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galliambiques. Voyez Galliambique. Dictionnaire de Trévoux & Chambers.

GALLIAMBIQUE, (Belles-Lettr.) terme de l’ancienne Poésie. On appelloit poëme gallïambique, un poëme composé de vers gallïambiques. Voyez Galliambe.

Le vers gallïambique étoit composé de six piés ; 1°. un anapeste, ou un spondée ; 2°. un ïambe, ou un anapeste, ou un tribraque ; 3°. un ïambe, ensuite deux dactyles, & enfin un anapeste.

On peut encore mesurer autrement le vers galliambique, & faire un arrangement de syllabe qui donnera des piés d’une autre espece. Les anciens n’avoient guere égard dans le vers galliambique qu’au nombre des tems ou des intervalles, parce qu’on chantoit ces sortes de vers en dansant, & que d’ailleurs on s’y mettoit peu en peine de l’espece des piés qu’on faisoit entrer dans sa composition. Vossius croit qu’ils imitoient fort le desordre & l’obscurité des dithyrambes. Voyez Dithyrambe. Dictionn. de Trévoux & Chambers.

GALLICANE, adj. f. (Hist. mod.) ce mot ne s’employe que dans les matieres ecclésiastiques, & même en peu d’occasions.

L’église gallicane est l’assemblée des prélats de France. Voyez Eglise.

Le breviaire gallican, c’est le breviaire particulier qu’avoit l’église de Gergenti en Sicile, & que les auteurs modernes de ce pays-là nomment le breviaire gallican.

Apparemment qu’ils le nomment ainsi, parce qu’il y fut introduit par S. Gerland, qui fut fait évêque de Gergenti après que le comte Rogen en eut chassé les Sarrasins, & par les autres évêques françois que les Normands y attirerent. Voyez Breviaire.

La liturgie gallicane, c’est la maniere dont on célébroit autrefois le service divin dans les Gaules. Voyez Liturgie. Voyez le P. Mabillon, 1. lyturg. gall. ch. v. &c. Dictionn. de Trévoux & Chambers.

Sur les libertés de l’Eglise gallicane, voyez l’article Libertés.

GALLICANUS SALTUS, (Géog.) autrement dit dans les auteurs latins Massicus & Gaurus ; trois noms synonymes d’une montagne de la Campanie heureuse. On l’appelle présentement Gerro. Elle est dans la terre de Labour au royaume de Naples. (D. J.)

GALLICISME, s. m. (Gramm.) c’est un idiotisme françois, c’est-à-dire une façon de parler éloignée des lois générales du langage, & exclusivement propre à la langue françoise. Voyez Idiotisme.

« Lorsque dans un livre écrit en latin, dit le dictionnaire de Trévoux sur ce mot, on trouve beaucoup de phrases & d’expressions qui ne sont point du-tout latines, & qui semblent tirées du langage françois, on juge que cet ouvrage a été fait par un françois ; on dit que cet ouvrage est plein de gallicismes ». Cette maniere de parler semble indiquer que le mot gallicisme est le nom propre d’un vice de langage, qui dans un autre idiome vient de l’imitation gauche ou déplacée de quelque tour propre à la langue françoise ; qu’un gallicisme en un mot est une espece de barbarisme. On ne sauroit croire combien cette opinion est commune, & combien on la soupçonne peu d’être fausse : elle a même surpris la sagacité de cet illustre écrivain, que la mort vient d’enlever à l’Encyclopédie ; ce grammairien créateur à qui nous avons eu la témérité de succéder, sans jamais oser nous flater de pouvoir le remplacer ; ce philosophe exact & profond qui a porté la lumiere sur tous les objets qu’il a traités, & dont les vûes répandues abondamment dans les parties qu’il a achevées, feront le principal mérite de celles que nous avons à remplir ; en un mot M. du Marsais lui-mê-

