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les d’eau qu’il touche dans sa chûte, on concevra aisément comment il peut devenir le noyau d’une ou de plusieurs couches de glace, qui augmenteront considérablement son volume & son poids : ce qui prouve que la grosse grêle se forme de cette maniere, c’est qu’elle n’est jamais d’une densité uniforme depuis la surface jusqu’au centre.

Les gouttes de pluie ont rarement plus de trois lignes de diametre, ce n’est que dans certaines pluies extraordinaires qu’on a vû tomber des gouttes dont le diametre étoit de près d’un pouce : on voit par-là jusqu’où peut aller la grosseur des grains de grêle, lorsqu’elle n’excede point celle des gouttes de pluie ; ce qui est le cas le plus fréquent.

Lorsque par les causes que nous avons exposées, ou par quelque autre semblable, le volume & le poids de la grêle sont plus grands qu’ils ne devroient être naturellement, il arrive quelquefois que la grêle est d’une grosseur prodigieuse ; on en a vû dont les grains étoient aussi gros que des œufs de poule & d’oie, d’autres qui pesoient une demi-livre, trois quarts, & une livre : dans les mêmes orages comme dans les orages différens, les grains de grêle ne sont pas tous de même grosseur. L’histoire de l’académie des Sciences parle d’une grêle qui ravagea le Perche en 1703 ; les moindres grains étoient comme des noix, les moyens comme des œufs de poule, les autres étoient comme le poing, & pesoient cinq quarterons. Ce n’est pas dans les seuls écrits des physiciens, qu’il faut chercher des détails sur ces sortes de phénomenes ; les historiens dans tous les tems ont pris soin de nous en transmettre le souvenir. Aujourd’hui, lorsqu’une de ces grêles extraordinaires desole quelque contrée, les nouvelles publiques ne manquent guere d’en faire mention.

Nous avons dit que la figure des grains de grêle approchoit ordinairement de la sphérique ; cette rondeur est une suite de celle qu’affectent naturellement les gouttes de pluie, comme toutes les autres gouttes d’eau, tant par l’attraction mutuelle des particules qui les composent, que parce que l’eau s’unit difficilement avec l’air ; plusieurs causes peuvent empêcher que cette rondeur ne soit parfaite ; le vent en est une des principales, il comprime les gouttes de pluie, il les applatit, il les rend concaves ou anguleuses dans certaines portions de leurs surfaces. Les gouttes en se convertissant en grêle, conservent ces mêmes figures, & de-là vient qu’il est si rare de voir des grains de grêle parfaitement sphériques, principalement quand leur chûte est accompagnée d’un vent violent.

La grosse grêle formée par la réunion des différentes couches de glace, est tantôt conique ou piramydale, quelquefois hémi-sphérique, souvent fort anguleuse. Une chose assez constante parmi toutes ces variétés, c’est que les grains qui tombent dans le même orage sont tous à-peu-près de même figure ; dans certains orages, par exemple, ils sont tous coniques, dans d’autres hémi-sphériques, &c.

La transparence & la couleur de la grêle ne sont pas plus exemptes de variations que sa grosseur & que sa figure. Si l’on voit tomber des grains de grêle dont la transparence est seulement un peu moindre que celle de l’eau dont ils sont formés, on en observe assez communément qui sont opaques & blanchâtres. Souvent le noyau qu’on apperçoit au milieu de certains grains de grêle, est fort blanc, tandis que les couches de glace qui l’environnent sont transparentes : en découvrant ce noyau, on le trouve semblable à de la neige ramassée.

Il y a une sorte de menue grêle connue sous le nom de grésil, dont la blancheur égale celle de la neige. Le grésil est dur & peut être comparé à de la coriandre sucrée.

On ne doit pas confondre le grésil avec une autre sorte de grêle fort menue aussi, qu’on voit quelquefois tomber par un tems calme, humide & tempéré, & qui se fond presque toûjours en tombant ; elle a peu de consistance, & paroît comme saupoudrée d’une espece de farine : on peut dite qu’elle tient en quelque sorte le milieu entre la neige & la grêle ordinaire.

La chûte de la grêle est accompagnée de plusieurs circonstances la plûpart assez connues. 1°. Le tems est fort sombre, couvert & orageux. 2°. Toutes les fois que la grêle est un peu grosse, l’orage qui la donne est excité par un vent d’ordinaire assez impétueux & qui continue de souffler avec violence pendant qu’elle tombe. 3°. Le vent n’a quelquefois aucune direction bien déterminée, & il paroît souffler indifféremment de tous les points de l’horison : ce qu’on remarque assez constamment, c’est qu’avant la chûte de la grêle il y a toûjours du changement dans les vents ; si, par exemple, le vent de midi a chassé vers nous l’orage, il ne grêlera que quand le vent de nord aura commencé à souffler. 4°. Quand il grêle, & même avant que la grêle tombe, on entend souvent un bruit dans l’air causé par le choc des grains de grêle que le vent pousse les uns contre les autres avec impétuosité. 5°. La grêle tombe seule ou mêlée avec la pluie, & dans le premier cas, la pluie la précede ou la suit. 6°. Lorsque la grêle est un peu considérable, elle est presque toûjours accompagnée de tonnerre. Plusieurs auteurs vont plus loin, car ils assûrent comme une chose indubitable, qu’il ne grêle jamais sans qu’il tonne ; je crois qu’il seroit difficile de le prouver. A Montpellier où la grêle n’est pas fréquente à beaucoup près, si l’on en juge par comparaison à ce qu’il en tombe chaque année à Paris, j’ai vû grêler plus d’une fois sans entendre le moindre coup de tonnerre. On dira peut-être qu’il tonnoit alors à quelques lieues de Montpellier dans les endroits où étoit le fort de l’orage : cela peut être vrai, mais le contraire pourroit l’être aussi. Ne donnons pas à la nature des lois générales qu’elle desavoue : arrêtons-nous à ce qu’il y a de certain sur cette matiere, c’est que le tonnerre accompagne toûjours la grêle qui est un peu considérable. Jamais le tonnerre ne gronde & n’éclate avec plus de force que dans ces grêles extraordinaires dont nous avons parlé, dont les grains sont d’une grosseur si prodigieuse ; les éclairs, les foudres, se succedent sans interruption, le ciel est tout en feu, l’obscurité de l’air est d’ailleurs effroyable, on diroit que l’univers va se replonger dans son premier cahos. 7°. Quoique les orages qui donnent la grêle soient quelquefois précédés de chaleurs étouffantes, on remarque néanmoins qu’aux approches de l’orage, & plus encore après qu’il a grêlé, l’air se refroidit considérablement.

Des physiciens célebres paroissent persuadés qu’il ne grêle jamais que pendant le jour : M. Hamberger dit à cette occasion qu’un de ses amis âgé de soixante-dix ans l’a assûré qu’il n’avoit jamais vû grêler la nuit. Elém. physiq. n°. 520. Tout jeune que je suis, je puis assûrer le contraire ; j’ai vû plus d’une fois tomber de la grêle à Montpellier pendant la nuit & à différentes heures de la nuit.

La grêle est plus fréquente à la fin du printems & pendant l’été, qu’en aucun autre tems de l’année ; elle est moins fréquente en autonne & assez rare en hyver. Le grésil tombe communément au commencement du printems.

Quand on dit que la grêle est rare en hyver, on ne prétend point que ce soit un phénomene tout-à-fait extraordinaire d’en voir dans cette saison. A Montpellier, où l’on passe quelquefois des années entieres sans avoir de la grêle, j’en ai vû tomber qua-