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comme les fugues perpétuelles, qu’on appelle canons, les doubles-fugues, les contre-fugues, ou fugues renversées, qu’on peut voir à leurs mots, & qui servent plus à étaler la science du musicien qu’à flatter l’oreille de ceux qui les écoutent.

Fugue vient du latin fuga, fuite, parce que les parties partant ainsi successivement, semblent se fuir & se poursuivre l’une l’autre. (S)

* FUIE, s. f. (Econom. rustiq.) petite voliere qu’on ferme avec un volet, & où chaque particulier peut nourrir des pigeons domestiques. On appelle encore du nom de fuie des colombiers sans couverture. Il y a de ces colombiers dans la Beauce.

* FUIR, (Gramm.) c’est s’éloigner avec vitesse, par quelque crainte que ce soit : ce verbe est tantôt actif, comme dans cette frase, je fuis les ennuyeux ; tantôt neutre, comme dans celle-ci, il vaut mieux s’exposer à périr, que fuir. Il est pris au simple dans les exemples précédens ; au figuré, dans celui-ci, le méchant fuit la lumiere ; il a quelques acceptions détournées. Voyez les deux articles suivans.

Fuir les talons, (Manége.) on désigne communément par cette expression, l’action du cheval qui chemine de côté, ses hanches étant assujetties & forcées de suivre le mouvement progressif des épaules, en traçant & en décrivant une seconde piste.

L’utilité & l’avantage de cette action, relativement aux différentes manœuvres d’une troupe de cavalerie, ne m’arrêteront point ici ; je ne l’envisagerai qu’eu égard à la science du Manége ; & en me bornant à cet objet, je m’attacherai d’une part à dévoiler les moyens mis en pratique pour suggérer ce mouvement à l’animal, & détailler de l’autre ceux qui me paroissent les plus propres & les plus convenables à cet effet.

De tous les tems, la plûpart des maîtres ont imaginé que l’intelligence de la leçon dont il s’agit, dépend en quelque maniere de notre attention à profiter d’abord de la facilité que la muraille semble nous présenter, lorsqu’il est question de limiter les actions du cheval. On l’a par conséquent conduit le long d’un des murs du manége droit d’épaules & de hanches. Là, dans l’intention de travailler ensemble l’une & l’autre extrémité, on a insensiblement engagé la croupe par l’approche plus ou moins forte de la jambe ou du talon de dehors ; & tandis que cette même jambe étoit toute entiere occupée du soin de fixer, de contraindre, & de chasser le derriere en-dedans, la main armée du caveçon, ou des rênes de la bride, entretenoit le mouvement de l’épaule sur ce même côté où l’on se proposoit de porter l’animal. Si les aides de la jambe n’avoient point d’efficacité, on recouroit à celle du pincer ; & dans le cas de l’inutilité & de l’impuissance de celle-ci, on faisoit vivement sentir l’éperon. C’est ainsi que le célebre duc de Newkastle s’explique lui-même, en parlant de la méthode qu’il a suivie à cet égard ; & lorsque le cheval fuyoit les talons aussi facilement à une main qu’à l’autre, il le travailloit éloigné de ce même mur vis-à-vis duquel il l’avoit commencé.

Quelques écuyers, ainsi que quelques-uns de ceux qui ont paru de nos jours, ont encore ajoûté à ces aides & à ce châtiment, pour vaincre avec plus de succès l’impatience de l’animal : les uns ont employé le secours d’un homme à pié, muni d’une chambriere ou même d’un nerf de bœuf, & préposé pour frapper sans pitié sur le flanc répondant à la muraille, à l’effet d’en détacher la croupe, & de la maintenir sur le dedans ; les autres se sont saisis d’une gaule dans chaque main ; ils en attaquoient l’épaule, afin de la déterminer & de la mouvoir sur la main à laquelle ils travailloient ; & si les hanches demeuroient, ils adressoient leurs coups sur les flancs, sans

négliger l’approche du talon, tandis qu’un homme pareillement à pié & placé du côté opposé à celui où ils tendoient, dirigeoit ceux de la gaule dont il étoit pourvû sur la poitrine à l’endroit des sangles, quand l’épaule n’obéissoit pas, & sur les fesses, quand le derriere étoit rébelle.

