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ce, qui en constituent la souveraineté : la moitié des députés est nommée par la ville, & l’autre moitié par les Ommelandes. Il semble en gros que le gouvernement de cette province a quelque conformité à celui de l’ancienne Rome, du-moins autant qu’il est permis de comparer le petit au grand. (D. J.)

Groningue, (Géog.) ville des Pays-Bas, capitale de la province ou seigneurie de même nom, l’une des Provinces-Unies, avec une citadelle, une université fondée en 1614, & autrefois un évêché qui étoit suffragant d’Utrecht ; elle est sur les rivieres de Hunnes & d’Aa, à quatre lieues de la mer, onze est de Leeuwarden, vingt-deux nord-est de Deventer, trente-quatre nord-est d’Amsterdam. Long. 24. latit. 53. 13.

Cette ville subsistoit déjà l’an 1040 ; on croit qu’elle est bâtie dans le même lieu où Corbulon général des Romains, fit construire une citadelle pour s’assûrer de la fidélité des Frisons : c’est la conjecture d’Altingius.

Entre les savans que cette ville a produits, je n’en citerai que trois qu’il n’est pas permis d’oublier, Wesselus, Trommius, & Schultens.

Vesselus, (Jean) l’un des plus habiles hommes du quinzieme siecle, naquit à Groningue vers l’an 1419, & doit être regardé comme le précurseur de Luther : ses manuscrits furent brûlés après sa mort ; mais ceux qui échapperent des flammes furent imprimés à Groningue en 1614, & puis à Amsterdam en 1617. Le pape Sixte IV. avec lequel cet homme rare avoit été autrefois fort lié, lui offrit toutes sortes d’honneurs & de faveurs, & des bénéfices & des mitres : Vesselus refusa tout, & n’accepta que deux exemplaires de la bible, l’un en grec & l’autre en hébreu ; il revint chargé de ces deux livres plus chers à ses yeux que les dignités de la cour de Rome, & il en fit ses delices dans son pays.

Trommius, (Abraham) a immortalisé son nom par ses concordances flamande & greque de l’ancien testament de la version des Septante. Il est mort en 1719 âgé de quatre vingt-six ans.

Schultens, (Albert) réunit dans tous ses ouvrages la saine critique à la plus grande érudition. Le dix-huitieme siecle n’a point eu de savant plus versé dans les langues orientales que l’étoit M. Schultens ; il a fini ses jours à Leyde en 1741. (D. J.)

* GROS, adj. (Gramm.) terme de comparaison ; son correlatif est petit. Il me paroît dans presque tous les cas, s’étendre aux trois dimensions du corps, la longueur, la largeur, & la profondeur, & en marquer une quantité considérable dans le corps appellé gros par comparaison à des corps de la même espece. J’ai dit presque dans tous les cas, parce qu’il y en a où il ne désigne qu’une dimension ; ainsi un gros homme est celui dont le corps a plus de diametre que l’homme n’en a communément, relativement à la hauteur de cet homme ; alors petit n’est pas son correlatif ; il se dit de la hauteur, & un petit homme est celui qui est au-dessous de la hauteur commune de l’homme.

GROS TOURNOIS, (Hist. des monn.) ancienne monnoie de France en argent, qui fut d’abord faite à bordure de fleurs-de-lis.

Les gros tournois succéderent aux sous d’argent ; ils sont quelquefois nommés gros deniers d’argent, gros deniers blancs, & même sous d’argent ; il n’est rien de si célebre que cette monnoie depuis S. Louis jusqu’à Philippe de Valois, dans les titres & dans les auteurs anciens, où tantôt elle est appellée argenteus Turonensis, tantôt denarius grossus, & souvent grossus Turonensis. Le nom de gros fut donné à cette espece, parce qu’elle étoit alors la plus grosse monnoie d’argent qu’il y eût en France, & on l’appella tournois, parce qu’elle étoit fabriquée à Tours, com-

me le marque la légende de Turonus civis pour Turenus civitas.

