Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi dans ce même livre de la résistance des fluides au mouvement des corps, de la réfraction, ou du mouvement d’un corps qui s’enfonce dans un fluide, & enfin des lois du mouvement des fluides qui se meuvent en tourbillon.

Comme nous avons donné au mot Fluide les principales lois du mouvement des fluides, nous y renvoyerons ceux de nos lecteurs, qui voudront s’instruire des principales lois de l’Hydrodynamique. Nous ajoûterons seulement ici quelques reflexions qui n’ont point été données dans cet artic. Fluides, & qui lui serviront comme de complément.

La premiere de ces réflexions aura pour objet la contraction de la veine d’eau qui sort d’un vase. M. Newton a observé le premier que l’eau qui sortoit d’un vase, n’en sortoit pas sous une forme cylindrique, mais sous une forme de cône tronqué, qui va en se rétrecissant depuis la sortie du vase. M. Daniel Bernoulli ajoûte à cette observation (voyez son hydrodynamique, sect. 4), que quand les eaux sortent, non par un simple trou, mais par un tuyau, la veine se contracte, si les parois du tuyau sont convergens, & se dilate si ces parois sont divergens. La raison en est assez facile à appercevoir, c’est que l’eau dans sa direction, au sortir du tuyau, suit pendant quelque tems la direction des parois du tuyau, le long desquels elle a coulé. Cette contraction & dilatation de la veine d’eau se varie donc suivant les différens cas, ce qui fait qu’il est très difficile de déterminer exactement le tems qu’un vase met à se vuider, même quand on connoîtroit exactement la vîtesse de l’eau au sortir du vase. Car il est encore nécessaire de connoître la figure de la veine d’eau, qu’on ne peut pas supposer cylindrique, & dont on ne peut pas supposer par conséquent que les parties se meuvent avec une égale vîtesse, puisque la vîtesse est en raison inverse de la largeur de la veine.

A l’occasion de cette veine d’eau, nous dirons un mot de la cataracte de M. Newton. Ce grand géometre prétend dans le second livre de ses principes, que l’eau qui sort d’un vase cylindrique par un trou fait à la base de ce vase, en sort en formant depuis la partie supérieure du vase jusqu’au trou, une espece de cataracte ou de veine qui va en se retrécissant, & dont la largeur à chaque endroit est en raison inverse de la vîtesse de l’eau, c’est-à-dire en raison inverse de la racine quarrée de la distance de cet endroit à la surface supérieure de l’eau ; de maniere que cette cataracte est une espece d’hyperbole du second genre, dans laquelle les quarrés des ordonnées sont comme les abscisses. M. Jean Bernoulli dans son Hydraulique (voyez le tome IV. de ses œuvres) a très-bien prouvé l’impossibilité d’une pareille cataracte, parce que la partie du fluide qui seroit hors de cette cataracte seroit stagnante, & par conséquent agiroit par sa pesanteur pour détruire cette cataracte, dans laquelle le fluide n’auroit aucune pression. Voyez un plus grand détail dans l’ouvrage cité.

Ma seconde observation aura pour objet la pression des fluides en mouvement. J’ai donné dans mon Traité des fluides en 1744, une méthode directe pour déterminer cette pression, & j’ai expliqué au mot Fluide, en quoi consiste cette méthode. Or il y a des cas où la formule qui exprime cette pression devient négative, & j’ai prétendu que dans ces cas, la pression ne doit pas se changer en suction, comme le dit M. Daniel Bernoulli, c’est-à-dire que les parois du canal ne doivent pas être pressés de dehors en dedans, mais qu’ils le sont toujours de dedans en dehors. Voyez l’article cxlix de mon ouvrage. En vain m’objecteroit-on les expériences par lesquelles M. Bernoulli a prétendu confirmer sa théorie ; ces ex-

périences prouvent seulement ce que je n’ai jamais nié, & ce qui est évident par soi-même, que quand la pression du fluide est négative, la pression totale de l’air & du fluide sur les parties intérieures du canal, est moins grande que celle qui est exercée par l’air seul sur les parties extérieures du même canal. Or, dans toute ma théorie du mouvement des fluides, j’ai fait abstraction de la pression de l’air, à l’exemple de tous les auteurs d’Hydraulique ; & j’avois jugé que M. Bernoulli en faisoit abstraction lui-même en cet endroit, ainsi que dans tout le cours de son ouvrage. Si M. Bernoulli en disant p. 264 de son Hydrodynamique, pressio in suctionem mutatur, id est, latera canalis introrsûm premuntur, eût ajoûté ces trois mots, ab aëre circumambiente, nous étions pleinement d’accord, & je ne lui aurois fait sur cet article aucune objection ; mais il semble qu’il ait cherché à éloigner cette idée par la maniere dont il explique immédiatement après cette pression changée en suction ; tunc autem, dit-il (c’est-à-dire, dans le cas où la pression est négative) res ità consideranda est, ac si loco columnæ aqueæ superincumbentis, & in equilibrio positæ cum aquâ præterfluente, sit columna aquæa appensa, cujus nisus descendendi impediatur ab attractione aquæ præterfluentis.

En effet, ce n’est point par l’attraction de l’eau qui coule dans le fluide que cette colonne est soûtenue, mais par la pression de l’air inférieur, laquelle, dans le cas dont il s’agit, se trouve égale à la pression que l’air supérieur exerce sur la surface du fluide qui coule. Il paroît donc que M. Bernoulli ne s’est pas suffisamment expliqué sur ce qu’il appelle la pression changée en suction : mais quoi qu’il en soit, il est certain que toute la théorie que j’ai établie est exactement vraie, en faisant abstraction, comme je l’ai supposé, de la pression de l’air environnant. C’est ce qui fait dire à M. Euler, dans une lettre du 29 Décembre 1746 : Je crois que vos raisons sont aussi-bien fondées que celles de M. Bernoulli, & que c’est une circonstance étrangere, à laquelle il faut attribuer l’effet de la suction… Si le tuyau étoit situé dans un espace vuide d’air, il n’y a aucun doute que l’eau ne perdît sa continuité (lorsque la pression est négative) comme vous prétendez. Votre théorie sera donc vraie dans le cas où le tuyau est placé dans un espace vuide d’air ; & celle de M. Bernoulli l’est également, quand le tuyau se trouve en plein air.

Au reste, quand on considere le tuyau en plein air, la théorie de M. Bernoulli demande encore, ce me semble, quelque modification. Car lorsque le fluide descend pour sortir du vase, l’air qui environne ce vase de toutes parts n’est pas en repos, puisque l’air descend dans le tuyau à mesure que le fluide s’abaisse ; ce qui ne peut se faire, sans qu’il y ait du mouvement dans tout l’air environnant ; ainsi la pression de l’air sur le tuyau, tant extérieurement qu’intérieurement, ne doit pas être la même que si l’air étoit en repos ; pour déterminer cette pression, il faudroit connoître le mouvement de l’air environnant ; & c’est ce qui paroît très-difficile. Ne pourra-t-il donc pas y avoir des cas où la pression de l’air sur la surface extérieure du tuyau ne soit pas plus grande, ou même soit plus petite que la pression sur la surface intérieure ; auquel cas, les parois du tuyau ne seroient pas pressées de-dehors en-dedans, par l’air qui environne le tuyau, quoique la pression du fluide qui coule dans le tuyau fût négative ? Il paroît donc que le meilleur parti à prendre dans la théorie de la pression des fluides qui sont en mouvement, est de faire abstraction de l’air qui environne le tuyau. C’est aussi le parti que j’ai pris.

Enfin, ma derniere observation aura pour objet