Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/736

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M. le Cat académicien de Rouen, connu avantageusement par plusieurs traités, dans une dissertation qu’il a faite sur le feu central ou la chaleur intérieure de la terre, rapporte une lettre qui lui fut écrite par M. Ravier secretaire de M. l’évêque du Bellay, qui étoit né dans le pays, & qui avoit eu occasion de voir très-souvent la glaciere ; la description qu’il en donne est presqu’entierement conforme à celle qui précede. L’ouverture de la caverne est du côté du nord-oüest ; il y a plus de 30 ou 40 ans que l’eau tomboit goutte-à-goutte en plus de mille endroits de la voûte, se changeoit sur le champ en glace, & formoit des stalactites de glace semblables à celles qui s’attachent à l’extrémité des toîts en hyver ; ce qui produisoit une infinité de figures très singulieres. M. Ravier ajoûte qu’au fond de la grote il y avoit deux endroits où l’eau en tombant avoit formé deux bassins de glace, & que l’eau liquide y étoit conservée, & se tenoit de niveau avec les bords des bassins qu’elle avoit formés : ces bassins avoient environ deux à trois piés de diametre. Dans ce tems-là l’entrée de la grotte étoit ombragée par de grands arbres touffus dont les branches la garantissoient contre les ardeurs du soleil ; mais depuis qu’on se fut avisé de les abattre, les choses ont bien changé de face, & il ne s’y est plus formé une si grande quantité de glace qu’autrefois. Un camp de paix placé à Saint-Jean de l’Osne en 1724, acheva de ruiner la glaciere : pour se procurer de la glace, on abattit les colonnes & les pyramides qu’on y voyoit ; depuis on a long-tems continué à y aller chercher la glace qu’on détachoit à mesure qu’elle se formoit : cela dura jusqu’à ce que M. de Vanolles intendant de Franche-Comté voulant conserver cette curiosité naturelle, fit fermer l’entrée de la grotte par une muraille de 20 piés de haut, dans laquelle fut pratiquée une petite porte dont la clé fut remise aux échevins du village, avec défense d’y laisser entrer personne pour enlever de la glace. Cette précaution contribua encore à empêcher qu’il ne se formât une si grande quantité de glace. M. Ravier finit par conclure que la glace s’y amasse & s’y durcit d’une année à l’autre ; que les colonnes & pyramides qu’on y voyoit anciennement étoient l’ouvrage de plusieurs siecles ; que la fumée qu’on voyoit sortir de la glaciere n’étoit qu’un brouillard causé par la chaleur douce & tempérée qui y regnoit en autonne. Il ajoûte que jamais ce brouillard ne se dissipe avant le mois de Juillet, parce que ce n’est que dans les grandes chaleurs que la glace s’y forme ; ce qu’il prouve par le témoignage d’un de ses amis qui étoit dans l’usage d’aller à cette glaciere une fois tous les dix jours ; au commencement de Juillet il n’y trouva qu’en un seul endroit un morceau de glace de 15 à 20 livres : mais au milieu du mois d’Août il y trouva un grand nombre de morceaux, dont chacun étoit assez grand pour faire la charge d’une charrete.

On voit par ce qui vient d’être rapporté, que cette grotte présente aux physiciens un phénomene unique dans la nature ; la glace qui s’y forme dans les chaleurs de l’été prouve que le froid qui regne dans cet endroit soûterrein est très-réel, & n’est point relatif comme celui des autres soûterreins, & fait par conséquent une exception aux regles que suit ordinairement la nature. Il y a une derniere description de la même glaciere dans le vol. I. des mémoires des Savans étrangers, imprimé par l’ordre de l’académie : cette description a été faite en 1743. Voici ce qu’elle offre de particulier ou de différent de ce qui précede. La rampe n’a que 31 toises de hauteur sur 64 de longueur. Le thermometre s’y fixe constamment à degré au-dessous de la glace. Le froid & le brouillard y sont plus sensibles en Août qu’en Octobre ; cependant l’état intérieur de la caverne ne change pas con-

