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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/567

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la religion mahométane, qui répond à un curé parmi nous.

Ce mot signifie proprement ce que nous appellons prélats, antistes ; mais les Musulmans le disent en particulier de celui qui a le soin, l’intendance d’une mosquée, qui s’y trouve toujours le premier, & qui fait la priere au peuple, qui la répete aprés lui.

Iman, se dit aussi absolument par excellence des chefs, des instituteurs ou des fondateurs des quatre principales sectes de la religion mahométane, qui sont permises. Voyez Mahométisme. Ali est l’iman des Perses, ou de la secte des Schiaites ; Abu-beker, l’iman des Sunniens, qui est la secte que suivent les Turcs ; Saphii ou Safi-y, l’iman d’une autre secte.

Les Mahométans ne sont point d’accord entr’eux sur l’imanat, ou dignité d’iman. Quelques-uns la croyent de droit divin, & attachée à une seule famille, comme le pontificat d’Aaron ; les autres soutiennent d’un côté qu’elle est de droit divin, mais de l’autre, ils ne la croyent pas tellement attachée à une famille, qu’elle ne puisse passer dans une autre. Ils avancent de plus que l’iman devant être, selon eux, exempt non-seulement des péchés griefs, comme l’infidélité, mais encore des autres moins énormes, il peut être déposé, s’il y tombe, & sa dignité transférée à un autre.

Quoi qu’il en soit de cette question, il est constant qu’un iman ayant été reconnu pour tel par les Musulmans, celui qui nie que son autorité vient immédiatement de Dieu, est un impie ; celui qui ne lui obéit pas, un rébelle, & celui qui s’ingere de le contredire, un ignorant : c’est partout de même.

Les imans n’ont aucune marque extérieure qui les distingue du commun des Turcs ; leur habillement est presque le même, excepté leur turban qui est un peu plus large, & plissé différemment. Un iman privé de sa dignité, redevient simple laïc tel qu’il étoit auparavant, & le visir en nomme un autre ; l’examen & l’ordonnance du ministre font toute la cérémonie de la réception. Leur principale fonction, outre la priere, est la prédication, qui roule ordinairement sur la vie de Mahomet, sa prétendue mission, ses miracles, & les fables dont fourmille la tradition musulmane. Ils tâchent au reste de s’attirer la vénération de leurs auditeurs, par la longueur de leur manches & de leurs barbes, la largeur de leurs turbans, & leur démarche grave & composée. Un turc qui les auroit frappés, auroit la main coupée ; & si le coupable étoit chrétien, il seroit condamné au feu. Aucun iman, tant qu’il est en titre, ne peut être puni de mort ; la plus grande peine qu’on lui puisse infliger, ne s’étend pas au-delà du bannissement. Mais les sultans & leurs ministres ont trouvé le secret d’éluder ces privileges, soit en honorant les imans, qu’ils veulent punir, d’une queue de cheval, distinction qui les fait passer au rang des gens de guerre, soit en les faisant déclarer infideles par une assemblée de gens de loi, & dès-lors ils sont soumis à la rigueur des lois. Guer. mœurs des Turcs, liv. II. tome I.

IMARET, s. m. (Hist. mod.) nom que les Turcs donnent à une maison bâtie près d’un jami, ou d’une grande mosquée ; elle est semblable à un hôpital ou hôtellerie, & est destinée à recevoir les pauvres & les voyageurs.

IMAÜS, (Géog. anc.) longue chaîne de montagnes qui traverse l’Asie, au nord de ce que les anciens appellent proprement l’Inde, & qui envoie une de ses branches au septentrion, vers la mer glaciale. L’Imaüs séparoit l’Inde de la Scythie, comme il sépare encore aujourd’hui l’Indostan de la Tartarie. Il a différens noms dans les différens pays qu’il parcourt : on l’appelle dans la Tartarie propre, Belgian ;

dans la Tartarie deserte, Moréghar ; dans le Mogolistan, Dalanguer, & Naugracut, vers les sources du Gange. Une de ses plus considérables branches, prend le nom de montagnes de Gate ; de plus l’Imaüs se divise au septentrion du royaume de Siam, & forme trois nouvelles chaînes, dont nous parlerons au mot montagne, où nous décrirons celles qui serpentent sur le globe de la terre, par une espece de connexion & d’enchaînement. (D. J.)

