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L’office ou cohorte du gouverneur étoit composée de quatre sortes de ministres, dont les greffiers réunissent aujourd’hui toutes les fonctions : les uns appellés exceptores, qui recevoient sous le juge les actes judiciaires ; d’autres regendarii, qui transcrivoient ces actes dans des registres ; d’autres appellés cancellarii, à cause qu’ils étoient dans un lieu fermé de barreaux, mettoient ces actes en forme, les souscrivoient & délivroient aux parties. Ces chanceliers devinrent dans la suite des officiers plus considérables. Enfin il y avoit encore d’autres officiers que l’on appelloit ab actis seu actuarii, qui recevoient les actes de jurisdiction volontaire, telles que les émancipations, adoptions, manumissions, les contrats & testamens que l’on vouloit insinuer & publier, & ceux-ci tenoient un registre de ces actes qui étoit autre que celui des actes de jurisdiction contentieuse.

En France, les juges se servoient anciennement de leurs clercs pour notaires ou greffiers : on appelloit clerc tout homme lettré, parce que les ecclésiastiques étoient alors presque les seuls qui eussent connoissance des lettres. Ces clercs attachés aux juges demeuroient ordinairement avec eux, & étoient ordinairement du nombre de leurs domestiques & serviteurs ; c’étoient proprement des secrétaires plûtôt que des officiers publics ; Philippe le Bel en 1303, leur défendit de se servir de leurs clercs pour notaires.

Ces clercs ou notaires étoient d’abord amovibles ad nutum du juge : cependant Chopin sur la coûtume de Paris, rapporte un arrêt de l’an 1254, où l’on trouve un exemple d’un greffe, c’étoit celui de la prevôté de Caën, qui étoit héréditaire, ayant été donné par Henri roi d’Angleterre à un particulier pour lui & les siens ; au moyen de quoi on jugea que ce greffe étoit un patrimoine où la fille avoit part, quoiqu’elle ne pût pas exercer ce greffe, parce qu’elle le pouvoit faire exercer par une personne interposée : mais observez que ce n’étoit pas un greffe royal, car le roi d’Angleterre l’avoit donné comme duc de Normandie & seigneur de la ville de Caen.

Dans les cours d’église, quoiqu’il y eût alors beaucoup plus d’affaires que dans les cours séculieres, il n’y avoit point de scribe ou greffier en titre d’office, tant on faisoit peu d’attention à cet état. Le chap. quoniam extrà de prob. permet au juge de nommer tel scribe que bon lui semblera, pour chaque cause.

Fhilippe le Bel révoqua les aliénations qui avoient été faites au profit de plusieurs personnes de ces notairies, écritures, enregistremens, garde des registres, &c. aux uns à vie, d’autres à volonté, d’autres pour un certain tems, par voie d’accensement. Ces lettres furent confirmées par Philippe V. dit le Long, le 8 Mars 1316.

Charles IV. par un mandement du 10 Novembre 1322, ordonna que les greffes seroient donnés à ferme ; mais les greffes n’y sont désignés que sous le nom de scripturæ, stilli, scribaniæ memoriala processuum : il paroît que l’on faisoit une différence entre scripturæ & scribaniæ ; ce dernier terme semble se rapporter singulierement à la fonction des commis du greffe, qui ne faisoient que copier, comme font aujourd’hui les greffiers en peau.

Dans une ordonnance de 1327, les greffiers du châtelet sont nommés registratores.

Ceux qui faisoient la fonction de greffiers au parlement étoient d’abord qualifiés notaires ou clercs, & quelquefois clercs-notaires ou amanuenses quia manu propriâ scribebant ; on leur donna ensuite le nom de registreurs. Il n’y avoit d’abord qu’un seul greffier en chef, qui étoit le greffier en chef civil : mais comme il étoit clerc, c’est-à-dire ecclésiastique, & qu’il ne devoit pas signer les jugemens dans les affaires criminelles, on établit un greffier en chef criminel qui

étoit lai ; on établit ensuite un troisieme greffier pour les présentations, qu’on appelloit d’abord le receveur des présentations. MM. du Tillet, greffiers en chef du parlement, prirent dans la suite le titre de commentariensis, qui est synonyme de registrator.

Ce n’est que dans une ordonnance du mois de Mars 1356, faite par Charles V. alors lieutenant-général du royaume, qu’il est parlé pour la premiere fois des greffiers & clercs du parlement : les greffes ou écritures des greffiers en général y sont encore nommés clergies, & il est dit que les clergies ne seront plus données à ferme, à cause que les fermiers exigeoient des droits exorbitans, mais qu’ils seront donnés à garde par le conseil des gens du pays & du pays voisin.

Il ordonna néanmoins le contraire le 4 Septembre 1357, c’est à-dire que les greffes qu’il appelle scripturæ seroient donnés à ferme & non en garde, parce que, dit-il, ils rapportent plus lorsqu’ils sont donnés en garde ; la dépense excede souvent la recette.

Le roi Jean ayant reconnu l’inconvénient de ces baux, ordonna le 5 Décembre 1360, que les clergeries ou greffes, tant des bailliages & sénéchaussées royales que des prevôtés royales, ne seroient plus données à ferme ; mais que dorénavant on les donneroit à des personnes suffisantes & convenables qui sauroient les bien gouverner & exercer sans grever le peuple.

On voit dans un réglement fait par ce même prince le 7 Avril 1361, qu’il y avoit alors au parlement trois greffiers qui sont nommés registratores seu grefferii ; ils avoient des gages & manteaux dont ils étoient payés sur les fonds assignés pour les gages du parlement.

Dans un autre réglement de la même année, le greffier civil & le greffier criminel du parlement, avec le receveur des présentations, sont compris dans la liste des notaires ou secrétaires du roi.

Il y avoit autrefois un fonds destiné pour payer aux greffiers du parlement l’expédition des arrêts, au moyen de quoi ils les délivroient gratis ; ce qui dura jusqu’au regne de Charles VIII. qu’un commis du greffe qui avoit le fonds destiné au payement de l’expédition des arrêts, s’étant enfui, le roi qui étoit en guerre avec ses voisins, & pressé d’argent, laissa payer les arrêts par les parties ; ce qui ne coûtoit d’abord que six blancs ou trois sous la piece.

Dans les autres tribunaux, les greffiers n’étoient toûjours appellés que notaires ou clercs jusqu’au tems de Louis XII. où les ordonnances leur donnerent le titre de greffier, & recevoient des parties un émolument pour l’expédition des jugemens.

Il s’étoit introduit un abus de donner à ferme les greffes avec les prevôtés & les bailliages ; ce qui fut défendu d’abord par Charles VI. en 1388, qui ordonna que les clergies seroient affermées à des personnes qui ne tiendroient point aux baillis & senéchaux. Charles VIII. par son ordonnance de l’an 1493, sépara aussi l’office de juge d’avec le greffe & autres émolumens de la justice.

L’usage de donner les greffes royaux à ferme continua jusqu’en 1521, que François I. érigea les greffiers en titre d’office. Cet édit ne fut pas d’abord exécuté, on continua encore de donner les greffes à ferme : Henri II. renouvella en 1554 l’édit de François I. mais Charles IX. le révoqua en 1564, remettant les greffes en ferme ; il le rétablit pourtant en 1567 ; & enfin en 1580, Henri III. réunit les greffes à son domaine, & ordonna qu’ils seroient vendus à faculté de rachat, de même que les autres biens domaniaux ; il attribua néanmoins à ces offices le droit d’hérédité. Les greffiers du parlement furent créés en charge dès 1577 ; mais cela ne fut exécuté que par édit de 1673 le 23 Mars.