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suif de chandelle : le moyen de savoir si le mélange est tel qu’il doit être, est d’en laisser tomber quelques gouttes sur un corps froid, tel qu’une planche de cuivre, par exemple ; si ces gouttes se figent de maniere qu’elles soient médiocrement fermes, le mélange est juste ; si elles sont trop fermes & cassantes, vous remettrez de l’huile ; si au contraire elles sont trop molles & qu’elles restent presque liquides, vous ajoûterez une petite dose de graisse. Lorsque la mixtion sera au degré convenable, vous ferez bien bouillir le tout ensemble l’espace d’une heure, afin que le suif & l’huile se lient & se mêlent bien ensemble. On se sert d’une brosse ou d’un gros pinceau pour employer cette mixtion ; & lorsqu’on veut en couvrir le derriere du cuivre, on la fait chauffer de maniere qu’elle soit liquide.

Ces précautions nécessaires que je viens d’indiquer, sont communes aux ouvrages dans lesquels on s’est servi du vernis dur, & à ceux où le vernis mou a été employé : mais l’eau-forte dont on doit se servir, n’est pas la même pour l’un & l’autre de ces ouvrages. Commençons par l’eau-forte dont on se doit servir pour faire mordre les planches vernies au vernis dur.

Prenez trois pintes de vinaigre blanc, du meilleur & du plus fort ; six onces de sel commun, le plus net & le plus pur ; six onces de sel ammoniac clair, transparent, & qui soit aussi bien blanc & bien net ; quatre onces de verdet, qui soit sec & exempt de raclure de cuivre & de grappes de raisin avec lesquelles on le fabrique. Ces doses serviront de regle pour la quantité d’eau-forte qu’on voudra faire. Mettez le tout (après avoir bien pilé les drogues qui ont besoin de l’être) dans un pot de terre bien vernissé principalement en-dedans, & qui soit assez grand pour que les drogues en bouillant & en s’élevant ne passent pas par-dessus les bords ; couvrez le pot de son couvercle, mettez-le sur un grand feu ; faites bouillir promptement le tout ensemble deux ou trois gros bouillons, & non davantage. Lorsque vous jugerez à-peu-près que le bouillon est prêt à se faire, découvrez le pot & remuez le mélange avec un petit bâton, en prenant garde que l’eau-forte ne s’éleve trop & ne surmonte les bords, d’autant qu’elle a coûtume en bouillant de s’enfler beaucoup. Lorsqu’elle aura bouilli, comme je l’ai dit ci-dessus, deux ou trois bouillons, vous la retirerez du feu, vous la laisserez refroidir en tenant le pot découvert ; & lorsqu’elle sera enfin refroidie, vous la verserez dans une bouteille de verre ou de grès, la laissant reposer un jour ou deux avant que de vous en servir ; si en vous en servant vous la trouviez trop forte, & qu’elle fît éclater le vernis, vous la pourrez modérer en y mêlant un verre ou deux du même vinaigre dont vous vous serez servi pour la faire.

J’observerai ici que cette composition est assez dangereuse à faire, lorsqu’on ne prend pas l’attention de respirer le moins qu’il est possible la vapeur qui s’exhale, & de renouveller souvent l’air dans l’endroit où on la fait chauffer.

Après avoir composé l’eau-forte dont on se sert pour faire mordre la planche qu’on a vernie au vernis dur, il faut savoir en faire usage. Je vais dire premierement la maniere dont Bosse fait mention ; elle est la plus simple, mais non pas la plus commode. Je dirai ensuite comment M. le Clerc avoit commencé de rendre cette opération plus commode ; & je finirai par décrire une machine assez simple que j’ai fait exécuter, dont je me sers, & qui tout-à-la-fois ménage le tems de l’artiste, & le met à l’abri du danger qu’on peut courir par l’évaporation de l’eau-forte.