IMBÉCILLE, s. m. (Logique) c’est celui qui n’a pas la faculté de discerner différentes idées, de les comparer, de les composer, de les étendre, ou d’en faire abstraction. Tel étoit parmi les Grecs un certain Margitès, dont l’imbécillité passa en proverbe. Suidas prétend qu’il ne savoit pas compter au-dessus de cinq, & qu’étant parvenu à l’adolescence, il demanda à sa mere, si elle & lui n’étoient pas enfans d’un même pere…

Ceux qui n’apperçoivent qu’avec peine, qui ne retiennent qu’imparfaitement les idées, qui ne sauroient les rappeller, ou les rassembler promtement, n’ont que très-peu de pensées. Ceux qui ne peuvent distinguer, comparer & abstraire des idées, ne sauroient comprendre les choses, faire usage des termes, juger, raisonner passablement ; & quand ils le font, ce n’est que d’une maniere imparfaite sur des choses présentes, & familieres à leur sens.

Si l’on examinoit les divers égaremens des imbécilles, on découvriroit assez bien jusqu’à quel point leur imbécillité procede du manque ou de la foiblesse de l’entendement.

Il y a une grande différence entre les imbécilles & les fous. Je croirois fort, dit Locke, que le défaut des imbécilles, vient de manque de vivacité, d’activité, & de mouvement dans les facultés intellectuelles, par où ils se trouvent privés de l’usage de la raison. Les fous au contraire, semblent être dans l’extrémité opposée ; car il ne paroît pas que ces derniers ayent perdu la faculté de raisonner, mais il paroît, qu’ayant joint mal-à-propos certaines idées, ils les prennent pour des vérités, & se trompent de la même maniere que ceux qui raisonnent juste sur de faux principes. Ainsi vous verrez un fou, qui, s’imaginant d’être roi, prétend par une juste conséquence, être servi, honoré selon sa dignité. D’autres qui ont cru être de verre, ont pris toutes les précautions nécessaires pour empêcher leur corps d’être cassé.

Il y a des degrés de folie, comme il y en a d’imbécillité ; l’union déréglée des idées, ou le manque d’idées, étant moins considérable dans les uns que dans les autres. En un mot, ce qui constitue vraissemblablement la différence qui se trouve entre les imbécilles & les fous ; c’est que les fous joignent ensemble des idées mal-assorties & extravagantes, sur lesquelles néanmoins ils raisonnent juste, au lieu que les imbécilles font très-peu ou point de propositions, & ne raisonnent que peu ou point du tout, suivant l’état de leur imbécillité.

Je ne sais, si certains imbécilles qui ont vêcu quarante ans sans donner le moindre signe de raison, ne sont pas des êtres qui tiennent le milieu entre l’homme & la bête ; car au fond, ces deux noms que nous avons faits, homme & bête, signifient-ils des especes tellement marquées par des essences distinctes, que nulle autre espece ne puisse intervenir entr’elles ?

En cas que quelqu’un vînt nous demander, ce que deviendront les imbécilles dans l’autre monde, puisque nous sommes portés à en faire une espece distincte entre l’homme & la bête, nous répondrions avec Locke, qu’il ne nous importe point de savoir & de rechercher de pareilles choses. Qu’ils tombent, ou qu’ils se soutiennent (pour me servir d’un passage de l’Ecriture, Rom. xjv. 4.) cela regarde leur maître. D’ailleurs, soit que nous déterminions quelque