Il en est qui ont tenté de réussir par une autre voie : ceux-ci ne se donnoient pas la peine de monter le cheval pour l’exercer ; ils le rangeoient la tête au mur, un homme de chaque côté tenant une longe du caveçon, laquelle avoit deux ou trois aunes de longueur. Celui qui se trouvoit sur la main, où il étoit question d’aller, tiroit fortement à lui la tête de l’animal ; & dans l’instant que l’épaule portée, par exemple, à droite, la croupe se disposoit à fuir à gauche, l’écuyer qui suivoit attentivement s’opposoit au mouvement de cette partie ; il la déterminoit dans le sens du devant, par le moyen du châtiment, & l’empêchoit d’échapper.

D’autres enfin, & de ce nombre sont Pluvinel & la Noue, ont préféré la leçon du cercle à celle de la muraille. Dans le centre de ce cercle, étoit un pilier auquel ils attachoient l’animal, la tête en étant plus ou moins éloignée : le cavalier l’aidoit tant de la main & de la gaule que de la jambe & du talon. Il l’arrêtoit de tems en tems, & lui demandoit ensuite quelques pas semblables au premier ; il le reprenoit sur l’autre jambe, & cherchoit à lui en faire entendre le tems, l’aide, & l’avertissement : après quoi, pour le confirmer dans l’habitude qu’il lui avoit donnée par ce moyen, il le promenoit en liberté sur un autre cercle qu’il lui faisoit d’abord reconnoître sans le contraindre. Ce cercle suffisamment reconnu, le cavalier faisoit insensiblement effort de la jambe & du talon, & il aidoit de la gaule, à l’effet de mettre le cheval de côté ; le devant étant toûjours un peu plus avancé sur la circonférence de la volte, que le derriere ; & le cercle tracé, il l’arrêtoit pour le remettre sur l’autre main ; enfin il parvenoit à le travailler de suite à l’une & à l’autre.

Quelle que puisse être la réputation de ceux qui ont adopté ces diverses méthodes, j’oserai en proposer une autre, persuadé que l’autorité des plus grands noms est un vain titre contre la raison & l’expérience.

A en juger par les efforts & par les précautions des maîtres dont j’ai parlé, on devroit envisager l’action dont il s’agit, comme une de celles qui coûtent le plus à l’animal ; la difficulté qu’il a de s’y soûmettre ; le sentiment desagréable qu’elle paroît lui faire éprouver, semblent en offrir les plus fortes preuves. Nous conviendrons que quoique la nature ait construit & combiné ses ressorts de maniere à lui en permettre l’exécution, le mouvement qui opere en-avant le transport de son corps, lui est infiniment plus facile que celui qui le porte & le meut entierement de côté : mais cette observation & cet aveu ne peuvent que confirmer de plus en plus dans la persuasion où l’on doit être de la nécessité de profiter des ressources de l’art, & des secours de l’habitude, pour favoriser & pour perfectionner des déterminations primitives. Il est une gradation dans le développement des membres, comme il en est une dans leur accroissement ; c’est dans la science de cette gradation que résident les principes d’une saine théorie. Il ne suffit pas en effet de connoître ce que l’animal peut, il faut encore discerner les voies les plus propres à assouplir insensiblement les fibres destinées à l’exercice des opérations possibles, ainsi que les actes réitérés qui les rendront successivement capables de telle ou telle action, selon un certain ordre, & un certain enchaînement naturel. Tel mouvement conduit à un autre mouvement. Le passage de l’un à l’autre n’est pénible qu’autant qu’il est trop subit. L’animal ne se déplaira