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cramentum alicui fidem promittam. Il prend Dieu à témoin de sa disposition, & il conseille de souffrir toutes sortes de tourmens plutôt que de rendre hommage : nullæ minæ, nulla promissio, nulla astutia à religione vestrâ extorqueat aut homagium, aut jusjurandum, aut fidei allegationem. Anselm. l. III. c. xxxvj. lx. lxv. lxxvij. lxxxviij. xc. xcij.

Le pape Urbain II. dit le P. Thomassin, condamna en moins de mots, & encore plus clairement, le serment de fidélité & l’hommage dans le concile de Clermont de l’an 1095, ne episcopus vel sacerdos regi vel alicui laïco in manibus ligiam fidelitatem faciat. Part. IV. l. II. ch. liij. p. 220. Lambert, évêque d’Arras, assista à ce concile, & en publia les canons dans un synode qu’il tint en 1097.

En 1114, les troubles qui avoient agité l’Angleterre étant calmés, il se tint un concile auquel présiderent les légats de Paschal II. & dans lequel tous les hommages furent prohibés sans distinction, les barons & autres seigneurs anglois furent assujettis à l’hommage ; mais les évêques & les abbés fide & sacramento professi sunt ; ils se bornerent, comme il se pratique en France, au seul serment de fidélité.

Quelque tems auparavant, le même pape fut dans la nécessité d’écrire au clergé de Paris la lettre la plus violente contre l’usage qui s’étoit introduit d’exiger des hommages de ceux qui étoient dans un rang inférieur : illud quoque apud quosdam clericorum fieri audivimus, ut videlicet majores prebendarii à minoribus hominia suscipiant. « A toutes ces possessions, dit le P. Thomassin tome III. p. 215. ce n’étoit qu’une protestation de bouche ou par écrit d’un devoir, que tout le monde reconnoissoit être indispensable de garder les canons d’obéir à ses supérieurs ecclésiastiques ». De-là le même P. Thomassin conclud que ce pape n’avoit donc garde « d’exiger des archevêques l’hommage d’un vassal à son seigneur, ou un serment qui ressentît l’hommage ».

En 1137, Louis le Gros donne un édit général, par lequel il accorde aux évêques & abbés de l’Aquitaine, qui devoit appartenir à Louis le jeune son fils, du chef de sa femme Eléonore, fille du duc de cette Province ; il accorde, dis-je, l’élection canonique sans charge d’hommage à son égard : canonicam omnino concedimus libertatem absque hominii, juramenti, seu fidei per manum datæ obligatione.

En 1165, Adrien IV. reprochoit à l’empereur Frédéric, quid dicam de fidelitate beato Petro & nobis à te promissâ & juratâ, quomodo eam observes cum ab iis qui dii sunt, & filii excelsi omnes episcopis videlicet homagium requires.

Enfin cet empereur est convenu que les évêques d’Italie solum sacramentum fidelitatis sine hominio facere debere domino imperatori. Otton, qui étoit évêque de Verceil avant l’an 1000, fait entendre par ses lettres, que de son tems les évêques d’Italie ne prétoient que le serment de fidélité aux empereurs pour les fiefs attachés à leurs bénéfices.

En 1164, Henri II. roi d’Angleterre avoit fait le reglement suivant : Electus homagium & fidelitatem qui sicut ligio domino salvo ordine suo faciat priusquam consecretur. Saint Thomas de Cantorbery ne voulut faire que le serment de fidélité, fidelitatem & juraverat ; ce que ce saint croyoit devoir être suffisant. Cette premiere fermeté à soutenir les immunités ecclésiastiques fut le premier pas vers le martyre.

Le quatrieme concile général de Latran de 1215, appellé le grand, par le nombre prodigieux d’évêques qui s’y trouverent & auquel présida Innocent III. défend de nouveau aux ecclésiastiques la foi & hommage ; les mêmes défenses furent confirmées en 1250, tant la vanité se trouvoit flattée de ces sortes d’assujettissemens, ne aliqua soecularis persona contra statuta hujusmodi quidquam attentare, aut à vobis

vel successoribus vestris, homagii vel fidelitatis exigere seu oblatum audeat recipere sacramentum.

