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leur peut d’ailleurs vaincre toute patience & toute fermeté : c’est alors qu’il convient de donner des secours, qui, n’en portassent-ils que le nom, en deviennent de réels, & empêchent les souffrans de se desespérer.

Lorsque la fievre est de la partie, ou que les douleurs sont intolérables, si le goutteux est jeune, d’un tempérament sanguin & pléthorique, la saignée peut être pratiquée une ou deux fois. Simon Pauli préfere celle des veines gonflées de la partie affligée ; & il assûre, class. iij. tit. boni Henric. quadripart. botan. que par le secours d’une pareille saignée & du cataplasme suivant, il a fait en trois jours des guérisons miraculeuses.

♃ du bon Henri sans fleurs, quatre poignées ; des fleurs seches de camomille & de sureau, de chacune deux poignées : cuisez-les dans s. q. d’eau de sureau : tirez-en la pulpe, & mêlez-y demi-once de gomme caranne, & demi-gros de camphre.

M. Vieussens, auteur du novum syst. vasorum, préféroit la saignée à la partie goutteuse, & l’a pratiquée sur lui-même avec succès. Je l’ai faite aussi, & je puis assûrer que tant que le sang couloit, il n’étoit plus question de douleur ; que le sang jaillissoit avec une impétuosité étonnante, quoique le pié fût dans une situation beaucoup plus élevée que la tête, & qu’il n’eût pas été question de le mettre dans l’eau ; mais que la douleur recommençoit comme auparavant, dès que le sang avoit cessé de couler. Les sangsues peuvent souvent tenir lieu de la saignée, sur-tout pour les personnes délicates, & donner plus ou moins de soulagement, selon qu’elles tirent à-la-foi, une plus grande ou une moindre quantité de sang.

Le régime de vivre doit être severe, sur-tout pendant la fievre ; &, selon le degré, la continuité ou la durée, ne pas passer les bouillons ou les potages. Hors le cas de fievre, on peut vivre comme en santé ; avec la reserve pourtant de ne point souper, ou de souper peu ; d’éviter les ragoûts, le haut goût, les fritures, les viandes salées, les légumes secs, les artichauds, les asperges ; le poisson mou, comme la carpe, que julius Alexander, lib. V. salubr. cav. vj. assûre avoir donné la goutte à un de ses amis, qui étoit certain d’en prendre une attaque chaque fois qu’il en mangeoit.

La situation du membre souffrant est plus importante qu’on ne le pense communément, pour diminuer l’excès de la douleur & la rendre supportable ; il doit être élevé autant qu’il est possible, délivré du poids des couvertures, & souvent de la chaleur du lit, qui contribue si fort, sur-tout pendant la nuit, à augmenter celle qui existe déjà, & à irriter la douleur au point de ne laisser prendre aucun repos au malheureux goutteux.

Les applications les plus utiles & les plus innocentes qu’on ait encore trouvées, sont le lait froid ou tiede au sortir du pis de l’animal qu’on trait sur la partie malade, ou qu’on y applique avec des compresses ; le cataplasme avec le lait & les farines d’orge, d’avoine, ou la mie de pain blanc ; la tomme fraîche de lait de brebis, qu’on renouvelle souvent ; la pulpe d’oignon de lis ou d’oignon ordinaire, cuits au four ou sous la cendre, & nourrie avec l’huile d’amande douce, récente, tirée sans feu ; la chair de bœuf ou de veau, dont on applique des roüelles froides ou toutes palpitantes ; la cervelle des veaux, agneaux, moutons ; les anodyns, tels que le jaune d’œuf frais, l’onguent anodyn de Crollius ; les narcotiques même, si l’on est forcé d’y avoir recours. Mais la douleur, dans ses premiers transports, plus puissante que les remedes, élude presque toûjours leur secours, & n’en reçoit aucun adoucissement. C’est alors que le desespoir, qui ne connoît ni frein

ni danger, a inventé les bains d’eau froide, douce ou salée, de glace ou de neige, qui ont fait des guérisons promptes & miraculeuses ; mais qui ont fait aussi plus souvent remonter la goutte, ou qui l’ont changée en une mort subite.

