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l’ornement que pour l’utilité. On les ornoit souvent d’or, de broderie & de pierres précieuses, pour frapper le peuple par un appareil majestueux.

Plusieurs auteurs ont donné des explications mystiques de la forme & de la couleur des habits sacrés. Saint Grégoire de Nazianze nous représente le clergé vêtu de blanc, imitant les anges par son éclat. Saint Chrysostôme compare l’étole de linge fin que les diacres portoient sur l’épaule gauche, & dont ils se servoient pendant les saints mysteres, aux aîles des anges. Saint Germain patriarche de Constantinople est celui qui s’est le plus étendu sur ces explications. L’étole représente, selon lui, l’humanité de Jesus-Christ teinte de son propre sang. La tunique blanche marque l’éclat & l’innocence de la vie des Ecclésiastiques ; les cordons de la tunique figurent les liens dont Jesus-Christ fut chargé. La chasuble représente la robe de pourpre dont il fut revêtu dans sa passion. Le pallium qui est fait de laine, & que le prélat porte sur son cou, signifie la brebis égarée que le pasteur doit conduire au bercail, & ainsi des autres. Thomassin, discipl. ecclésiast. part. I. liv. I. chap. xxxiij. part. II. liv. II. chap. xxxiij. & part. III. liv. I. chap. xxiij.

On peut compter parmi les habits sacrés le rochet, le surplis, l’aumusse, la mitre, le pallium, &c. qu’on trouvera dans ce Dictionnaire sous leurs titres respectifs.

Bingham dans ses antiquités, s’échauffe beaucoup & d’une maniere assez peu digne d’un savant de son mérite, pour prononcer que dans la primitive Eglise les évêques & les prêtres n’avoient pas d’autres habits, pour célébrer l’office divin, que leurs habits ordinaires. Nous convenons volontiers que pour la forme ils n’étoient pas différens des longues robes, des manteaux, des tuniques : c’étoient les habits que portoit tout le monde ; & parce que les Goths, les Vandales, & les autres nations barbares qui se répandirent dans l’empire romain, y apporterent des habillemens tout différens, falloit-il pour cela que le clergé adoptât leurs modes, & qu’il en changeât ainsi que de vainqueurs & de maîtres ? Cet auteur convient lui-même que dès le quatrieme siecle les clercs avoient déjà des habits particulierement destinés aux fonctions de leur ministere. Il y avoit donc déjà à cet égard des regles & des usages établis ; & quand il n’y en auroit pas eu, a-t-on jamais contesté à quelque religion que ce fût le droit de régler l’extérieur & la décence de ses ministres dans les cérémonies publiques ? Mais quel inconvénient y auroit-il, que dans des siecles plus reculés les évêques & les prêtres eussent eu dans les églises des habits pareils à ceux qu’ils portoient en public, mais seulement plus riches & plus ornés ? Après tout, cet Ouvrage n’est pas un livre de controverse ; & au lieu d’ennuyer ici le lecteur par une dispute frivole, il vaut mieux l’amuser par les recherches curieuses que l’auteur anglois a faites sur la forme des anciens habits que portoient les ecclésiastiques. Il en nomme plusieurs : savoir, le birrum ou la tunique commune, le pallium ou manteau, le colobium, espece de chemisette, la dalmatique, la casaque gauloise, l’hemiphorium, espece de tunique courte, & la robe ou chemise de lin, linea.

Le birrum ou tunique commune étoit l’habit des séculiers, & les ecclésiastiques le portoient également. Saint Augustin semble dire qu’un évêque ou un prêtre ne doit point porter un vêtement de cette sorte qui soit précieux, qu’il doit le vendre pour soulager les pauvres ; mais ne sait-on pas que pour cette cause il est permis de vendre même les vases sacrés, & que plusieurs saints évêques en ont usé ainsi ? S’ensuit-il de-là qu’on n’en devroit point avoir du-tout ?

