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ment. On peut prendre encore une plus grande précaution, en choisissant dans le bois un an avant la transplantation, les houx que l on veut se procurer ; on fait fouiller la terre tout-au-tour, en ne conservant que la motte avec laquelle on pourra les cultiver : ce travail force les arbrisseaux à faire de nouvelles racines, & à se garnir de chevelu ; & dans le tems des gelées il est plus facile de les enlever avec la motte de terre. Il y a encore une façon de les transplanter en grand : c’est de couper toutes les branches latérales, & de coucher dans la terre l’arbre en entier, en ne laissant sortir de la terre que quelques branches vigoureuses qu’il faudra tailler à six pouces au-dessus de terre ; ordinairement ils réussissent par cette méthode. Lorsque l’on veut transporter des houx au loin, il est presque indispensable de les mettre dans des manequins avec leurs mottes. Quoique cet arbrisseau soit très-robuste, & qu’il résiste aux plus fortes gelées, cependant il craint le grand air & la chaleur ; le soleil sur-tout est son plus grand ennemi.

Le bois du houx est blanc, dur, solide & pesant. Le cœur prend une couleur noirâtre, qui s’étend à mesure que l’arbre grossit. Les Ebénistes en font quelque usage. Ses branches sont souples & pliantes ; elles conservent cette faculté long-tems après avoir été coupées : on pourroit l’employer à de gros ouvrages, si cet arbre avoit communément plus de volume. Ce bois reçoit la couleur noire plus parfaitement qu’aucun autre bois, & il prend un beau poli. La meilleure glu pour prendre les oiseaux se fait avec l’écorce du houx. Voyez Glu.

Le houx est un des plus beaux arbres que l’on puisse employer pour l’ornement d’un jardin. Le goût étoit autrefois de le mettre dans les plates-bandes, & de le forcer à prendre sous le ciseau des figures surmontées & de petites ordonnances auxquelles il n’étoit pas propre : on a enfin reconnu que la taille en dégradant les feuilles, défiguroit cet arbre. On s’est borné à le mettre dans des bosquets d’arbres toujours verds, où il fait le plus agréable aspect. On en fait des palissades naturelles qui se garnissent parfaitement, & qui prennent une bonne hauteur : on peut sur-tout en former des haies vives, qui sont admirables par la brillante verdure des feuilles, & la couleur rouge & vive des fruits qui restent pendant tout l’hiver sur cet arbrisseau. Ces haies sont de longue durée, de peu d’entretien & de la meilleure défense. Le houx ne trace point, il se garnit de lui-même, & nul insecte ne s’y attache. Mais rien ne contribue tant à l’ornement d’un jardin que les houx panachés, dont il y a plus de trente variétés. Ce genre de curiosité a commencé en Angleterre, où le terrein s’est trouvé plus propre qu’ailleurs à le favoriser : le goût dominant des Anglois pour les arbres, dont les feuilles sont bigarées de plusieurs couleurs, les a portés à rassembler tous les houx dont les feuilles se sont trouvées tachées, rayées, mouchetées, bordées, veinées, liserées ou de jaune ou de blanc, ou d’un mélange de couleur pourpre. Il est vrai qu’une feuille aussi brillante que celle du houx, lorsqu’elle est mélée de jaune ou de blanc, imite l’éclat de l’or ou de l’argent.

