Homme nouveau, novus homo, (Hist. rom.) les Romains appelloient hommes nouveaux, ceux qui commençoient leur noblesse, c’est-à-dire, ceux qui n’ayant aucune illustration par leurs ancêtres, commençoient les premiers à se pousser par leurs vertus ; c’est cependant ce reproche d’homme nouveau que tant de gens firent à l’orateur de Rome, & entr’autres Catilina, lorsqu’il lui fut préferé pour la premiere magistrature : « Je ne prétens pas, dit Ciceron en plein sénat, m’étendre sur les louanges de mes ancêtres, par cette seule raison qu’ils ont vécu sans rechercher les applaudissemens de la renommée populaire, & sans desirer l’éclat des honneurs que vous conférez ».
Cicéron étoit donc un homme nouveau ; il étoit sans doute bien illustre par lui-même, & bien digne des premiers emplois ; mais il n’étoit pas noble, il n’avoit pas le droit de faire porter à ses funérailles le buste de cire de ses ayeux : celui-là seul avoit ce droit dont les ancêtres étoient parvenus aux grandes charges ; il étoit noble par ce titre, & rendoit nobles ses descendans. Ceux qui avoient les images de leurs ayeux, pour me servir des termes d’Asconius, étoient appellés nobles, nobiles ; ceux qui n’avoient que les leurs, on les nommoit hommes nouveaux, novi homines ; & ceux qui n’avoient ni les images de leurs ancêtres, ni les leurs, étoient appellés ignobles, ignobiles ; ainsi la noblesse, le droit d’images, jus imaginum, se trouvoit attaché aux charges, aux dignités ; c’est pourquoi Caton le censeur, qu’on qualifioit comme Cicéron d’homme nouveau, répondoit qu’il l’étoit quant aux dignités, mais que quant au mérite de ses ancêtres, il pouvoit se dire très-ancien. (D. J.)
Homme libre, (Hist. des Francs.) on appelloit au commencement de notre monarchie hommes libres ceux qui d’un côté n’avoient point de bénéfices ou fiefs, & qui de l’autre n’étoient point soumis à la servitude de la glebe ; les terres qu’ils possédoient étoient des terres allodiales ; alors deux sortes de gens étoient tenus au service militaire, les leudes vassaux, ou arriere-vassaux, qui y étoient obligés en conséquence de leurs fiefs, & les hommes libres, francs, romains & gaulois, qui servoient sous le comte & étoient menés à la guerre par lui, & ses officiers qu’on nommoit vicaires ; de plus, comme les hommes libres étoient divisés en centaines (en anglois hundred) qui formoient ce qu’on appelloit un bourg, les comtes avoient encore sous eux outre les vicaires d’autres officiers, nommés centeniers, qui conduisoient les hommes libres du bourg, ou de leur centaine, au camp.
Les droits du prince sur les hommes libres ne consistoient qu’en de certaines voitures exigées seulement dans de certaines occasions publiques, & dans quelques droits sur les rivieres ; & quant aux droits judiciaires, il y avoit des lois des Ripuaires & des Lombards pour prévenir les malversations.
J’ai dit que les hommes libres n’avoient point de fiefs ; cela se trouvoit ainsi dans les commencemens, alors ils n’en pouvoient point encore posséder ; mais ils en devinrent capables dans la suite, c’est-à-dire, entre le regne de Gontram & celui de Charlemagne. Dans cet intervalle de tems, il y eut des hommes libres, qui furent admis à jouir de cette grande prérogative, & par conséquent à entrer dans l’ordre de la noblesse ; c’est du moins le sentiment de M. de Montesquieu, voyez l’Esprit des lois, liv. XXXI. ch. xxiij. (D. J.)
Homme d’État, (Droit politiq.) celui à qui le souverain confie sous ses yeux les rènes du gouvernement en tout, ou en partie.
Un citoyen d’Athènes ou de Rome nous diroit que le devoir d’un homme d’état est de n’être rempli
Mais je ne tiendrai point ici des propos si sublimes, qui ne vont ni à nos mœurs, ni à nos idées, ni à la nature des gouvernemens sous lesquels nous vivons : c’est bien assez de demander à un homme d’état du travail, de l’honneur, de la probité, de servir son prince fidelement, d’avoir l’oreille plus ouverte à la vérité qu’au mensonge, d’aimer l’ordre & la paix, de respecter les lois, de ne pas opprimer la nation, & de ne se pas jouer du gouvernement.
Le vulgaire suppose toûjours une étendue d’esprit prodigieuse, & un génie presque divin aux hommes d’état, qui ont heureusement gouverné ; mais il ne faut souvent, pour y réussir, qu’un esprit sain, de bonnes vûes, de l’application, de la suite, de la prudence, des conjonctures favorables. Cependant je suis persuadé que, pour être un bon ministre, il faut sur toutes choses avoir pour passion, l’amour du bien public : le grand homme d’état est celui dont les actions parlent à la postérité, & dont il reste d’illustres monumens utiles à sa patrie. Le cardinal de Mazarin n’étoit qu’un ministre puissant ; Sully, Richelieu & Colbert ont été de grands hommes d’état. Alexandre se fit voir un grand homme d’état, après avoir prouvé qu’il étoit un grand capitaine. Alfred a été tout ensemble, le plus grand homme d’état, & le plus grand roi qui soit monté sur le trône depuis l’époque du christianisme. (D. J.)
Hommes d’intelligence, (Théol.) nom d’une secte d’hérétiques, qui parurent dans la Picardie en 1412 ; leur chef étoit Fr. Guillaume de Hildernissen, allemand, de l’ordre des Carmes, & un certain Gilles le Chantre, homme séculier. Celui-ci disoit qu’il étoit le sauveur des hommes, & que par lui les fideles verroient Jesus-Christ, comme par Jesus-Christ ils verroient Dieu le Pere ; que les plaisirs du corps étant de simples actions de la nature, n’étoient point des péchés, mais des avant-goûts du paradis ; que le tems de l’ancienne loi avoit été celui du Pere ; que le tems de la nouvelle loi étoit celui du Fils ; & qu’il y en auroit bientôt un troisieme, qui seroit celui du saint-Esprit, lequel mettroit les hommes en toute liberté. Le carme se retracta à Bruxelles, à Cambrai, & à Saint-Quentin, où il avoit semé ses erreurs, & cette secte se dissipa. Mezerai, Hist. de France. (G)
Homme d’armes. (Cart. milit. & hist.) C’étoit dans l’ancienne gendarmerie un gentilhomme qui combattoit à cheval, armé de toutes pieces, cataphractus eques. Chaque homme d’armes avoit avec lui cinq personnes ; sçavoir trois archers, un coutillier, ou un écuyer, ainsi appellé d’une espece de couteau ou bayonnette, qu’il portoit au côté, & enfin un page ou un valet. Charles VII ayant commencé à réduire la noblesse françoise en corps réglé de cavalerie, il en composa quinze compagnies, chacune de cent hommes d’armes, appellées compagnies d’ordonnance ; & comme chaque homme d’armes avoit cinq autres hommes à sa suite, chaque compagnie se trouvoit de six cens hommes, & les quinze ensemble faisoient neuf mille chevaux. Il y avoit outre cela une grande quantité de volontaires, qui suivoient ces compagnies à leurs dépens, dans l’espérance d’y avoir, avec le tems, une place de gen-