eux. Allez d’un pole à l’autre ; interrogez les peuples, & vous y verrez par-tout l’idolatrie & la superstition s’établir par les mêmes moyens. Par-tout ce sont des hommes qui se rendent respectables à leurs semblables, en se donnant ou pour des dieux ou pour des descendans des dieux. Trouvez un peuple sauvage ; faites du bien ; dites que vous êtes un dieu, & l’on vous croira, & vous serez adoré pendant votre vie & après votre mort.
Le regne d’un certain nombre de rois dont on ne peut fixer l’ere, remplit la période incertaine. Ils y succedent aux premiers fondateurs, & s’occupent à dépouiller leurs sujets d’un reste de férocité naturelle, par l’institution des lois & l’invention des arts, l’invention des arts qui fait la douceur de la vie, l’institution des loix qui en fait la sécurité.
Fohi, le premier législateur des Chinois, est aussi le premier législateur des Japonois, & ce nom n’est pas moins célebre dans l’une de ces contrées que dans l’autre. On le représente tantôt sous la figure d’un serpent, tantôt sous la figure d’un homme à tête sans corps, deux symboles de la science & de la sagesse. C’est à lui que les Japonois attribuent la connoissance des mouvemens célestes, des signes du zodiaque, des révolutions de l’année, de son partage en mois, & d’une infinité de découvertes utiles. Ils disent qu’il vivoit l’an 396 de la création, ce qui est faux, puisque l’histoire du déluge universel est vraie.
Les premiers Chinois & les premiers Japonois instruits par un même homme, n’ont pas eu vraisemblablement un culte fort différent. Le Xékia des premiers est le Siaka des seconds. Il est de la même période ; mais les Siamois, les Japonois & les Chinois qui le réverent également, ne s’accordent pas sur le tems précis où il a vécu.
L’histoire vraie du Japon ne commence guere que 660 avant la naissance de J. C. c’est la date du regne de Syn-mu ; Syn-mu qui fut si cher à ses peuples qu’ils le surnommerent Nin-O, le très-grand, le très-bon, optimus, maximus ; ils lui font honneur des mêmes découvertes qu’à Fohi.
Ce fut sous ce prince que vécut le philosophe Roosi, c’est-à-dire le vieillard enfant. Koosi ou Confucius naquit 50 ans après Roosi. Confucius a des temples au Japon, & le culte qu’on lui rend differe peu des honneurs divins. Entre les disciples les plus illustres de Confucius, on nomme au Japon Ganquai, autre vieillard enfant. L’ame de Ganquai qui mourut à 33 ans, fut transmise à Kossobosati, disciple de Xékia ; d’où il est évident que le Japon n’avoit dans les commencemens d’autres notions de philosophie, de morale & de religion, que celles de Xékia, de Confucius & des Chinois, quelle que soit la diversité que le tems y ait introduite.
La doctrine de Siaka & de Confucius n’est pas la même. Celle de Confucius a prévalu à la Chine, & le Japon a préféré celle de Siaka ou Xékia.
Sous le regne de Synin, Kobote, philosophe de la secte de Xékia, porta au Japon le livre kio. Ce sont proprement des pandectes de la doctrine de son maître. Cette philosophie fut connue dans le même tems à la Chine. Quelle différence entre nos philosophes & ceux-ci ! Les réveries d’un Xékia se répandent dans l’Inde, la Chine & le Japon, & deviennent la loi de cent millions d’hommes. Un homme naît quelquefois parmi nous avec les talens les plus sublimes, écrit les choses les plus sages, ne change pas le moindre usage, vit obscur, & meurt ignoré.
Il paroît que les premieres étincelles de lumiere qui aient éclairé la Chine & le Japon, sont parties de l’Inde & du Brachmanisme.
Kobote établit au Japon la doctrine ésotérique
& exotérique de Foï. A peine y fut-il arrivé, qu’on lui éleva le Fakubasi, ou le temple du cheval blanc ; ce temple subsiste encore. Il fut appellé du cheval blanc, parce que Kobore parut au Japon monté sur un cheval de cette couleur.
La doctrine de Siaka ne fut pas tout-à-coup celle du peuple. Elle étoit encore particuliere & secrette lorsque Darma, le vingt-huitieme disciple de Xékia, passa de l’Inde au Japon.
Mokuris suivit les traces de Darma. Il se montra d’abord dans le Tinsiku, sur les côtes du Malabar & de Coromandel. Ce fut là qu’il annonça la doctrine d’un dieu ordonnateur du monde & protecteur des hommes, sous le nom d’Amida. Cette idée fit fortune, & se répandit dans les contrées voisines, d’où elle parvint à la Chine & au Japon. Cet évenement fait date dans la chronologie des Japonois. Le prince Tonda Josimits porta la connoissance d’Amida dans la contrée de Sinano. C’est au dieu Amida que le temple Sinquosi fut élevé, & sa statue ne tarda pas à y opérer des miracles, car il en faut aux peuples. Mêmes impostures en Egypte, dans l’Inde, à la Chine, au Japon. Dieu a permis cette ressemblance entre la vraie religion & les fausses, pour que notre foi nous fût méritoire ; car il n’y a que la vraie religion qui ait de vrais miracles. Nous avons été éclairés par les moyens qu’il fut permis au diable d’employer pour précipiter dans la perdition les nations sur lesquelles Dieu n’avoit point résolu dans ses decrets éternels d’ouvrir l’œil de sa miséricorde.
Voilà donc la superstition & l’idolatrie s’échapant des sanctuaires égyptiens, & allant infecter au loin l’Inde, la Chine & le Japon, sous le nom de doctrine xékienne. Voyons maintenant les révolutions que cette doctrine éprouva ; car il n’est pas donné aux opinions des hommes de rester les mêmes en traversant le tems & l’espace.
Nous observerons d’abord que le Japon entier ne suit pas le dogme de Xékia. Le mensonge national est tolérant chez ces peuples ; il permet à une infinité de mensonges étrangers de subsister paisiblement à ses côtés.
Après que le Christianisme eût été extirpé par un massacre de trente-sept mille hommes, exécuté presqu’en un moment, la nation se partagea en trois sectes. Les uns s’attacherent au sintos ou à la vieille religion ; d’autres embrasserent le budso ou la doctrine de Budda, ou de Siaka, ou de Xékia, & le reste s’en tint au sindo, ou au code des philosophes moraux.
Du Sintos, du Budso, & du Sindo. Le sintos qu’on appelle aussi sinsin & kammitsi, le culte le plus ancien du Japon, est celui des idoles. L’idolatrie est le premier pas de l’esprit humain dans l’histoire naturelle de la religion ; c’est de-là qu’il s’avance au manichéisme, du manichéisme à l’unité de Dieu, pour revenir à l’idolatrie, & tourner dans le même cercle. Sin & Kami sont les deux idoles du Japon. Tous les dogmes de cette théologie se rapportent au bonheur actuel. La notion que les Sintoistes paroissent avoir de l’immortalité de l’ame, est fort obscure ; ils s’inquietent peu de l’avenir : rendez-nous heureux aujourd’hui, disent-ils à leurs dieux, & nous vous tenons quittes du reste. Ils reconnoissent cependant un grand dieu qui habite au haut des cieux, des dieux subalternes qu’ils ont placés dans les étoiles ; mais ils ne les honorent ni par des sacrifices ni par des fêtes. Ils sont trop loin d’eux pour en attendre du bien ou en craindre du mal. Ils jurent par ces dieux inutiles, & ils invoquent ceux qu’ils imaginent présider aux élémens, aux plantes, aux animaux & aux évenemens importans de la vie.