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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/829

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laire autour du point d’union ; de maniere que si on connoît la vîtesse de rotation d’un point de chaque corps, on connoîtra la vîtesse de rotation de tous les autres points : & le mouvement de chacun sera composé de ce mouvement de rotation & d’un mouvement égal & parallele au mouvement du point d’union. Il y a donc ici quatre inconnues ; la quantité du mouvement du point d’union, sa direction, & la quantité du mouvement circulaire d’un point pris à volonté dans chaque corps. Or tous ces mouvemens doivent être tels (voyez Dynamique), que si on les imprimoit en sens contraire, ils feroient équilibre avec la puissance donnée qui pousse le corps. Décomposons donc le mouvement de chaque particule des deux corps en deux directions, l’une parallele, si l’on veut à la puissance donnée, l’autre perpendiculaire à la direction de cette même puissance. Il faut pour qu’il y ait équilibre, 1°. que la somme des forces paralleles à la puissance donnée lui soit égale ; 2°. que la force résultante des forces imprimées au navire en sens contraire, passe par le point où le gouvernail est joint au navire, c’est-à-dire par le point d’union ; 3°. que la somme des puissances perpendiculaires soit nulle ; 4°. que les forces perpendiculaires & paralleles, & la puissance donnée, se fassent mutuellement équilibre. Voilà les quatre équations qui serviront à trouver les quatre inconnues.

On pourroit croire, en y faisant peu d’attention, que la quatrieme condition revient à la premiere & à la troisieme ; mais il est aisé de voir qu’on seroit dans l’erreur. Quand deux puissances égales & paralleles, par exemple, tirent en sens contraire deux différens points d’un levier, leur somme est nulle, mais la somme de leurs momens ne l’est pas ; aussi n’y a-t-il pas équilibre. Voyez Equilibre, Levier, Moment, Statique.

Voilà la maniere générale de résoudre le problème ; elle peut être simplifiée par différens moyens, qu’il seroit trop long d’indiquer ici. Mais ceci suffit pour faire voir que le rapport des mouvemens du gouvernail à celui du vaisseau est un des problemes des plus délicats de la Dynamique, & que peut être il n’a été résolu jusqu’ici qu’assez imparfaitement, quoique suffisamment pour l’usage de la Marine.

Au reste comme la masse du gouvernail est très petite par rapport à celle du vaisseau, on peut si l’on veut la négliger dans la solution de ce probleme, & n’avoir égard qu’au mouvement du vaisseau produit par la résistance ou réaction de l’eau sur le gouvernail.

Ce problème est de la même nature que celui des rames ; il y a sur l’un & sur l’autre d’excellentes remarques à faire, que nous renvoyons au mot Rame. Ces remarques ont principalement rapport à l’action de la puissance qui fait tourner le gouvernail, & à la résistance de l’eau, qui doivent ici entrer l’une & l’autre en ligne de compte, si on veut résoudre la question avec toute la rigueur dont elle est susceptible. (O)

Gouvernail, (Hydr.) on appelle aussi de ce nom la queue d’un moulin ou machine hydraulique, qui le met d’elle-même au vent. (K)

GOUVERNANCE, s. f. (Jurisprud.) est un titre que l’on donne à plusieurs bailliages d’Artois & de Flandres ; ce qui vient de ce qu’anciennement les gouverneurs de ces pays en étoient les grands baillifs nés ; sous les anciens comtes d’Artois on appelloit bailliage, ce qui fut dans la suite nommé gouvernance. Mais cela ne différoit que de nom ; les droits des bailliages & des gouvernances ont toûjours été les mêmes, & actuellement les bailliages ne different des gouvernances que par rapport à leur ressort ; par exemple la gouvernance ou bailliage de Bethune

releve de la gouvernance d’Arras. Ainsi que l’on dise bailliage ou gouvernance de Bethune, c’est la même chose. Voyez l’auteur des notes sur la coûtume d’Artois, page 190. (A)

GOUVERNANTE D’ENFANS, (Economie morale.) c’est la premiere personne à qui les grands & les riches confient l’éducation d’un enfant lorsqu’il sort des bras de la nourrice : les impressions qu’il reçoit de la gouvernante sont plus importantes qu’on ne croit ; celles même que la nourrice lui donne ne sont pas sans conséquence.

Des premieres impressions que reçoit un enfant, dépendent ses premiers penchans ; de ses premiers penchans, ses premieres habitudes ; & de ces habitudes dépendront peut-être un jour les qualités ou les défauts de son esprit, & presque toûjours les vertus ou les vices de son cœur.

Considérons-le depuis l’instant qu’il est né : le premier sentiment qu’il éprouve est celui de la douleur, il la manifeste par des cris & par des larmes : si cette douleur vient de besoin, la nourrice s’empresse de le satisfaire ; si c’est d’un dérangement dans l’économie animale, la nourrice ne pouvant y apporter remede, tâche au moins de l’en distraire ; elle lui parle tendrement ; elle l’embrasse & le caresse. Ces soins & ces caresses toûjours amenées par les larmes de l’enfant, sont le premier rapport qu’il apperçoit ; bien-tôt pour les obtenir il manifestera par les mêmes signes un besoin moins grand, des douleurs moins vives ; bien-tôt encore, pour être caressé, il jettera des cris & répandra des larmes sans éprouver ni besoin ni douleur. Que si après s’être assûrée de la santé de l’enfant, la nourrice n’est pas attentive à réprimer ces premiers mouvemens d’impatience, il en contractera l’habitude ; sa moindre volonté ou le moindre retard à la satisfaire, seront suivis de cris & de mouvemens violens. Que sera-ce si une mere idolatre veut non-seulement qu’on obéisse à son enfant, mais qu’on aille au-devant de ses moindres fantaisies ? alors ses caprices augmenteront dans une proportion centuple à l’empressement qu’on aura pour les satisfaire ; il exigera des choses impossibles, il voudra tout-à-la-fois & ne voudra pas ; chacun de ses momens sera marqué par toutes les violences dont son âge est capable : il n’a pas vécu deux ans, & voilà déjà bien des défauts acquis.

Des bras de la nourrice, il passe entre les mains d’une gouvernante : elle est bien loin de se douter qu’il faille travailler d’abord à réprimer les mauvaises habitudes que l’enfant peut avoir ; quand elle l’imagineroit, elle en seroit empêchée par les parens : on ne veut pas le contrarier, on craindroit de le fâcher. Elle va donc, pour l’accoûtumer avec elle, lui prodiguer, s’il est possible, avec plus d’excès & plus mal-à-propos les mêmes soins & les mêmes caresses ; & au lieu de prendre de l’ascendant sur lui, elle va commencer par lui en laisser prendre sur elle.

Cependant il se fortifie & son esprit commence à se développer ; ses yeux ont vû plus d’objets, ses mains en ont plus touché, plus de mots ont frappé ses oreilles ; & ces mots toûjours joints à la présence de certains objets, en retracent l’image dans son cerveau ; de toutes parts s’y rassemblent des idées nouvelles ; déjà l’enfant les compare, & son esprit devient capable de combinaisons morales.

Il seroit alors de la plus grande importance de n’offrir à son esprit & à ses yeux que des objets capables de lui donner des idées justes & de lui inspirer des sentimens loüables ; il semble qu’on se proposé tout le contraire.

Les premieres choses qu’on lui fait valoir ne sont capables que de flatter sa vanité ou d’irriter sa gourmandise ; les premieres loüanges qu’il reçoit roulent