me paroît n’avoir pas été assez en garde contre l’impression

de ce préjugé. Voici comme il s’explique à l’article Anglicisme. « Si l’on disoit en françois foüetter dans de bonnes mœurs (whip into good manners), au lieu de dire fouetter afin de rendre meilleur, ce seroit un anglicisme ». Ne semble-t-il pas que M. du Marsais veuille dire que le tour anglois n’est anglicisme que quand il est transporté dans une autre langue ? C’est une erreur manifeste, & que ceux mêmes qui paroissent l’insinuer ou la répandre ont sentie : la définition que les auteurs du dictionnaire de Trévoux ont donnée du mot gallicisme, & celle que M. du Marsais a donnée du mot anglicisme, en fournissent la preuve.

L’essence du gallicisme consiste en effet à être un écart de langage exclusivement propre à la langue françoise. Le gallicisme en françois est à sa place, & il y est ordinairement pour éviter un vice ; dans une autre langue, c’est ou une locution empruntée qui prouve l’affinité de cette langue avec la nôtre, ou une expression figurée que l’imitation suggere à la passion ou au besoin, ou une expression vicieuse qui naît de l’ignorance : mais par-tout & dans tous les cas, le gallicisme est gallicisme dans le sens que nous lui avons assigné.

Chacun a son opinion, c’est un gallicisme où l’usage autorise la transgression de la syntaxe de concordance, pour ne pas choquer l’oreille par un hiatus desagréable. Le principe d’identité exigeoit que l’on dit sa opinion ; l’oreille a voulu qu’on fît entendre sonn-opinion, & l’oreille l’a emporté suavitatis causâ.

Elles sont toute déconcertées ; c’est un gallicisme, où l’usage qui met le mot toute en concordance de genre avec le sujet elles, n’a aucun égard à la concordance de nombre, pour éviter un contre-sens qui en seroit la suite : toute est ici une sorte d’adverbe qui modifie la signification de l’adjectif déconcertées, comme si l’on disoit, elles sont totalement déconcertées ; au contraire toutes au pluriel seroit un adjectif collectif, qui détermineroit le sujet elles, comme si l’on disoit, il n’y en a pas une seule qui ne soit déconcertée : c’est donc à la netteté de l’expression que la loi de concordance est ici sacrifiée.

Vous avez beau dire, c’est un gallicisme, où l’usage permet à l’ellipse d’altérer l’intégrité physique de la phrase (voyez Ellipse), pour y mettre le mérite de la brieveté. Un françois qui sait sa langue entend cette phrase aussi clairement & avec plus de plaisir, que si on employoit l’expression pleine, mais diffuse, lâche & pesante, vous avez un beau sujet de dire ; c’est ici une raison de briéveté.

Il est incroyable le nombre de vaisseaux qui partirent pour cette expédition ; c’est un gallicisme, où l’usage consent que l’on soustraye les parties de la phrase à l’ordre qu’il a lui-même fixé, pour donner à l’ensemble un sens accessoire que la construction ordinaire ne pourroit y mettre. On auroit pu dire, le nombre de vaisseaux qui partirent pour cette expédition est incroyable ; mais il faut convenir qu’au moyen de cet arrangement, aucune partie de la phrase n’est plus saillante que les autres : au lieu que dans la premiere, le mot incroyable qui se présente à la tête, contre l’usage ordinaire, paroît ne s’y trouver que pour fixer davantage l’attention de l’esprit sur le nombre des vaisseaux, & pour en exagérer en quelque sorte la multitude ; raison d’énergie.

Nous venons d’arriver, nous allons partir ; ce sont des gallicismes, où l’usage est forcé de dépouiller de leur sens naturel les mots nous venons, nous allons, & de les revêtir d’un sens étranger, pour suppléer à des inflexions qu’il n’a pas autorisées dans les verbes arriver & partir, non plus que dans aucun autre : nous venons d’arriver, c’est-à-dire nous sommes arrivés dans le moment ; expression détournée d’un pré-