On multiplie ces variétés en les greffant sur le houx commun ; c’est une bigarure que le hazard a produite, & que la greffe rend constante, ou plûtôt une dégradation, une sorte de maladie qui a été occasionnée par l’insuffisance ou la mauvaise qualité du terrein. Les houx panachés sont plus délicats que l’espece commune, ils craignent le grand froid qui les mutile & la bonne terre qui les décolore en les remettant en vigueur. Il leur faut beaucoup d’air & de soleil pour les entretenir dans cet état de langueur qui en fait tout l’agrément ; aussi croissent-ils plus

lentement que le houx commun, & s’élevent-ils beaucoup moins. Vaurence, jardinier anglois, assure qu’on peut faire panacher le houx par art, en semant les graines dans un terrein graveleux, mêlé de beaucoup de craie, & en transplantant ensuite les plants qui en proviendront dans un pareil terrein, qu’on s’abstiendra de cultiver, afin qu’il reste toujours ferme & serré. On peut greffer le houx en fente, en écusson ou en approche : la greffe en écusson est la plus en usage, elle se fait au mois de Mai : il faut lever un peu de bois avec l’écusson. Quelques auteurs ont avancé que l’oranger peut se greffer sur le houx ; mais on ne trouve rien de bien constaté sur ce fait. Ce qu’il y a de plus sûr, c’est que le houx peut servir de sujet à greffer le rosier : la rose blanche double greffée sur le houx, donne des roses qui sont vertes, mais qui n’ont point d’odeur.

On trouve assez fréquemment dans les bois où il croît des houx, quelques plants de cet arbrisseau, dont la plûpart des feuilles n’ont point de piquans, & les autres bien peu : l’opinion commune est que l’âge amene ce changement. Il est vrai que cette circonstance ne se trouve que dans des plants d’une certaine force, qui ont six & huit piés de hauteur ; mais aussi on voit des plants de même âge, & d’autres beaucoup plus âgés & plus élevés, dont les feuilles sont garnies d’autant de piquans qu’elles en ont sur les jeunes houx. On ne peut pas attribuer ce changement à l’exposition ou à la qualité de la terre, puisque l’on trouve des houx à feuilles non épineuses dans toutes sortes d’expositions & de terreins. Il y a plûtôt lieu de présumer que cet accident vient d’une qualité individuelle, qui est ordinaire à une espece de houx particuliere.

On connoît peu d’especes de cet arbrisseau ; voici à quoi elles se réduisent.

Le houx ordinaire, dont le fruit est rouge. On en trouve à fruit jaune & à fruit blanc ; ce sont des variétés dont la rareté fait tout le mérite.

Le houx hérisson. Sa feuille est hérissée de piquans, tant à la bordure qu’en dessus ; lorsqu’on seme sa graine, elle produit le même caractere.

Dans ces deux especes il y a quantité de variétés panachées de jaune ou de blanc, ou d’un mélange de pourpre ; on leur a donné le nom des personnes qui en ont fait la découverte, ou du lieu où elles se sont trouvées. Voyez pour le détail de ces variétés, M. Duhamel.

Le houx de Caroline à feuilles étroites. Cet arbrisseau a plus d’agrément que les houx d’Europe ; ses feuilles sont plates & unies, elles sont d’un verd clair & luisant, & elles ont très-peu d’épines, qui sont si courtes, qu’à peine les apperçoit-on : cet arbrisseau est rare en France. J’en ai quelques plants qui n’ont encore donné ni fleurs ni fruits : leur jeunesse n’a pas encore permis d’essayer si on peut les greffer sur le houx commun.

Le houx de Caroline à feuilles dentelées. Les Anglois le nomment le houx dahou : c’est un petit arbre qui a une tige droite, & qui s’éleve ordinairement à seize piés dans la Caroline ; il croît plus promptement que le houx d’Europe ; ses feuilles sont plus longues, plus minces, & d’un verd plus clair : elles sont dentelées sans être armées de pointes ; ses fruits viennent en grosses grapes, ils sont d’un rouge vif, très-brillant. Ceci est tiré de Catesby, auteur anglois, & c’est tout ce qu’on en sait. Cet arbre n’est point encore connu en France, étant même très-rare dans la Caroline, où on en a fait la découverte.

Houx, (Mat. med.) la décoction de la racine & de l’écorce est émolliente & résolutive. On s’en sert utilement, selon Mathiol, pour faire des fomentations sur les articulations qui se sont durcies après avoir été luxées.