Dans une maladie aussi indomptable, il n’est pas étonnant qu’on se soit retourné de tous les côtés, qu’on ait presque tout tenté ; & qu’après avoir éprouve le froid contre le chaud, combattu le mal par son contraire, on se soit avisé de lui opposer son semblable, & d’attaquer le feu par le feu même. Wilelm. Tenrhyne, dissert. de arthritide, pag. 102. soûtient que le feu est un excellent remede contre la goutte ; qu’il est innocent, & qu’il a vû les Japonois se guérir de leurs attaques, en mettant feu à du papier ou de la mousse dont ils entouroient la partie goutteuse : on en trouve plusieurs exemples dans Hippocrate & les anciens, qui se sont servis d’étoupes, de charpie, de mousse, &c. pour une pareille opération. Boerhaave la conseille, ainsi que le foüet avec des orties, pour attirer le levain en-dehors, lorsqu’on craint que la partie ne se durcisse trop tôt, & ne perde sa mobilité.

On seconde l’effet des topiques par les boissons de petit-lait, par les juleps anodyns, les opiates, par les clysteres émolliens ; mais ce n’est qu’après la premiere impétuosité de la douleur, qui est toujours invincible, selon Sydenham, qu’on peut retirer quelque fruit des applications propres à résoudre & à accélérer la destruction du levain goutteux. C’est alors qu’on peut employer avec succès l’emplâtre de Tachenius, dont voici la recette.

♃ de l’huile rosat ℔ j. Quand il sera chaud, délayez-y du savon blanc rapé ℥ iiij. ensuite ajoutez-y de la céruse & du minium en poudre, de chacun ℥ iiij. cuisez le tout lentement, en remuant toujours avec une spatule de bois, jusqu’à ce qu’il ait acquis la consistence d’un emplâtre : alors, après avoir laissé un peu refroidir, en remuant toûjours, mêlez-y une once de camphre, dissous auparavant dans un mortier avec q. s. d’esprit-de-vin, pour le réduire en forme de bouillie.

C’est au même moment de la diminution des tourmens, que M. James, dans son dictionnaire de Medecine, à la fin de l’article goutte, dans ses réflexions, propose un topique qui lui a été communiqué par un goutteux, qui n’est composé que de fleurs de sureau, de vinaigre & d’un peu de sel digérés ensemble, qui appliqué froid, ne laisse pas de faire beaucoup transpirer la partie ; & qui doit par conséquent, en attirant au-dehors & en évacuant le levain goutteux, l’empêcher de déposer, & abréger beaucoup la durée du paroxysme. C’est dans le même tems qu’on peut aussi appliquer avec utilité le baume de soufre térébenthine ; la térébenthine elle-même sur les étoupes, dont quelques personnes font un grand secret, ainsi que tous les différens baumes, principalement celui de la Mecque, avec lequel quelques goutteux croyent s’être guéris, ou du moins préservés de la goutte pendant plusieurs années.

On pourroit bien, avec autant de raison, appliquer les lithonptriptiques, les sels lixiviels, les absorbans, les savons, qui sont peut-être les seuls remedes capables d’attaquer la cause du mal, comme l’a soupçonné M. Deydier dans sa dissertation sur la goutte, imprimée à Montpellier en 1726 : an arthritidi curandæ quærendum topicum lithomptripticum. On pourroit bien aussi en faire usage intérieurement, comme nous le dirons ci-après, ainsi que des amers stomachiques aromatiques, qui ont toûjours été employés en pareille occasion pour fortifier l’estomac, ranimer les digestions, & détruire les reliquats du levain goutteux.

A l’égard de la purgation, elle ne trouve presque