sidérablement à cet égard de l’hyver à l’été, quelque

froid ou chaud qu’il fasse extérieurement. Il y a au bas de la rampe une coulée de terre glaise qui s’entretient molle & boüeuse, quoique le reste de cette partie de la rampe, tant au-dessus qu’au-dessous, soit très-dur. Le dessus du terrein qui couvre la caverne, à compter sur une ligne qui tomberoit à-plomb sur la rampe, va, en montant sur 25 toises de longueur, de trois piés cinq pouces, & baisse ensuite sur dix toises d’un pié huit pouces. (—)

GLACIERE, s. f. (Arts méchan.) lieu creusé artistement dans un terrein sec, pour y serrer de la glace ou de la neige pendant l’hyver, afin de s’en servir en l’été. On place ordinairement la glaciere dans quelqu’endroit dérobé d’un jardin, dans un bois, dans un bosquet, ou dans un champ près de la maison : voici les choses les plus importantes qu’on dit qu’il faut observer pour les glacieres.

On choisit un terrein sec qui ne soit point ou peu exposé au soleil. On y creuse une fosse ronde, de deux toises ou deux toises & demie de diametre par le haut, finissant en bas comme un pain de sucre renversé ; la profondeur ordinaire de la fosse est de trois toises ou environ ; plus une glaciere est profonde & large, mieux la glace & la neige s’y conservent.

Quand on creuse la glaciere, il faut aller toûjours en retrécissant par le bas de crainte que la terre ne s’affaise ; il est bon de revêtir la fosse depuis le bas jusqu’en haut d’un petit mur de moilon de huit à dix pouces d’épaisseur, bien enduit de mortier, & percer dans le fond un puits de deux piés de large & de quatre de profondeur, garni d’une grille de fer dessus pour recevoir l’eau qui s’écoule de la glace. Quelques-uns au lieu de mur revêtent la fosse d’une cloison de charpente, garnie de chevrons latés, font descendre la charpente jusqu’au fond de la glaciere, & bâtissent environ à trois piés du fond une espece de plancher de charpente & de douves sous lequel l’eau s’écoule.

Si le terrein où est creusé la glaciere est très-ferme, on peut se passer de charpente, & mettre la glace dans le trou sans rien craindre ; c’est une grande épargne, mais il faut toûjours garnir le fond & les côtés de paille. Le dessus de la glaciere sera couvert de paille attachée sur une espece de charpente, élevée en pyramide, de maniere que le bas de cette couverture descende jusqu’à terre. On observe que la glaciere n’ait aucun jour, & que tous les trous en soient soigneusement bouchés.

La petite allée par laquelle on entre dans la glaciere regardera le nord, sera longue d’environ huit piés, large de deux à deux & demi, & fermée soigneusement aux deux bouts par deux portes bien closes. Tout-autour de cette couverture il faut faire au-dehors en terre une rigolle qui aille en pente pour recevoir les eaux, & les éloigner, autrement elles y croupiroient & fondroient la glace.

Pour remplir la glaciere il faut choisir, si cela se peut, un jour froid & sec, afin que la glace ne se fonde point ; le fond de la glaciere sera construit à claire-voie, par le moyen des pieces de bois qui s’entre-croiseront. Avant que d’y poser la glace on couvre ce fond d’un lit de paille, & on en garnit tous les côtés en montant, de sorte que la glace ne touche qu’à la paille. On met donc d’abord un lit de glace sur le fond garni de paille ; les plus gros morceaux de glace & les plus épais bien battus sont les meilleurs, & plus ils sont entassés sans aucun vuide, plus ils se conservent ; sur ce premier lit on en met un autre de glace, & ainsi successivement jusqu’au haut de la glaciere, sans aucun lit de paille entre ceux de glace. C’est assez qu’elle soit bien entassée, ce qu’on fait en la cassant avec des mailloches ou des têtes de coignées ; on jette de l’eau de tems-en-