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pereurs, pour rendre ces troupes incorruptibles ; elles ont dégénéré. Il semble même qu’on soit bien-aise depuis plus d’un siecle, de les voir moins respectées, de crainte qu’elles ne se rendent plus redoutables.

Quoique la plus grande partie de l’infanterie turque s’arroge le nom de janissaires, il est pourtant sûr que dans tout ce vaste empire, il n’y en a pas plus de 25 mille qui soient vrais janissaires, ou janissaires de la Porte : autrefois cette milice n’étoit composée que des enfans de tribut, que l’on instruisoit dans le Mahométisme. Présentement cela ne se pratique plus, depuis que les officiers prennent de l’argent des Turcs, pour les recevoir dans ce corps. Il n’étoit pas permis autrefois aux janissaires de se marier, les Musulmans étant persuadés que les soins du ménage rendent les soldats moins propres à la profession des armes : aujourd’hui se marie qui veut avec le consentement des chefs, qui ne le donnent pourtant pas sans argent ; mais la principale raison qui détourne les janissaires du mariage, c’est qu’il n’y a que les garçons qui parviennent aux charges, dont les plus recherchées sont d’être chefs de leur oda.

Toute cette milice loge dans de grandes casernes, distribuées en plusieurs chambres : chaque chambre a son chef qui y commande. Il reçoit ses ordres des capitaines, au-dessus desquels il y a le lieutenant général, qui obéit à l’aga seul.

Le bonnet de cérémonie des janissaires est fait comme la manche d’une casaque ; l’un des bouts sert à couvrir leur tête, & l’autre tombe sur leurs épaules ; on attache à ce bonnet sur le front, une espece de tuyau d’argent doré, long de demi-pié, garni de fausses pierreries. Quand les janissaires marchent à l’armée, le sultan leur fournit des chevaux pour porter leur bagage, & des chameaux pour porter leurs tentes ; savoir un cheval pour 10 soldats, & un chameau pour 20. A l’avénement de chaque sultan sur le trone, on augmente leur paye pendant quelque tems d’un aspre par jour.

Les chambres héritent de la dépouille de ceux qui meurent sans enfans ; & les autres, quoiqu’ils ayent des enfans, ne laissent pas de léguer quelque chose à leur chambre. Parmi les janissaires, il n’y a que les solacs & les peyes qui soient de la garde de l’empereur ; les autres ne vont au serrail, que pour accompagner leurs commandans les jours de divan, & pour empêcher les desordres. Ordinairement on les met en sentinelle aux portes & aux carrefours de la ville : tout le monde les craint & les respecte, quoiqu’ils n’ayent qu’une canne à la main, car on ne leur donne leurs armes, que lorsqu’ils vont en campagne.

Plusieurs d’entre eux ne manquent pas d’éducation, étant en partie tirés du corps des azaucoglans, parmi lesquels leur impatience, ou quelqu’autre défaut, ne leur a pas permis de rester : ceux qui doivent être reçûs, passent en revûe devant le commissaire, & chacun tient le bas de la veste de son compagnon. On écrit leurs noms sur le registre du grand-seigneur ; après quoi ils courent tous vers leurs maîtres de chambre, qui pour leur apprendre qu’ils sont sous sa jurisdiction, leur donne à chacun en passant, un coup de main derriere l’oreille.

On leur fait faire deux sermens lors de leur enrôlement ; le premier, de servir fidellement le grand-seigneur ; le second, de suivre la volonté de leurs camarades. En effet, il n’y a point de corps plus uni que celui des janissaires, & cette grande union soutient singulierement leur autorité ; car quoiqu’ils ne soient que 12 à 13 mille dans Constantinople, ils sont sûrs que leurs camarades ne manqueront pas d’approuver leur conduite.

De-là vient leur force, qui est telle, que le grand-

seigneur n’a rien au monde de plus à craindre que

leurs caprices. Celui qui se dit l’invincible sultan, doit trembler au premier signal de la mutinerie d’un misérable janissaire.

Combien de fois n’ont-ils pas fait changer à leur fantaisie la face de l’empire ? les plus fiers empereurs, & les plus habiles ministres, ont souvent éprouvé qu’il étoit pour eux du dernier danger d’entretenir en tems de paix, une milice si redoutable. Elle déposa Bajazet II. en 1512 ; elle avança la mort d’Amurat III. en 1595 ; elle menaça Mahomet III. de le détrôner. Osman II. qui avoit juré leur perte, ayant imprudemment fait éclater son dessein, en fut indignement traité, puisqu’ils le firent marcher à coups de piés depuis le serrail jusques au château des sept tours, où il fut étranglé l’an 1622. Mustapha que cette insolente milice mit à la place d’Osman, fut détrôné au bout de deux mois, par ceux-là même qui l’avoient élevé au faîte des grandeurs. Ils firent aussi mourir le sultan Ibrahim en 1649, après l’avoir traîné ignominieusement aux sept tours ; ils renverserent du trone son fils Mahomet I V. à cause du malheureux succès du siége de Vienne, lequel pourtant n’échoua que par la faute de Cara-Mustapha, premier visir. Ils préférerent à cet habile sultan son frere Soliman III. prince sans mérite, & le déposerent à son tour quelque tems après. Enfin, en 1730, non-contens d’avoir obtenu qu’on leur sacrifiât le grand visir, le rei-Effendi, & le capitan bacha ; ils déposerent Achmet III. l’enfermerent dans la prison, d’où ils tirerent sultan Mahomet, fils de Mustapha II. & le proclamerent à sa place. Voilà comme les successions à l’empire sont réglées en Turquie. (D. J.)

JANNA (la), Géog. contrée de la Turquie européenne dans la Macédoine, sur l’Archipel, bornée N. par le Comenolitari, S. par la Livadie, O. par l’Albanie, & E. par l’Archipel. Elle répond à la Thessalie des anciens ; Larisse en est la capitale ; ses principales rivieres sont le Sélampria, le Pénée des Grecs, l’Epidêne qui est leur Apidanus, & l’Agrioméla, qui est leur Sperchius. (D. J.)

JANNANINS, s. m. pl. (Hist. mod. superstit.) c’est le nom que les Negres de quelques parties intérieures de l’Afrique donnent à des esprits qu’ils croient être les ombres ou les ames de leurs ancêtres, & qu’ils vont consulter & adorer dans les tombeaux. Quoique ces peuples reconnoissent un dieu suprême nommé Kanno, leur principal culte est réservé pour ces prétendus esprits. Chaque négre a son jannanin tutélaire, à qui il s’adresse dans ses besoins, il va le consulter dans son tombeau, & regle sa conduite sur les réponses qu’il croit en avoir reçûes. Ils vont sur-tout les interroger sur l’arrivée des vaisseaux européens, dont les marchandises leur plaisent autant qu’aux habitans des côtes. Chaque village a un jannanin protecteur, à qui l’on rend un culte public, auquel les femmes, les enfans & les esclaves ne sont point admis : on croiroit s’attirer la colere du génie, si on permettoit la violation de cette regle.

JANOUARE, s. m. (Hist. nat.) animal quadrupede du Brésil, monté sur des jambes hautes & seches comme un lévrier, ce qui le rend très-léger à la course. Il est de la grandeur d’un chien, sa peau est tachetée comme celle d’un tigre. Cet animal, qui est très-agile & très-vorace, cause beaucoup de frayeur aux habitans.

JANOW, (Géog.) il y a trois villes de ce nom en Pologne. La premiere est dans la haute Podolie ; la seconde dans la province de Mazovie, sur les frontieres de la Prusse ; & la troisieme est en Lithuanie, dans la province de Briescia.