Quoique Philippe d’Alsace comte de Flandres, qui succéda à son pere en 1185, eût fait fabriquer avant S. Louis des gros d’argent avec la bordure de fleurs-de-lis, S. Louis passe pour l’auteur des gros tournois de France avec pareille bordure ; c’est pourquoi dans toutes les ordonnances de Philippe le Bel & de ses successeurs, où il est parlé de gros tournois, on commence toûjours par ceux de S. Louis : cette monnoie de son tems étoit à onze deniers douze grains de loi, & pesoit un gros sept grains  : il y en avoit par conséquent cinquante-huit dans un marc. Chaque gros tournois valoit douze deniers tournois ; de sorte qu’en ce tems-là le gros tournois étoit le sou tournois. Il ne faut pourtant pas confondre ces deux especes ; la derniere a été invariable & vaut encore douze deniers, au lieu que le gros tournois a souvent changé de prix.

Remarquez d’abord, si vous le jugez à-propos, la différence de l’argent de nos jours à celui du tems de S. Louis ; alors le marc d’argent valoit 54 sous 7 den. il vaut aujourd’hui 52 liv. ainsi le gros tournois de S. Louis, qui valoit 12 den. tournois, vaudroit environ 18 s. de notre monnoie actuelle.

Remarquez encore que les gros tournois, qui du tems de S. Louis étoient à 11 den. 12 grains de loi, ne diminuerent jamais de ce côté-là ; qu’au contraire ils furent quelquefois d’argent fin, comme sous Philippe de Valois, & souvent sous ses successeurs, à 11 den. 15, 16, 17 grains : mais il n’en fut pas de même pour le poids & pour la valeur ; car depuis 1343 sous Philippe de Valois, leur poids diminua toûjours, & au contraire leur valeur augmenta ; ce qui montre que depuis S. Louis jusqu’à Louis XI. la bonté de la monnoie a toûjours diminué, puisqu’un gros tournois d’argent de même loi, qui pesoit sous Louis XI. 3 den. 7 grains, ne valoit sous S. Louis que 12 den. tournois, & que ce même gros sous Louis XI. ne pesant que 2 den. 18 grains & demi, valoit 34 den.

Enfin observez que le nom de gros s’est appliqué à diverses autres monnoies qu’il faut bien distinguer des gros tournois : ainsi l’on nomma les testons grosse capitones ; les gros de Nesle ou négelleuses, étoient des pieces de six blancs. Les gros de Lorraine étoient des carolus, &c. mais ce qu’on nomma petits tournois d’argent étoit une petite monnoie qui valoit la moitié du gros tournois : on les appelloit autrement mailles ou oboles d’argent, & quelquefois mailles ou oboles blanches.

M. le Blanc, dans son traité des monnoies, vous donnera les représentations des gros tournois pendant tout le tems qu’ils ont eu cours. Au reste cette monnoie eut différens surnoms selon les différentes figures dont elle étoit marquée ; on les appella gros à la bordure de lis, gros à la fleur-de-lis, gros royaux, gros à l’O, gros à la queue, parce que la croix qui s’y voyoit avoit une queue ; gros à la couronne, parce qu’ils avoient une couronne, &c. (D. J.)

Gros, ou Groat, (Hist. mod.) en Angleterre signifie une monnoie de compte valant quatre sous. Voyez Sou.

Les autres nations, savoir les Hollandois, Polonois, Saxons, Bohémiens, François, &c. ont aussi leurs gros. Voyez Monnoie, Coin, &c.

Du tems des Saxons, il n’y avoit point de plus forte monnoie en Angleterre que le sou, ni même depuis la conquête qu’en firent les Normans jusqu’au regne d’Edoüard III. qui en 1350 fit fabriquer des gros, c’est-à-dire de grosses pieces, ayant cours pour 4 den. piece : la monnoie resta sur ce pié-là jusqu’au regne d’Henri VIII. qui en 1504 fit fabriquer le premier les schelins. Voyez Schelin & Groschen.