L’ancienne maniere d’employer l’eau-forte dont j’ai parlé, est de la verser sur la planche, de façon

qu’elle ne s’y arrête pas & qu’elle coule dans toutes les hachures. Pour cela on place la planche presque perpendiculairement, & pour plus de facilité on l’attache, à l’aide de quelques pointes, contre une planche de bois assez grande, qui a un rebord par en-haut & par les deux côtés. On l’appuie presque perpendiculairement, ou contre un mur, ou contre un chevalet ; ensuite on met au-dessous une terrine qui reçoit l’eau-forte qu’on verse sur la planche, & qui se rend dans la terrine après avoir coulé dans toutes les hachures. La planche de bois dont j’ai parlé, & sur laquelle la planche de cuivre est attachée, sert à empêcher l’eau-forte qu’on verse de tomber à terre, & les rebords la contiennent : on voit par-là qu’il ne faut pas qu’il y en ait en-bas, puisqu’alors l’eau-forte trouveroit un obstacle pour se rendre dans le vase qui doit la recevoir. On prend encore une précaution pour qu’elle se rende plus immédiatement dans ce vase : c’est de mettre au-dessous de la planche de bois une espece d’auge dans laquelle cette planche de bois entre, & qui la débordant des deux côtés, reçoit sans qu’il s’en perde toute l’eau-forte, qui y est conduite par les rebords dont j’ai parlé. L’auge est percée d’un seul trou, qui répond à la terrine qui est au-dessous ; & moyennant ces précautions, toute l’eau-forte, après avoir lavé la planche, se rend dans la terrine. On la puise de nouveau alors avec le vase qui sert à la verser, & on la répand encore sur la planche ; ce qu’on recommence jusqu’à ce que l’opération soit faite, en observant toûjours que lorsqu’on la verse la planche en soit bien inondée, afin qu’elle pénetre dans toutes les hachures. Voilà la plus ancienne maniere de faire mordre avec cette sorte d’eau-forte, qu’on nomme communément eau-forte à couler.

La Pl. I. rendra cette explication plus sensible ; on y voit à la fig. 2. let. A, le graveur versant l’eau-forte ; la lettre B désigne la planche de cuivre attachée sur la planche de bois marquée C : les rebords sont indiqués par les lettres D, l’auge par la lettre E, & la terrine par la lettre F. Passons à la maniere dont M. le Clerc a cherché à simplifier cette opération : il a senti que son objet principal étoit de faire passer l’eau-forte sur la planche, & que c’étoit en partie par ce mouvement qu’elle approfondissoit les tailles qu’on a faites sur le vernis ; il a jugé alors qu’en attachant la planche de cuivre horisontalement dans le fond d’une espece de boîte découverte plus grande que la planche de cuivre ; qu’en enduisant cette boîte de suif, pour qu’elle contînt l’eau-forte ; qu’en y versant ensuite de l’eau-forte, & en baissant & haussant alternativement cette boîte, l’eau-forte qui y seroit passeroit sur la planche au premier mouvement, & y repasseroit en second en allant d’un côté de la boîte à l’autre ; qu’ainsi en ballottant cette eau-forte par le moyen des deux mains, on épargneroit la fatigue qu’on essuie dans la maniere précédente, dans laquelle il faut ramasser l’eau-forte dans la terrine, pour la reporter sans cesse sur la planche. D’ailleurs la façon précipitée dont l’eau-forte contenue dans la boîte passe sur la planche, fait gagner un tems considérable à l’artiste ; ce qui est un objet intéressant.

C’est cet objet qui m’a déterminé à chercher un nouveau moyen. J’ai premierement obvié à l’évaporation de l’eau-forte, dont la vapeur est nuisible à celui qui fait mordre, en adaptant à la boîte dont je viens de parler un couvercle qui n’est autre chose qu’un verre blanc, une vitre ou une glace montée à jour dans un quadre de fer-blanc ou d’autre métal. Ce couvercle qui ferme exactement la boîte, empêche que la vapeur de l’eau-forte mise en mouvement ne soit à beaucoup près aussi abondante & aussi nuisible que lorsqu’elle se répand librement. Les boî-