Le pallium ou manteau étoit une ample piece d’étoffe que les anciens portoient par-dessus la robe, & qu’ils retroussoient sous le bras gauche ; les clercs, les ascetes même le portoient aussi-bien que les gens du monde. Le manteau long de nos ecclésiastiques d’aujourd’hui est d’une forme différente & d’un usage moins universel ; mais il faut être étrangement prévenu pour le trouver indécent.

Le colobium étoit une tunique courte avec des manches aussi courtes & serrées ; c’étoit l’habit de dessous des anciens romains, & les clercs en faisoient le même usage. La dalmatique étoit une tunique plus ample, traînante jusqu’aux talons avec des manches fort larges. Bingham lui-même prouve qu’elle étoit connue du tems de Cicéron ; mais quand l’usage n’en auroit pas été extrèmement commun alors, il pouvoit l’être du tems de S. Cyprien, dans la passion duquel on lit, cùm se dalmaticâ expoliasset ; leçon que condamne vivement Bingham, après le docteur Fell, comme une altération impardonnable. Nous avons raccourci la dalmatique, & d’un habit commun nous en avons fait un ornement majestueux.

La casaque gauloise, caracalla, étoit un habit propre aux laïcs ; mais il ne paroît par aucun monument que les ecclésiastiques l’ayent adopté.

L’hemiphorium étoit, selon le pere Petau, une courte tunique de dessous ou un demi-manteau que les clercs portoient sans doute comme les laïcs, mais qu’il ne faut pas confondre avec l’omophorium, ornement particulier aux évêques, & dont parle S. Germain de Constantinople.

Enfin linea, la chemise de lin n’est aux yeux de Bingham qu’une chemise ordinaire, sur-tout dans la relation du martyre de S. Cyprien ; nous ne nous opiniâtrerons pas à soûtenir avec Baronius que c’étoit un rochet épiscopal. Mais n’a-t-on pas une foule de monumens qui prouvent que dès-lors dans le ministere des autels l’évêque & les prêtres étoient vêtus de longues robes blanches ? & ces robes ne pouvoient-elles pas être de lin si commun chez les anciens ? Voyez au mot Aube ce que nous avons dit sur cette matiere ; voyez aussi Bingham, orig. ecclés. tome II. liv. VI. c. jv. §. 18, 19 & 20. (G)

Habit religieux, (Hist. ecclésiastiq.) vêtement uniforme que portent les religieux & religieuses, & qui marque l’ordre dans lequel ils ont fait profession.

Les fondateurs des ordres monastiques ayant d’abord habité les deserts, n’ont donné à leurs religieux que le vêtement qu’ils portoient eux-mêmes ; & l’on conçoit bien qu’ils n’ont pas voulu les mieux traiter. Saint Athanase parlant des habits de saint Antoine, dit qu’ils consistoient dans un cilice de peau de brebis & dans un simple manteau. S. Jérôme écrit que saint Hilarion n’avoit qu’un cilice, une saye de paysan, & un manteau de peau ; mais comme cet habit là étoit alors en Orient & en Occident l’habit commun des bergers & des montagnards, il n’avoit garde d’en prendre un qui fût moins grossier.

Les religieux ou les communautés qui se sont établis pour vivre dans les villes, ont reçu l’habit que portoient les instituteurs de leurs ordres ; & sans cela peut-être on n’eût jamais parlé d’eux.

Ainsi S. Dominique eut soin de donner à ses disciples l’habit qu’il avoit porté lui-même. Les Jésuites, les Barnabites, les Théatins, les Oratoriens, &c. n’ont pas manqué de prendre l’habit de leurs fondateurs. S’ils paroissent d’abord extraordinaires, c’est que les ordres religieux n’ont pu changer comme les laïcs, ni suivre les modes que le tems a fait naître ; mais ils n’y ont rien perdu : on les distingue tous par leurs habits, ce qui est un très-grand avan-