Les abbés n’ayant point d’ecclésiastiques qui leur fussent assujettis, & voulant d’un autre côté imiter les souverains, exigerent des curés des sermens de fidélité, lorsqu’ils les instituoient dans les paroisses eu égard aux dixmes qu’ils avoient cédées, fidelitatis exigunt sacramentum & nec exactores sininus impunitos cum simoniacam contineant pravitatem. Voyez le Concile de Chicester de l’an 1289.

Il est donc évident que l’hommage dans un ecclésiastique, & sur-tout pour ce qui s’appelle bénéfice ou spirituel, est regardé par les canons comme le comble de l’horreur & de l’indignité, indignum est & à romanâ ecclesiâ alienum ut pro spiritualibus facere quis homagium compellatur. Cap. fin. de reg. jur. C’est une des regles du droit canon.

Que l’on jette les yeux sur le titre du chapitre ex diligenti, il annonce ce que porte le canon : Pro habendis spiritualibus homagium facere simoniacum est.

C’est sur tous ces principes que se sont appuyés les canonistes & les jurisconsultes, pour blamer les hommages pour tout ce qui s’appelle matiere bénéficiale.

En conséquence des hommages que rendoient autrefois les évêques aux souverains pour les duchés, comtés & seigneuries considérables qu’ils tenoient, ils étoient tenus de fournir des troupes, quelques-uns les conduisoient & faisoient à leur égard les fonctions d’aumôniers ; & lorsque quelqu’un d’entre eux se sont oubliés jusqu’à porter les armes, leur conduite a été blâmée par les conciles & les papes.

Le dernier hommage qui ait été fait en France par un ecclésiastique envers le souverain, est celui de Louis de Poitiers, évêque & comte de Valence & de Die en l’an 1456, au dauphin, depuis roi sous le nom de Louis XI.

« Depuis ce tems-là, dit le P. Thomassin en sa discip. ecclés. part. IV. liv. II. ch. liij. p. 224, il ne paroît plus d’hommages rendus, mais de simples sermens de fidélité, dit le P. Thomassin ; ces sermens de fidélité ont même quelque chose plus honnête & plus honorable pour la probité de ces derniers siecles envers les princes souverains. Quelques-uns ont cru que l’hommage s’étoit confondu avec le serment ; mais un arrêt du conseil privé en 1652 en faveur de l’évêque d’Autun, nous donne d’autres lumieres. Cet évêque ayant prêté son serment de fidélité au roi, eut peine de le faire enregistrer dans la chambre des comptes, parce qu’elle exigeoit encore de lui l’hommage & le dénombrement des fiefs & domaines qu’il tenoit ; il présenta requête au roi conjointement avec les agens du clergé, & elle contenoit que par les lettres-patentes de Charles IX. Henri III. Henri IV. & Louis XIII. enregistrées au parlement & en la chambre des comptes, les ecclésiastiques de ce royaume auroient été déclarés exempts de faire la foi & hommage, & donner, par aveu & dénombrement, leurs fiefs, terres & domaines, attendu les amortissemens faits d’iceux en 1522 & 1547, par les rois François I. & Henri II… le roi prononça en faveur de l’évêque ».

Pour ce qui regarde les hommages envers les seigneurs inférieurs, ils ont été très-rares en France, d’abord par rapport à la maniere de les rendre, & qui consistoit en ce que le vassal se mettoit à genoux, tenoit ses mains jointes dans celles du seigneur, & ensuite l’embrassoit : ponere manus suas intra manus domini in signum summæ subjectionis, reverentiæ & fidei, & à domino admitti ad osculum pacis in signum specialis confidentiæ & amoris …… quæ forma & solemnitas non servatur nec congruit in prestatione homagii inferioribus dominis. C’est Dumoulin qui s’explique de la sorte dans son traité des fiefs ; il ajoute au même