout sans faire aucune sorte de vœux.

Au reste, bien qu’ils ne soient pas à charge à l’état, puisqu’ils subsistent par le travail de leurs mains, il est toûjours vrai qu’ils ne portent pas les impositions publiques, autant que des ouvriers isolés & chargés de famille ; & sur-tout ils ne portent pas les tutelles & les collectes, le logement de soldats, les corvées, les milices, &c. ce qui fait pour eux une différence bien favorable.

Sur quoi j’observe que les gens dévoués au célibat ont toûjours été protégés avec une prédilection également contraire à la justice & à l’économie nationale. J’observe de même qu’ils ont toûjours été fort attentifs à se procurer les avantages des communautés ; au lieu qu’il est presque inoüi jusqu’à présent, que les gens mariés ayent formé quelque association considérable. Ceux-ci néanmoins obligés de pourvoir à l’entretien de leurs familles, auroient plus besoin que les célibataires des secours mutuels qui se trouvent dans les congrégations.

Freres Tailleurs, ce sont des compagnons & garçons tailleurs unis en société, & qui travaillent pour le public, afin de faire subsister leur communauté.

Freres de la Charité, (hist. ecclés.) c’est le nom d’un ordre de religieux institué dans le xvj. siecle, & qui se consacre uniquement au service des pauvres malades. Ces religieux, & en général tous les ordres qui ont un objet semblable, sont sans contredit les plus respectables de tous, les plus dignes d’être protégés par le gouvernement & considérés par les citoyens, puisqu’ils sont précieux à la société par leurs services en même tems qu’ils le sont à la religion par leurs exemples. Seroit-ce aller trop loin que de prétendre que cette occupation est la seule qui convienne à des religieux ? En effet, à quel autre travail pourroit-on les appliquer ? A remplir les fonctions du ministere évangélique ? mais les prêtres séculiers, destinés par état à ce ministere, ne sont déjà que trop nombreux, & par bien des raisons, doivent être plus propres à cette fonction que des moines : ils sont plus à portée de connoître les vices & les besoins des hommes ; ils ont moins de maîtres, moins de préjugés de corps, moins d’intérêt de communauté & d’esprit de parti. Appliquera-t-on les religieux à l’instruction de la jeunesse ? mais ces mêmes préjugés de corps, ces mêmes intérêts de communauté ou parti, ne doivent-ils pas faire craindre que l’éducation qu’ils donneront ne soit ou dangereuse, ou tout au-moins puérile ; qu’elle ne serve même quelquefois à ces religieux de moyen de gouverner, ou d’instrument d’ambition, auquel cas ils seroient plus nuisibles que nécessaires ? Les moines s’occuperont-ils à écrire ? mais dans quel genre ? l’histoire ? l’ame de l’histoire est la vérité ; & des hommes si chargés d’entraves, doivent être presque toûjours mal à leur aise pour la dire, souvent réduits à la taire, & quelquefois forcés de la déguiser. L’éloquence & la poésie latine ? le latin est une langue morte, qu’aucun moderne n’est en état d’écrire, & nous avons assez en ce genre de Ciceron, de Virgile, d’Horace, de Tacite, & des autres.

Les matieres de goût ? ces matieres pour être traitées avec succès, demandent le commerce du monde, commerce interdit aux religieux. La Philosophie ? elle veut de la liberté, & les religieux n’en ont point. Les hautes sciences, comme la Géométrie, la Physique, &c ? elles exigent un esprit tout entier, & par conséquent ne peuvent être cultivées que foiblement par des personnes voüées à la priere. Aussi les hommes du premier ordre en ce genre, les Boyle, les Descartes, les Viete, les Newton, &c. ne sont point sortis des cloîtres. Reste les matieres d’érudition : ce sont celles auxquelles la vie sédentaire des religieux les rend plus propres, qui demandent d’ailleurs le moins d’application, & souffrent les distractions plus aisément. Ce sont aussi celles où les religieux peuvent le mieux réussir, & où ils ont en effet réussi le mieux. Cette occupation, quoique fort inférieure pour des religieux au soulagement des malades & au travail des mains, est au moins plus utile que la vie de ces reclus obscurs absolument perdus pour la société. Il est vrai que ces derniers religieux paroissent suivre le grand précepte de l’évangile, qui nous ordonne d’abandonner pour Dieu notre pere, notre mere, notre famille, nos amis & nos biens. Mais s’il falloit prendre ces mots à la lettre, soit comme précepte, soit même comme conseil, chaque homme seroit obligé, ou au-moins seroit bien de s’y conformer ; & que deviendroit alors le genre humain ? Le sens de ce passage est seulement qu’on doit aimer & honorer l’être supreme par dessus toutes choses ; & la maniere la plus réelle de l’honorer, c’est de nous rendre le plus utiles qu’il est possible à la société dans laquelle il nous a placés. (O)

Frere ; ce nom étoit donné à des empereurs collegues. C’est ainsi que Marc Aurele & Lucius Aurelius Verus sont appellés freres, divi fratres, par Théophilus, & qu’ils sont représentés dans leurs médailles, se donnant la main pour marque de leur union fraternelle dans l’administration de l’empire. C’est ainsi que Dioclétien, Maximien, & Hercule qui ont regné ensemble, sont nommés freres par Lactance. Cette coûtume se pratiquoit de tous tems entre des rois de divers royaumes, comme on peut le confirmer par les auteurs sacrés & prophanes ; elle avoit lieu en particulier entre les empereurs romains & les rois de Perse, témoin les lettres de Constance à Sapor dans Eusebe, & du même Sapor à Constance, fils de Constantin, dans Ammien Marcellin. (D. J.)

Frere d’Armes, voyez Fraternité d’Armes.

Freres Blancs, secte qui parut dans la Prusse au commencement du xjv. siecle. C’étoit une société d’hommes qui prirent ce nom, parce qu’ils portoit des manteaux blancs où il y avoit une croix verte de S. André. Ils se vantoient d’avoir des révélations particulieres pour aller délivrer la terre-sainte de la domination des infideles. On vit quantité de ces freres en Allemagne ; mais leur fanatisme ou leurs impostures ayant été dévoilés, leur secte s’éteignit d’elle-même. Harsfnoch, dissert. 14 de orig. relig. christ. in Pruss. (G)

Freres Bohémiens, ou Freres de Bohème, nom qu’ont pris dans le xv. siecle certains hussites, la plûpart gens de metier, qui en 1467 se séparerent publiquement des calixtins.

Ils mirent d’abord à leur tête un nommé Kelinski, maître cordonnier, qui leur donna un corps de doctrine, qu’on appella les formes de Kelenski. Ensuite ils se choisirent un pasteur nommé Matthias Convalde, simple laïc & ignorant ; ils rejettoient la messe, la transubstantiation, la priere pour les morts, & rebaptisoient tous ceux qui venoient à eux des autres églises. Ils reconnoissoient cependant sept sacremens, comme il paroît par leur confession de foi présentée en 1504 au roi Ladislas. Mais dans la suite